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Procès du policier James Forcillo : ce que le jury n'a jamais su

Procès du policier James Forcillo : ce que le jury n'a jamais su

Le jury au procès de l'agent James Forcillo, accusé du meurtre non prémédité de Sammy Yatim dans un tramway en 2013, étant séquestré maintenant pour ses délibérations, nous sommes en mesure de vous dire ce qu'il n'a jamais entendu, particulièrement le fait que le juge a refusé à la défense le droit de présenter sa théorie sur les présumées envies suicidaires de Yatim.

Un texte de Jean-Philippe Nadeau

L'avocat de l'accusé, Peter Brauti, voulait démontrer que Yatim, 18 ans, avait l'intention de se suicider la nuit du 27 juillet 2013. Il brandissait alors un couteau à bord d'un tramway, vide après la fuite des passagers.

Me Brauti soutenait que le jeune homme était dépressif et qu'il avait saisi l'occasion de se retrouver devant un policier pour délibérément se faire abattre.

Le juge Edward Then a toutefois rejeté cette théorie après avoir entendu les deux parties à ce sujet en l'absence du jury. La Couronne est toujours au courant des arguments que la défense compte présenter dans un procès et vice-versa.

Me Brauti avait expliqué que Yatim n'avait blessé aucun passager à l'arrière et qu'il n'avait pas agressé non plus le conducteur du tramway, parce qu'il voulait que tout le monde descende du véhicule cette nuit-là.

« Personne d'autre qu'un policier ne pouvait lui procurer la force mortelle qu'il recherchait. » — Peter Brauti, avocat de James Forcillo

L'avocat de l'agent Forcillo pensait que Sammy Yatim ne voulait plus vivre, parce qu'il était tombé en disgrâce après que son père eut appris qu'il consommait de la drogue. Il avait été renvoyé de sa maison et il était sans argent.

La défense avait obtenu, grâce à l'aide d'un expert en technologie, un relevé des sites que Yatim avait consultés sur Internet et des messages textes provenant de son téléphone cellulaire. L'un des sites en question donnait des informations sur les façons de s'enlever la vie sans douleur.

Les messages textes du cellulaire montraient quant à eux la panique de Yatim avec qui son père avait cessé toute relation. La défense avait même planifié de citer l'expert à la barre ainsi qu'un psychiatre.

Image d'une vidéo de surveillance du tramway dans lequel se trouvait Sammy Yatim avant d'être abattu par la police Photo : Procès Forcillo

La décision du magistrat

Le juge avait expliqué que le but du procès était de démontrer l'état d'esprit de l'accusé et non celui de la victime. « L'état d'esprit de M. Yatim n'est pas pertinent, avait-il dit, parce que l'accusé ne pouvait pas savoir ce qui se passait dans la tête de la victime avant qu'il n'arrive sur les lieux, peu importe si elle était malade mentalement, suicidaire ou en crise. » Le juge avait rappelé à la défense que la conduite de Yatim ne ressemblait en rien à une tentative de suicide.

À la suite de cette défaite, la défense avait déposé une motion pour faire avorter le procès, mais sans succès, en invoquant le fait que son client n'avait pas pu présenter cette preuve essentielle selon elle de son innocence.

Le juge l'avait néanmoins rejetée en insistant pour dire que les données du cellulaire de Yatim étaient inadmissibles au sens de la loi et que les droits de l'accusé à un procès juste et équitable n'avaient pas été violés.

Procès ailleurs qu'à Toronto

La défense de l'agent avait par ailleurs demandé, en vain, à ce que le procès se tienne dans une autre ville que Toronto, parce qu'elle craignait qu'il ne soit pas impartial compte tenu des manifestations qui ont secoué la métropole après la mort de Yatim à l'été 2013.

Me Brauti s'est par ailleurs opposé dès le début au témoignage de Robert Warshaw au sujet du curriculum vitæ de ce témoin clef de la Couronne. Avant de l'interroger, les procureurs et les avocats de la défense passent toujours en revue devant le jury le parcours professionnel de leurs témoins. Dans ce cas-ci, M. Warshaw avait expliqué qu'il était l'ancien chef de police de Miami et qu'il avait dû gérer les émeutes qui ont secoué sa ville de 1981 à 1983 après qu'un policier eut tué un citoyen noir.

Me Brauti avait expliqué que de telles déclarations étaient incendiaires et qu'elles envoyaient un message clair selon lequel « Toronto serait à feu et à sang si les jurés acquittaient son client ».

Le juge avait donné raison à la défense en expliquant que ces déclarations causaient bien un préjudice à l'accusé. Le magistrat avait ordonné aux jurés de ne plus tenir compte de l'expérience de M. Warshaw au sujet de ces émeutes.

Me Brauti avait enfin demandé à ce que son client soit jugé devant un juge seulement, mais le ministère du Procureur général a refusé cette requête, en insistant pour que le procès se tienne devant un jury.

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