Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Présence record d'Autochtones dans les pénitenciers canadiens

Présence record d'Autochtones dans les pénitenciers
Queens House of Detention, New York
Hans Neleman via Getty Images
Queens House of Detention, New York

Les statistiques ont atteint un nouveau sommet. C'est maintenant plus du quart des détenus qui sont Autochtones dans les centres de détention fédéraux. Leur proportion n'a cessé de croître au cours des vingt dernières années.

Un texte de Raphaël Bouvier-Auclair

L'enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, affirme ne jamais avoir vu un chiffre aussi important au cours de ses dizaines d'années de vie professionnelle dans le milieu carcéral. Dans les pénitenciers canadiens, il y a maintenant 25,4 % des détenus qui sont Autochtones, alors qu'ils représentent moins de 5 % de la population totale du pays.

Les statistiques sont encore plus alarmantes pour les femmes autochtones. Elles composent 36 % de la population féminine des pénitenciers.

Selon l'enquêteur correctionnel, les raisons qui expliquent cette forte représentation en milieu carcéral sont nombreuses. Howard Sapers affirme que les peines minimales obligatoires, dont la portée a été augmentée au cours des dernières années, n'y sont pas étrangères. Le gouvernement Harper a multiplié les peines minimales obligatoires pour plusieurs infractions liées notamment aux drogues, aux armes et aux sévices sexuels. « Nous avions prédit que cela aurait un impact disproportionné », affirme Howard Sapers.

Ottawa veut renverser la tendance

Dans sa lettre de mandat, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a justement reçu pour mission de se pencher sur les changements apportés par le précédent gouvernement sur la détermination des peines. La ministre n'a pas répondu à nos questions pour réagir à cette nouvelle statistique, mais son bureau nous a fait parvenir une déclaration par courriel.

« Le taux élevé (et croissant) de femmes autochtones en détention provisoire est une source de préoccupation. La lettre de mandat de la ministre lui demande de réviser les changements apportés depuis dix ans à notre système de justice pénale ainsi que les réformes de la détermination des peines apportées au cours de la dernière décennie, notamment en vue de réduire le taux d'incarcération chez les Autochtones du Canada. »

— Andrew Gowing, porte-parole de la ministre de la Justice

S'attaquer au problème en amont

L'enquêteur correctionnel, Howard Sapers, reconnaît que plusieurs efforts ont été mis de l'avant pour améliorer la réadaptation des détenus autochtones. Mais selon lui, le milieu carcéral et le processus judiciaire ne sont pas les seules choses à évaluer pour diminuer la proportion d'Autochtones dans les pénitenciers. L'enquêteur estime que l'on ne peut pas s'intéresser au problème uniquement « en attendant que quelqu'un soit dans une salle d'audience et reçoive une sentence d'un juge ».

Le travail en amont est aussi ce que priorise Pierre Lainé qui a été consultant auprès des détenus autochtones dans les pénitenciers pendant des années. Pour lui, l'éducation, la lutte à la pauvreté et l'intégration font partie de la solution. « Quand on arrive au pénitencier c'est qu'il y a eu plein d'erreurs, plein de chutes de l'individu, mais aussi des gens qui l'entourent qui l'ont emmené là. Alors il faut reculer beaucoup plus loin que la courbe de justice pour voir ce qui peut être fait par les membres des communautés autochtones, par la population en général », explique-t-il.

Pierre Lainé croit aussi que du travail d'éducation judiciaire peut être fait auprès des communautés autochtones. « Il y a plusieurs Autochtones qui portent sur eux un dossier de justice auquel il pourrait demander pardon et qu'ils ne font pas par méconnaissance », ajoute-t-il.

La déclaration envoyée par le bureau de la ministre de la Justice on peut lire que « La ministre est consciente que l'incarcération peut être le reflet de désavantages dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la santé et de la santé mentale, qui sont de nature à exiger des efforts concertés dans plusieurs secteurs, y compris la justice, afin de lutter contre cette tragédie humaine ».