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Justin Trudeau conseillé de soigner ses relations avec l'Arabie saoudite

Trudeau conseillé de soigner ses relations avec l'Arabie saoudite
Matthew Usherwood/CP

De hauts fonctionnaires fédéraux ont recommandé au premier ministre Justin Trudeau de renforcer les liens économiques avec l'Arabie saoudite, parce qu'elle est riche en pétrole et qu'elle occupe une position stratégique dans le Golfe persique.

C'est ce qui est révélé dans un document dont La Presse Canadienne a obtenu copie par l'entremise de la Loi d'accès à l'information.

Le document est révélateur des raisons qui ont incité les libéraux à faire la sourde oreille aux appels voulant qu'ils annulent un contrat de 15 milliards de dollars pour la vente, par une compagnie ontarienne, de véhicules blindés à l'Arabie saoudite. Ces appels se sont faits d'autant plus pressants que l'Arabie saoudite a exécuté le weekend dernier 47 personnes, dont un éminent leader religieux chiite, Nimr al-Nimr.

Le premier ministre Trudeau s'est vu aussi conseiller de se préparer en vue de l'allègement d'éventuelles sanctions contre l'Iran, advenant que des progrès soient enregistrés dans la mise en oeuvre de l'accord nucléaire historique conclu l'an dernier par Téhéran avec six pays, dont les États-Unis. Une éventualité qui semblait imminente jeudi.

Une région qui peut s'enflammer

L'exécution du leader chiite Nimr al-Nimr a attisé les tensions entre l'Arabie saoudite, principalement sunnite, et l'Iran, principalement chiite, faisant craindre un conflit direct entre les deux pays.

Les intérêts canadiens dans cette région tumultueuse sont mis en relief dans le document qui a été remis au premier ministre Trudeau.

« Sur les plans du commerce et peut-être aussi de la sécurité, les intérêts du Canada seront servis dans l'approfondissement des relations stratégiques avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) », est-il indiqué dans le document, qui souligne que l'Arabie saoudite est le plus important joueur de ce groupe de six pays comprenant aussi les Émirats arabes unis, le Bahrein, le Kowait, la république d'Oman et le Qatar.

« L'engagement bilatéral actuel inclut un intérêt particulier pour l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. L'Arabie saoudite est un pouvoir régional, le seul pays arabe du G20. Elle représente un contributeur de premier ordre à la sécurité énergétique mondiale et le premier partenaire économique du Canada dans la région. »

— Extrait du document remis au premier ministre Justin Trudeau

Le mémo à l'intention du premier ministre canadien fait aussi état des possibilités de commerce et d'investissement pour le Canada dans la région du Golfe persique, et ce, dans des domaines où le Canada excelle : la finance, l'éducation, les services de santé, l'agriculture et l'infrastructure.

La délicate question des droits de la personne

La version censurée du document ne fait aucune mention de la question des droits de la personne, notamment du cas du blogueur saoudien Raif Badawi, dont l'épouse vit maintenant au Québec. Une section du document portant sur la façon dont le Canada peut soutenir « des réformes sociales et politiques consensuelles et graduelles » a été presque entièrement caviardée.

En décembre dernier, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Stéphane Dion, avait rencontré son homologue saoudien et l'avait pressé d'accorder la clémence à Badawi, condamné à recevoir 1000 coups de fouet et à 10 ans d'emprisonnement pour les critiques qu'il avait formulées à l'encontre des leaders religieux d'Arabie saoudite.

Il y a quelques jours, après les 47 exécutions, le ministre Dion a appelé le gouvernement saoudien « à protéger les droits de la personne, à respecter ceux qui font preuve de dissidence de manière pacifique et à s'assurer du bon déroulement de la justice ».

Pour Alex Neve, qui est à la tête d'Amnistie internationale au Canada, le commentaire de Stéphane Dion était « un tantinet hors de l'ordinaire en comparaison de ce que les gouvernements précédents avaient été prêts à dire de leurs préoccupations au sujet des droits de la personne en Arabie saoudite. Maintenant, ce que nous devons voir, c'est comment la dimension relative aux droits de la personne sera traitée dans la perspective du contrat sur les véhicules blindés ».

Un porte-parole du ministre Dion affirme que le contrat unissant les Saoudiens à General Dynamics Land Systems du Canada ne sera pas annulé parce qu'il a le permis d'exportation approprié. Les protocoles de contrôle du Canada en matière d'exportation « sont soigneusement révisés et les considérations relatives aux droits de la personne sont prises en compte de façon sérieuse lorsqu'un permis est délivré », affirme Adam Barratt.

Lors de la récente campagne électorale fédérale, l'ex premier ministre Stephen Harper que Justin Trudeau avaient tous deux donné leur appui à ce contrat.

« Le Canada est préoccupé »

Stéphane Dion a aussi déclaré le weekend dernier que le Canada était préoccupé à l'idée que l'exécution de Nimr al-Nimr puisse exacerber encore davantage les tensions dans la région.

Few Hampson, un expert en sécurité internationale pour le Centre international de l'innovation en gouvernance, dit pour sa part que la rupture des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran, les deux puissances islamiques dominantes dans la région, pourrait mener à une confrontation militaire directe, au-delà des guerres par procuration que ces pays mènent en Irak, en Syrie et au Yémen.

« Cela n'augure pas bien pour la stabilité politique de la région, qui a été exacerbée par les préoccupations profondes de l'Arabie saoudite au sujet de l'implantation de l'accord nucléaire avec Téhéran », dit Few Hampson.

Jeudi, le secrétaire d'État américain John Kerry a déclaré que l'Iran était à quelques jours près de remplir ses obligations quant à cet accord, qui oblige Téhéran à reculer sur la technologie nécessaire à la fabrication de l'arme nucléaire.

Si tel est le cas, des pays occidentaux comme le Canada seront dans l'obligation de lever les sanctions onusiennes contre l'Iran.

« Le Canada devra se retirer ou modifier les sanctions de l'ONU vis-à-vis de l'Iran [...] aussi tôt qu'à l'hiver 2016 ou aussi tard qu'à l'été 2016 », est-il écrit dans le mémo remis à M. Trudeau.

Justin Trudeau a plaidé en faveur de la réouverture de l'ambassade canadienne à Téhéran et du rétablissement des relations diplomatiques, mais aucune décision n'a encore été annoncée en ce sens.

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Manifestation en Iran après l'exécution d'un chef religieux chiite

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