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Les membres du NPD font le bilan d'une campagne désastreuse

Les membres du NPD font le bilan d'une campagne désastreuse

OTTAWA — Plus de 1000 membres du NPD ont participé à deux appels conférences jeudi dernier pour faire le bilan de la campagne électorale de l’automne. Il est fort possible que leurs frustrations orientent les débats du prochain congrès du parti, qui aura lieu à Edmonton au mois d’avril.

La présidente du NPD Rebecca Blaikie a entendu plusieurs opinions négatives à l’égard du chef Thomas Mulcair. Les critiques portaient notamment sur son refus de hausser les impôts des contribuables les plus riches, ainsi que le manque de préparation du parti. Or, Mulcair a également reçu de solides appuis.

« Que s’est-il passé à l’échelle nationale pour que notre campagne ait été si mauvaise? », a demandé Cliff, un attaché de la députée Megan Leslie, défaite dans sa circonscription d’Halifax.

Le chef du NPD Thomas Mulcair à l’Amphithéâtre national de la presse d’Ottawa. (Photo : Sean Kilpatrick/Presse canadienne)

« Tant qu’il menait dans les sondages, le NPD redoublait de prudence. Or, le parti n’a pas réagi lorsque cette tactique a cessé de fonctionner », a-t-il suggéré en guise de réponse. « Justin Trudeau et son équipe ont pris d’assaut les postes de télévision avec leurs publicités "ensoleillées", laissant Mulcair apparaître sévère dans des publicités absolument médiocres. Je ne prétends pas que notre chef devait imiter Trudeau. Il a tout simplement échoué à montrer ses propres qualités, et au final, c’est le ton utilisé qui a fait la différence. »

Pourquoi ne pas imposer davantage les riches?

Certaines décisions de nature politique ont également nui à la force de conviction du NPD.

« Nous n’avons pas parlé d’imposer les contribuables les plus riches, mais avons insisté sur notre objectif irréaliste d’éviter à tout prix les déficits », a conclu Cliff. « Nos leaders doivent affirmer les valeurs néo-démocrates haut et fort, mais ils sont apparus craintifs à plusieurs reprises. »

Une dénommée Brenda a pour sa part affirmé que le NPD avait fait un travail remarquable pour convaincre les Canadiens de se débarrasser de Stephen Harper. Alors, quel est le problème? « Vous avez servi la victoire aux libéraux sur un plateau ! »

À l’autre bout du fil, une dénommée Maxine a constaté que le parti avait « perdu le contrôle » après avoir sous-estimé les libéraux. « Nous leur avons permis de faire passer des idées rétrogrades pour des idées progressistes. »

« Vous avez servi la victoire aux libéraux sur un plateau ! »

« Cela n’a rien à voir avec le hijab », a-t-elle ajouté au sujet du dossier qui a miné la campagne du NPD au Québec (et auquel Mulcair lui-même attribue sa défaite). « Le problème n’a rien à voir avec le racisme de certaines personnes, mais tient au fait que nous n’avons pas anticipé cette situation et n’avons pas su y réagir. »

« La plupart de nos orientations étaient parfaitement valables. Je suis de gauche, mais je crois tout de même que certaines politiques doivent être recentrées afin que nous puissions former un gouvernement. Nous devons réfléchir plus sérieusement à la manière d’articuler ce recentrage. »

Après avoir écouté la plupart des commentaires sans intervenir, Mme Blaikie a exprimé son accord et remercié Maxine pour ses propos réfléchis.

Les néo-démocrates dépassés à gauche?

Un Ontarien nommé David a affirmé que la campagne avait « manqué le bateau à plusieurs égards ».

« Nous nous sommes enfoncés dans un trou en promettant de ne jamais faire de déficit, ce qui a permis aux libéraux de nous dépasser à gauche. Nous avons été distancés lorsqu’ils ont promis de hausser les impôts des riches, alors que nous refusions d’envisager une telle mesure. »

« La stratégie nationale consistait à répéter que nous ne sommes pas dangereux, que nous sommes modérés, que nous ressemblons aux libéraux mais parviendrons à éviter les déficits. Les électeurs ont trouvé que ça clochait. Nous aurions pu présenter un programme beaucoup plus convaincant. »

Selon David, le NPD a également omis de présenter une vision d’ensemble cohérente.

« Nous nous sommes enfoncés dans un trou en promettant de ne jamais faire de déficit »

Bon nombre d’intervenants ont reconnu que le parti n’a pas suffisamment promu ses politiques progressistes, comme l’assurance médicaments universelle et la création d’un réseau canadien de CPE.

Plusieurs autres ont profité de l’occasion pour suggérer un plan national de soins dentaires et une banque destinée au financement des infrastructures, ou préconiser le retour à un programme traditionnel axé sur les travailleurs et la lutte à la pauvreté.

Certains membres ont proposé des stratégies inédites, comme le dévoilement du programme électoral avant même le début de la campagne, afin que celui-ci soit mieux compris et expliqué. Une utilisation plus efficace de l’aile jeunesse a aussi été évoquée.

La présidente du NPD Rebecca Blaikie prenant la parole lors de la course à la chefferie de 2012. (Photo : Paul Dwulit/Presse canadienne)

Mme Blaikie a indiqué aux 1000 participants du premier appel conférence que leurs commentaires seraient transmis aux instances régionales du parti. Celles-ci doivent en effet produire un rapport sommaire à la mi-mars, en prévision du congrès qui aura lieu quelques semaines plus tard.

Outre les thèmes évoqués plus haut, certains membres ont tenu à exprimer leur appui indéfectible à Thomas Mulcair, dont le leadership sera réévaluée à Edmonton.

Un dénommé Michael a vanté son « leadership moral » et affirmé qu’il n’y a pas lieu de changer de chef.

Un dénommé Robert a promis d’attribuer un « gros vote de confiance » à M. Mulcair, avant de modérer ses propos : « Tom a été géré de trop près. On aurait dû le laisser s’exprimer plus librement. À la mi-campagne, sa passion a fait place à une maturité bienveillante qui l’a mal servi. Il apparaissait comme la personne la plus adulte dans la pièce. Pendant ce temps, M. Trudeau s’est démarqué par sa fougue et sa spontanéité. Ce sont ces qualités qui ont attiré les électeurs, et plus particulièrement les jeunes. »

« Sa passion a fait place à une maturité bienveillante qui l’a mal servi. »

« Au cours des quatre prochaines années, les Canadiens vont constater que les libéraux ne livrent pas la marchandise. Nous devrions laisser M. Mulcair reprendre la balle au bond et se positionner avantageusement en vue de la prochaine élection », a conclu Robert.

Niki Ashton : « Il serait simpliste d’attribuer toute la défaite à Mulcair »

Thomas Mulcair sera-t-il démis de ses fonctions au mois d’avril? Interrogée par le Huffington Post la semaine dernière, Niki Ashton reconnaît avoir entendu toutes sortes de rumeurs à cet effet.

« Les délégués prendront leur décision en temps et lieu », a affirmé la députée manitobaine, qui fait partie des 28 néo-démocrates ayant survécu au raz-de-marée libéral. « Il serait simpliste d’attribuer toute la défaite à un seul facteur ou à une seule personne. »

Déçue du résultat de l’élection, Mme Ashton se dit néanmoins optimiste par rapport à l’examen de conscience du mois d’avril et des leçons que son parti pourra en tirer.

Niki Ashton s’adressant aux journalistes à Ottawa. (Photo : Adrian Wyld/Presse canadienne)

Défait dans sa circonscription de Scarborough-Sud-Ouest, Dan Harris a pour sa part insisté sur les multiples bévues commises par le parti et son chef. Par exemple, Thomas Mulcair n’a répondu à aucune question des journalistes lors du lancement de sa campagne, puis il a refusé de participer à un débat télévisé en l’absence de Stephen Harper.

« Il aurait pu se mesurer à Justin Trudeau à deux semaines du vote », a précisé l’ex-député. « Le débat aurait eu lieu en présence de Justin Trudeau, Elizabeth May et Gilles Duceppe. Tom aurait bénéficié de toute l’attention du public et serait apparu comme le meilleur premier ministre. Il s’agit d’une erreur stratégique, mais je crois que les torts sont partagés. »

« Bien entendu, le NPD aurait pu marquer davantage son territoire et promouvoir certains enjeux comme l’imposition des riches. Au lieu de baisser les impôts des contribuables gagnant entre 45 000 et 89 000 dollars, comme le proposaient les libéraux, nous aurions pu accorder cette baisse aux gens qui en ont réellement besoin, c’est-à-dire ceux gagnant moins de 50 000 dollars. »

L’ex-député Dan Harris, à l’époque où il siégeait à la Chambre des Communes. (Photo : La Presse canadienne) (Photo: The Canadian Press)

Selon Harris, la plus grosse bourde du NPD a été de présenter un budget établi en fonction d’un baril de pétrole à 67 dollars en 2016, puis à 75 dollars les années suivantes.

« Ces prévisions surestimaient les cours du pétrole de 20 dollars dès le départ. C’est une erreur inadmissible, sachant que le parti souffre d’un manque de crédibilité en matière économique. Au lieu de corriger cette erreur, nous l’avons répétée, ce qui a certainement nui à notre cause. »

« Cela sans compter que le NPD a perdu la bataille des ondes de manière magistrale », s’est exclamé Harris sur un ton proche de l’exaspération. « En rentrant à la maison après le travail, plusieurs militants néo-démocrates regardaient les matches des Blue Jays [qui participaient aux séries éliminatoires]. Durant les pauses, ils ne voyaient que des messages des conservateurs et des libéraux, et aucune publicité du NPD. Les dirigeants du parti devront rendre des comptes et nous expliquer ce qui s’est passé à ce moment précis. »

« Je me demande encore si Tom est la bonne personne pour nous mener à la prochaine élection »

Toutefois, Harris ne croit pas que le NPD se soit fait doubler à gauche sur les questions de fond. Le Parti libéral a tout simplement réussi à communiquer ses idées progressistes de manière plus efficace.

« En tant que candidat, j’ai été particulièrement irrité par le fait que Kathleen Wynne [la première ministre de l’Ontario] ait utilisé la même stratégie en 2014. Le caucus ontarien n’a pas manqué de constater que Justin Trudeau et Kathleen Wynne étaient liés à la hanche comme des siamois. Nous connaissions d’avance leur scénario et avons alerté les hautes instances du parti sans succès. Aucune stratégie n’a été mise en place pour contrer le message progressiste des libéraux. »

« Le même problème s’est posé au Québec dans le dossier du niqab », ajoute Harris. « Le caucus québécois l’a abordé au moins un an avant l’élection – dès l’épisode de la Charte des valeurs, pour être plus précis – de manière à trouver une solution définitive. Si nous avions pu régler ces deux questions avant la campagne électorale, elles ne nous auraient pas causé tant de problèmes. »

Dan Harris : « Tom devra se montrer à la hauteur du défi qui l’attend »

Harris considère Thomas Mulcair comme un grand politicien à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement. Il ne peut toutefois garantir qu’il lui accordera sa confiance à la chefferie.

« Personne d’autre ne semble prêt à prendre sa place, mais des erreurs ont été commises et des opportunités n’ont pas été saisies. Il se peut que l’équipe en place ne soit pas la plus qualifiée. Bref, je me demande encore si Tom est la bonne personne pour nous mener à la prochaine élection. »

« Tom doit se montrer à la hauteur du défi qui l’attend. Ses faits et gestes, sa manière de communiquer et le nombre de délégués qu’il parviendra à convaincre détermineront son avenir politique. »

Ce texte a été traduit de l'anglais par Pierre-Étienne Paradis et publié sur le Huffpost Canada

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