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Rentrée parlementaire : l'inégalité des revenus au cœur des préoccupations pour les libéraux et le NPD

Rentrée parlementaire : l'inégalité des revenus au cœur des préoccupations

OTTAWA — Le ministre Jean-Yves Duclos a déclaré que le gouvernement prendra certaines mesures afin de faire face au gouffre de plus en plus large entre les riches et les pauvres, mais il a également affirmé du même souffle que toutes les promesses faites durant la campagne électorale ne pourront pas être incluses au prochain budget.

L’aveu du ministre du Développement social arrive au moment même où le NPD fera de l’inégalité des revenus son principal cheval de bataille alors que s’amorce lundi la nouvelle session parlementaire à Ottawa.

Duclos, un économiste respecté de l’Université Laval, a expliqué au Huffington Post Canada que son parti maintient son engagement en ce qui a trait à l’inégalité des revenus et à la création de croissance qui bénéficie à tous les membres de la société — femmes, immigrants, autochtones — ainsi qu’à toutes les régions du pays.

Jean-Yves Duclos lors de son assermentation comme ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. (Photo : Adrian Wyld/PC)

Le premier ministre Justin Trudeau n’a peut-être pas démontré autant d’intérêt au sujet de l’inégalité des revenus pendant la campagne qu’avant les élections, mais Duclos affirme que cet intérêt était « implicite » lorsqu’il était question de « la classe moyenne et de tous ceux qui souhaitent en faire partie ».

En décembre dernier, les libéraux ont annoncé des baisses d’impôts pour les Canadiens de la classe moyenne ainsi qu’une hausse d’impôt pour les citoyens dont les revenus dépassent 200 000 $ par an afin d’aider à réduire cette inégalité, affirme Duclos.

« Ce n’est pas par hasard que nous avons porté notre attention sur les 1 % », poursuit le ministre. « Ce n’est pas que nous ayons quoi que ce soit contre ces gens — nous sommes parfaitement conscients que les gens qui font partie du 1 % travaillent fort et gagnent ces revenus de manière légitime en investissant dans notre société —, mais simplement parce que la classe moyenne a besoin d’un coup de main additionnel. »

Au cours des 20 dernières années, les gens faisant partie du premier percentile ont vu leurs revenus augmenter de manière considérable, une hausse qui ne s’est pas traduite pour les travailleurs au bas de l’échelle salariale, affirme le ministre Duclos.

La réduction d’impôt de 1,5 % pour les revenus se situant dans la fourchette allant de 45 282 $ à 90 563 $ représente une économie maximale de 679 $ par an.

« On pourrait en faire plus », admet Duclos. « Mais, je crois sincèrement que c’est mieux que rien. »

« Ce n’est pas par hasard que nous avons porté notre attention sur les 1 %. »

M. Duclos doit rencontrer ses vis-à-vis provinciaux au courant du mois de février afin de jeter les bases d’une entente sur le financement des services d’apprentissage et de garde qui, selon lui, « profiteront aux familles à plus faible revenu. »

La première de ces rencontres aura pour but d’établir les objectifs d’un éventuel programme, et l’entente permettra vraisemblablement des écarts régionaux afin de répondre aux besoins spécifiques de chacune d’elles.

Le budget libéral, qui sera probablement déposé fin mars, comprendre plusieurs mesures tirées de la plateforme électorale du parti visant à faire face au problème de l’inégalité des revenus.

Une nouvelle allocation pour enfants ¬ qui entrera en vigueur en juillet — sera de particulièrement bon secours aux familles à faible revenu et permettra à des milliers d’enfants de sortir de la pauvreté, croit le ministre.

Le budget comprendra également des investissements en logements sociaux, une augmentation du supplément de revenu garanti pour les personnes âgées les plus vulnérables, plusieurs mesures destinées aux peuples autochtones ainsi que des mesures de création d’emploi grâce des investissements en infrastructures.

Le ministre Duclos prévient toutefois que ce ne sont pas toutes les promesses libérales faites durant la campagne électorale qui pourront être incluses au budget.

« Certaines choses devront attendre. »

Une députée néo-démocatre s’alarme des changements de position sur les impôts et les dépenses déficitaires

La députée néo-démocrate Niki Ashton s’inquiète du fait que les libéraux semblent déjà prendre leurs distances par rapport à de nombreuses promesses électorales concernant l’inégalité des revenus et que plusieurs promesses au chapitre des investissements pourraient être reléguées aux oubliettes sous prétexte de la conjoncture économique difficile.

« C’est dans les années 90 que les inégalités ont augmenté de façon marquée. C’était sous des gouvernements libéraux et tout était lié à des décisions prises à cette époque », a-t-elle affirmé au HuffPost, faisant notamment référence aux coupures dans les paiements de transfert aux provinces.

Elle cite notamment en exemple l’échec des libéraux au chapitre du renforcement du régime de retraite du Canada, l’échec quant à la restauration de l’âge d’admissibilité au programme de la sécurité de la vieillesse lors du discours du trône, ainsi que le refus des libéraux de réinstaurer la livraison de courrier à domicile par Postes Canada pour les clients qui l’avaient déjà perdue, ce qui aurait été une bonne manière de préserver des emplois bien payés.

Ashton s’inquiète tout particulièrement du fait que les libéraux pourraient amoindrir leurs engagements au chapitre de l’éducation des peuples autochtones.

La députée néo-démocrate Niki Ashton à la Chambre des communes. (Photo : Sean Kilpatrick/PC)

« Ce genre d’investissement ferait beaucoup de chemin dans la réduction des inégalités des revenus dans les communautés les plus pauvres du Canada. »

Quant au chef du NPD, Thomas Mulcair, il a affirmé à son caucus que l’inégalité des revenus serait le nouveau cheval de bataille du parti.

« L’inégalité des revenus est l’injustice la plus criante de notre société », a-t-il lancé lors d’un discours.

Les Canadiens qui travaillent d’arrache-pied ne devraient pas voir leurs revenus stagner ou diminuer alors que les individus les plus riches s’enrichissent davantage et que les entreprises affichent des profits de plus en plus importants, a dit le leader du NPD.

« L’inégalité des revenus est l’injustice la plus criante de notre société. » — Thomas Mulcair, chef du NPD

Certaines personnes qui se disent « progressistes » croient qu’il « suffit de souscrire au principe d’égalité universelle », a dit Mulcair, « mais en tant que sociaux-démocrates, nous croyons que… le gouvernement peut et, nous en sommes convaincus, doit jouer un rôle direct dans l’élimination des inégalités. »

Mulcair a fait campagne en s’opposant à une hausse de l’impôt sur le revenu pour les gens les plus riches et en favorisant des budgets équilibrés a dit à ses 43 députés qu’il n’abandonnerait pas la vision social-démocrate de son parti pour le Canada, qu’il « ne perdrait pas de vue qui nous sommes et ce pour quoi nous nous battons. »

Ce sont là des mots que sa critique la plus virulente — la députée néo-démocrate provinciale de l’Ontario, Cheri DiNovo, qui a réclamé sa démission — espérait entendre.

« Nous devons parler encore plus de l’inégalité des revenus, nous devons parler des choses dont Bernie [Sanders, le sénateur du Vermont qui brigue la nomination présidentielle démocrate aux États-Unis] parle, notamment l’éducation postsecondaire gratuite », a-t-elle déclaré au HuffPost la semaine dernière.

Pour l’instant, le NPD n’a pas l’intention de mettre la gratuité des études postsecondaire à l’agenda — mais faisait partie de celui du parti Vert —, pas plus que des hausses d’impôt pour les mieux nantis, selon Niki Ashton.

Le parti va focaliser son attention sur ses priorités électorales, mais, poursuit-elle, « à la lumière de l’inquiétante tendance haussière des inégalités de revenus, il nous incombera de continuer à étudier comment nous pouvons mettre de l’avant la résolution de ces inégalités. »

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, acceptant les applaudissements de son caucus lors d’une réunion à Montebello. (Photo : Adrian Wyld/PC)

« Nous croyons fermement qu’il faut mettre en place les changements nécessaires afin que ceux qui ont le plus d’argent redonnent leur juste part et que les revenus dont nous disposons en tant que gouvernement sont utilisés afin de soutenir ceux qui en ont le plus besoin et afin de réduire les inégalités grandissantes dans notre société. »

Ashton a laissé entendre que le caucus néo-démocrate prendrait en considération la question des dépenses déficitaires « à la lumière de la situation économique actuelle. »

Rappelons que pendant la campagne électorale, le NOD s’est engagé à présenter des budgets équilibrés.

« Nous avons toujours prôné la responsabilité fiscale », a-t-elle dit, « mais lorsque les temps changent, il faut bien entendu s’y adapter afin de prendre les bonnes décisions. »

Changements à l’assurance-emploi

Lorsque les députés retourneront au travail, le NPD exigera des changements au régime d’assurance-emploi, ce que les libéraux ont déjà laissé sous-entendre, afin de venir en aide aux gens qui ont perdu leur emploi et qui sont à risque de tomber dans la pauvreté ou le cercle vicieux du chômage chronique.

Le parti entend également porter son attention sur l’entente de partenariat transpacifique (PTP) — une entente de libre-échange que les libéraux sont sur le point de ratifier, mais qui pourrait coûter leur emploi à des milliers de Canadiens.

Un rapport publié la semaine dernière évaluait à 58 000 le nombre d’emplois qui pourraient être perdus dans la foulée du PTP au moment même où un autre rapport émis par la banque suisse UBS suggérait qu’une quatrième révolution industrielle était à l’horizon. Celle-ci se définit par une utilisation accrue des robots et de logiciels intelligents qui profiterait principalement aux plus riches de la planète et contribuerait à accroître les inégalités des revenus.

Un rapport sur l’emploi du Sommet économique mondial de Davos, en Suisse, auquel participait le premier ministre Trudeau, suggérait quant à lui que les gouvernements devraient repenser leurs curriculums et mettre en place des mesures incitatives favorisant l’éducation permanente afin d’aider les travailleurs les moins qualifiés et ceux de la classe moyenne à s’ajuster à ces changements rapides.

Duclos a affirmé au HuffPost que les libéraux maintiendront leur engagement face au libre-échange et qu’ils évalueront les bienfaits de chaque entente individuellement. « Nous croyons que le libre-change, lorsqu’il est mené de manière adéquate, est toujours ne bonne chose. »

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, prononce une allocution lors d’une séance spéciale dans le cadre du forum économique mondial de Davos, en Suisse, le 20 janvier 2016. (Photo : Matthew Lloyd/Bloomberg via Getty Images)

La mondialisation, les changements technologiques, la concurrence des marchés et, dans certains cas, la concentration des pouvoirs sont également toutes des causes des inégalités grandissantes et le gouvernement a un rôle à jouer dans leur atténuation, a ajouté le ministre.

« Nous souhaitons une plus grande inclusion, car nous voulons arriver à une plus grande universalité des opportunités. »

D’un point de vue moral, dit Duclos, l’inégalité des revenus vaut la peine que l’on s’y attaque, car 80 pour cent de ce que les gens vivent au chapitre de leurs conditions de vie dépend de circonstances qui sont hors de leur contrôle.

« Ça dépend du pays où vous êtes né, de la famille dans laquelle vous êtes élevé, de la chance que vous avez en ce qui a trait à vos compétences, de votre santé, du fait de vous trouver un bon emploi après vos études, de qui vous rencontrerez au cours de votre vie, et ainsi de suite. »

Toutefois, les sociétés où il y a une plus grande égalité des revenus connaissent également une meilleure inclusion politique et sociale, explique encore le ministre.

« Il a été démontré qu’une plus grande égalité favorise la croissance économique en permettant aux citoyens d’investir dans leur futur et dans le futur de leur société. »

Entre temps, lundi dernier, la leader par intérim des conservateurs, Rona Ambrose, a déclaré, lors d’un déjeuner d’affaires, que son parti croit que « le gouvernement devrait venir en aide à ceux qui en ont vraiment besoin et ne jamais nuire à ceux qui réussissent. »

« Le gouvernement devrait paver la voie vers la prospérité et ensuite sortir de cette voie. »

Ce texte a été publié sur le site du Huffpost Canada et traduit de l'anglais par Sébastien Chicoine.

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