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Marie Laberge : 2015, l'année-anniversaire

Marie Laberge : 2015, l'année-anniversaire
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Marie Laberge célébrait en 2015 ses 40 ans de carrière et, par le fait même, son œuvre colossale de 12 romans et 20 pièces de théâtre, qui comprend aussi la série de lettres personnalisées Des nouvelles de Martha, une chanson pour Céline Dion (Le temps qui compte), des téléfilms et documentaires et une pléiade de prix prestigieux.

L’auteure demeure bien humble relativement à son legs à notre patrimoine culturel. Au point d’avoir du mal à se souvenir dans combien de langues ses pièces de théâtre ont été traduites.

Hésitante, elle avance du bout des lèvres l’espagnol, l’anglais, l’allemand, le russe et l’italien, consciente qu’il y en a plus, mais incapable de les énumérer de mémoire.

La modestie, la simplicité de Marie Laberge transparaissent également dans son refus de replonger dans ses propres créations, même ses toutes premières, hormis ça et là une lecture de paragraphe, à l’occasion de conférences et de Salons du livre, et dans sa méthode de travail, dans les six ou sept versions de ses écrits qu’elle rédige, avant même de savoir s’ils seront vraiment publiés ou pas («Je dis toujours que ça se passe entre moi et la poubelle», rigole-t-elle), avant qu’ils n’aboutissent dans les mains des lecteurs. Ces lecteurs avec qui elle a toujours entretenu une relation de complicité et de respect, et qui ont toujours adhéré à son besoin d’intimité et de discrétion.

«Je ressens l’amour, je le reçois, relève-t-elle. Mais il n’est jamais intrusif. Les gens ne sont pas affamés de croquant ou de petits scandales. Il faut dire que je n’en ai pas gros à mon actif! Mais je dirais que ma vie privée est privée. Quand mes parents sont morts, je ne l’ai pas dit. On peut choisir de dire ou de ne pas dire. C’est un choix. Je pense qu’à partir du moment où on parle aux journalistes, qu’on les laisse entrer dans notre vie, ou qu’on écrit des choses sur Facebook, il faut s’attendre à ce que les gens sachent. Même quand j’aime un livre, je ne le mets pas nécessairement sur Facebook.»

Que peut-on souhaiter à Marie Laberge pour ses 40 prochaines années professionnelles?

«Si on se projette dans 40 ans, ça me mène à 105 ans, rigole l’écrivaine. Pas sûre que je vais être encore guillerette! Je pense que la seule chose qu’il faut avoir, c’est l’élan. La vitalité. Je trouve que j’ai été bien gâtée. Alors, j’espère juste que ça va continuer… »

Son accomplissement dans la dernière année : Deux bouquins parus à la fin octobre. Un captivant roman, Ceux qui restent, dans lequel se racontent les membres de l’entourage d’un jeune homme qui s’est enlevé la vie, «ceux qui restent» après ce geste brutal. Et Treize verbes pour vivre, un essai dans lequel Marie Laberge détaille treize verbes importants de sa vie, comme «exprimer», «douter», «assumer», «vieillir» et «aimer», d’abord en les analysant dans une perspective globale, puis en les appliquant «dans [sa] vie», nous donnant ainsi accès à des parcelles de son jardin secret. Un exercice sans prétention, presque candide, fort intéressant et révélateur, non seulement sur Marie Laberge, mais sur l’humain en général, et qui génère automatiquement une réflexion sur nos propres valeurs.

À propos de Ceux qui restent : «Beaucoup de gens que je connais se sont tués, et ces gestes-là me sont toujours restés un peu sur le cœur, indique Marie Laberge. Par contre, si c’était arrivé dans ma propre vie, si, par exemple, mon mari s’était tué, je n’aurais pas pu écrire ce livre-là. Sinon, j’aurais été dans l’aveu, je n’aurais pas été bien. Moi, j’ai besoin d’avoir la distance que peut créer la fiction pour pouvoir mettre dedans tout ce que j’ai dans mes sens, dans mes émotions.»

«Très souvent, on juge les gens, en se disant qu’une personne devait avoir des raisons de se suicider, qu’il devait y avoir une inadéquation quelque part. Mais on ne sait pas toujours. On ne connaît pas le fond. Je crois qu’il y a une honte, une honte qui vient avec la maudite culpabilité, avec la violence de ce qu’on vit. Le geste est violent pour les gens qui sont là, avec leur amour dans leurs mains, qui ne sert plus à rien, avec toutes leurs questions, auxquelles il n’y aura jamais de réponses. La personne a pris sa décision, sa porte de sortie, mais qui est pogné avec le reste du problème? Ce sont ceux qui restent. Le roman, c’est un élan vers le comment on rebâtit sa vie, qui vient de péter en morceaux.»

«Après 40 ans de métier, c’est là où, moi, j’étais rendue. C’est un sujet qui m’obsède assez. Je me disais qu’on n’en parlait pas bien, qu’on traite mal les gens qui restent. On n’arrête pas de toujours vouloir mettre le spot sur celui qui s’est tué, alors que lui a choisi de se taire. Pourquoi le fait-on parler? Pourquoi on n’arrête pas de s’acharner à faire parler quelqu’un qui veut se taire? Alors que ceux qui restent sont pris avec cette décision qui les concerne, et sur laquelle ils n’ont pas été consultés…»

À propos de Treize verbes pour vivre : «Quand j’ai eu 40 ans, je me disais que je devrais faire ça. J’étais devenue une adulte, je savais que j’étais une grande fille (sourire). À ce moment-là, je faisais beaucoup de théâtre. Et j’avais envie de prendre les 13 verbes que je trouvais les plus importants pour vivre fort, et les écrire, écrire ce que j’en pensais. Puis, les reprendre à 50 ans et à 60 ans, pour voir s’ils auraient la même importance. Finalement, je ne l’ai pas fait. Parce qu’à 40 ans, je faisais du théâtre, à 50 ans, j’étais dans la trilogie (Le goût du bonheur) et, à 60 ans, je faisais Des nouvelles de Martha. Mais, sont arrivés mes 40 ans de carrière. Un autre anniversaire. Et je me suis souvenu de ce projet. Parfois, je retrouve encore des calepins où j’avais noté 13 verbes importants… et ce ne sont jamais les mêmes d’une fois à l’autre! J’ai donc décidé d’essayer. J’ai commencé avec le verbe «jouir» et, tout de suite, j’ai eu le réflexe de me dire que j’étais confortable et que j’avais une bonne distance. Après est venu le constat que je devrais aussi expliquer comment le verbe se traduit dans ma vie. Ça, j’ai trouvé ça plus rough, plus difficile! Mais je tenais à le faire, par honnêteté. Et j’ai continué, et continué.»

À propos de ses confidences dans Treize verbes pour vivre : «Je n’ai pas révélé tous les pans de ma vie. J’ai mes secrets, et je vais les garder. Tout le monde sait ça. Je l’ai même mis dans l’avant-propos. Je ne suis pas toute nue dans la rue, je ne suis pas allée dans ce que, moi, je qualifie d’impudique. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait des révélations troublantes ou choquantes. Pour moi, dans tout être humain, il y a quelque chose de privé. Je ne me suis pas battue avec moi-même, je suis allée au pif. En écrivant, certaines choses m’ont moi-même étonnée! J’ai ressorti des choses qui se sont produites il y a des années, dont je n’avais pas du tout prévu parler. Je crois que, toute personne qui me connaît dans mes romans, dans mon théâtre, ne sera pas déstabilisée en lisant ces verbes dans ma vie. Si elle ne se doutait pas de quelque chose, elle va dire que ça tombe sous le sens.»

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