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Effets de la loi C-36 sur l'industrie du sexe: les prostituées se sentent comme «des rats à faire disparaître» (VIDÉO)

Les prostituées se sentent comme «des rats à faire disparaître» (VIDÉO)

C'est un métier qui a toujours été dangereux, il l'est encore plus depuis un an. Les travailleuses du sexe montréalaises ne mâchent pas leurs mots lorsqu'elles parlent des impacts de la loi C-36 sur la prostitution adoptée en décembre 2014 par l'ancien gouvernement Harper : «on est littéralement des rats à faire disparaître, de la vermine».

Depuis l'implantation de la nouvelle loi sur la prostitution, qui s'inspire de la Suède en criminalisant la publicité de services sexuels, les clients et toute personne s'associant ou travaillant avec une prostituée (un chauffeur, par exemple), Marylie a vu ses conditions de travail dégrader à une vitesse phénoménale.

«Les nouvelles dispositions du Code criminel ont été très médiatisées, les clients savent ce qu'ils risquent et nous demandent de sacrifier notre sécurité pour protéger leur anonymat... Pis ça c'est un sentiment d'étouffement un peu», confie celle qui est travailleuse du sexe depuis 2013 à Montréal. La jeune femme explique que la majorité de ses clients, désormais, refusent de s'identifier auprès d'elle, par crainte d'être arrêtés. Ils sont tellement nombreux à agir ainsi qu'elle s'est vue «obligée» d'accepter les numéros de téléphone bloqués, sans aucune chance de récolter quelconque information sur ces personnes en cas de dérapage ou d'acte violent.

Elle travaille normalement avec une «agence in call», soit un lieu où les clients (triés au préalable par une «booker») viennent à la rencontre de la prostituée. C'est un lieu où elles ne sont pas seules si un incident se produit. Mais ces agences ferment les unes après les autres depuis l'implantation de C-36 puisque les gens qui y travaillent risquent d'être arrêtés, déplore Marylie.

Aussi porte-parole de d'Action putes et allié.es du Québec, elle ajoute : «Je ne peux pas dire que la prostitution c'est toujours un choix, et c'est souvent un choix financier, mais on a le droit de pouvoir dire dans quelles conditions on veut travailler, et qu'on puisse le faire sans risquer notre vie».

Même réalité pour sa collègue et amie Cybèle, escorte indépendante depuis plusieurs années, qui remarque à quel point il est difficile d'exiger au client de donner ses coordonnées dans un pareil contexte. «Le plus difficile, je trouve, c'est qu'on ne peut pas s'associer avec d'autres filles, car on risque à ce moment-là d'être arrêtée en tant que tierce personne [proxénète]... On doit travailler seules de notre côté, de façon isolée», souligne-t-elle. Son rêve, ce serait d'ouvrir une coopérative où plusieurs travailleuses du sexe pourraient s'unir, engager du personnel pour les protéger et les soutenir, qu'elles puissent «gérer leurs dépenses et réinvestir dans la communauté». Ce modèle existe notamment en Nouvelle-Zélande.

Les parapluies comme «boucliers contre la violence»

Même si la pluie a cessé, Marylie garde son parapluie rouge ouvert. C'est un symbole de «bouclier contre la violence», raconte-t-elle, qui est utilisé durant les vigiles annuelles du 17 décembre, date qui marque la Journée internationale contre la violence faite aux travailleurs et travailleuses du sexe.

Comme plusieurs de ses collègues, Marylie espère que l'an prochain, à pareille date, la loi aura été abolie par le gouvernement Trudeau. La ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould a laissé entendre, dans une récente entrevue avec le magazine Maclean's, qu'elle est ouverte à l'idée de revoir la législation afin d'assurer une réelle sécurité aux travailleuses du sexe. Le cabinet de la ministre n'a pas répondu aux demandes d'information du Huffington Post Québec.

Vigile du 17 décembre 2014 à Montréal, des travailleuses du sexe dénoncent en silence la violence dont certaines sont parfois victimes.

La solution : décriminaliser la prostitution?

Les travailleuses du sexe à Montréal, mais aussi partout au Canada, sont très souvent confrontées à des situations de violence, renchérit Sandra Wesley, directrice générale de l'organisme Stella, dédié à la communauté des travailleuses du sexe. Elle rappelle que l'objectif du gouvernement conservateur, en rendant illégal tout ce qui entoure les prostituées, visait à faire disparaître totalement la prostitution.

C'est une aberration à son avis, puisqu'il y aura toujours des personnes qui voudront travailler dans l'industrie du sexe, que ce soit légal ou non. «Par définition, le travail du sexe devrait toujours être volontaire, quand c'est forcé c'est de l'exploitation, et c'est à cette forme de violence que les lois doivent s'attaquer», soutient-elle.

Pour assurer de bonnes conditions de travail aux femmes et aux hommes qui font le choix d'offrir des services sexuels, il faut décriminaliser la prostitution et sévir contre «l'exploitation sexuelle», martèle Mme Wesley. «Ça va permettre à ces personnes d'avoir le pouvoir sur leur vie, de travailler comme elles le souhaitent, en solidarité et en sécurité».

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