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Le secteur pétrolier du Canada doit s'ajuster après une année difficile

Le secteur pétrolier du Canada doit s'ajuster après une année difficile

CALGARY - Il n'y a pratiquement plus de trafic entre Cold Lake, en Alberta, et les champs pétrolifères avoisinants.

"Le ralentissement est définitivement remarquable", observe le maire Craig Copeland, qui se fait dire par plusieurs hôtels, restaurants et détaillants que les affaires ont diminué d'environ 30 pour cent par rapport à l'an dernier dans la ville-dortoir du secteur pétrolier.

Ce n'est pas une grande surprise, dans la mesure où les prix du pétrole brut ont passé la plus grande partie de l'année sous la barre des 50 $ US le baril, avant de plonger sous les 40 $ US ce mois-ci. La plupart des analystes s'attendent à ce que cette faiblesse se poursuive pendant au moins une bonne partie de 2016.

Il n'est pas particulièrement aisé de construire de nouveaux oléoducs pour s'ouvrir à de nouveaux marchés ces jours-ci, et la succession de revers politiques connus à Ottawa et à Edmonton ont rendu nerveux plusieurs joueurs de l'industrie.

Selon l'Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP), le ralentissement a entraîné la disparition de 40 000 emplois dans le secteur, essentiellement en Alberta. Le groupe a exhorté les leaders politiques à garder en tête le principe de compétitivité lorsqu'ils jonglent avec leurs politiques énergétiques.

M. Copeland sait bien qu'il n'y a pas grand-chose à faire pour contrer les forces du marché. Mais ce qui le frustre et l'inquiète le plus est le "placotage" sur le front des oléoducs.

Si aucun nouveau projet d'oléoduc ne voit le jour, les projets déjà en exploitation vont continuer à tourner à leur niveau actuel de production, mais les entreprises vont avoir de la difficulté à justifier des agrandissements de plusieurs milliards de dollars pour leurs installations _ et l'embauche de milliers de personnes pour les construire, explique M. Copeland.

"Si nous ne pouvons pas avoir d'oléoduc sortant de l'Alberta dans les deux prochaines années, nous pourrions aussi bien commencer bientôt à fermer les lumières dans la province", dit-il.

En novembre, une saga réglementaire de plus de sept ans a pris fin lorsque le président américain Barack Obama a annoncé qu'il rejetait le projet d'oléoduc Keystone XL, qui aurait permis de transporter davantage de brut des sables pétrolifères jusqu'aux raffineries du Texas. TransCanada (TSX:TRP), l'entreprise derrière le projet, étudie les options qui s'offrent à elle.

Le projet Énergie Est de TransCanada vers le Nouveau-Brunswick et l'expansion projetée de l'oléoduc Trans Mountain, de Kinder Morgan, vers la région de Vancouver, sont en pleine révision réglementaire, et les deux font face à une opposition considérable. Le nouveau gouvernement fédéral libéral a signalé qu'il voulait apporter certains changements à la façon dont l'Office national de l'énergie évalue les propositions d'oléoducs, mais que les processus déjà en cours se poursuivraient.

La canalisation Northern Gateway, d'Enbridge (TSX:ENB), vers Kitimat, en Colombie-Britannique, reste dans les limbes, même si elle avait obtenu un permis fédéral pour aller de l'avant depuis la mi-2014, assujetti à 209 conditions. Le gouvernement libéral, qui a pris le pouvoir en octobre, a officialisé un moratoire sur la circulation de transporteurs de pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. Les critiques y ont vu un coup fatal au projet, mais Enbridge n'a pas abandonné et continue à travailler pour tenter d'obtenir l'appui des Premières Nations de la province.

Le géant de l'énergie Royal Dutch Shell a évoqué, entre autres choses, les problèmes connus par les oléoducs pour abandonner son projet Carmon Creek dans le nord-ouest de l'Alberta. Il a inscrit à ses comptes une charge de 2 milliards $ liée à cet abandon.

Alors que le secteur pétrolier commence à évaluer les répercussions de l'arrivée des libéraux au pouvoir à Ottawa, le changement au niveau provincial en Alberta a été stupéfiant depuis mai, lorsque le Nouveau Parti démocratique a délogé les conservateurs du pouvoir, qu'ils occupaient depuis plus de 40 ans.

L'Alberta a introduit le mois dernier une nouvelle stratégie sur les changements climatiques. Un regroupement étonnant de patrons des sables pétrolifères et d'environnementalistes se sont joints à la première ministre Rachel Notley lorsqu'elle a annoncé un plan pour limiter les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux

à 100 mégatonnes _ elles sont aujourd'hui de 70 mégatonnes.

Le plan prévoit en outre l'imposition d'une taxe de 30 $ par tonne de carbone d'ici 2018. Un comité qui étudie le système de redevances de la province devrait dévoiler ses conclusions dans la nouvelle année.

Mais l'incertitude ne disparaît pas hors des frontières de l'Alberta. De fait, l'économiste spécialisé en énergie Peter Tertzakian _ qui fait partie du comité sur le système de redevances de l'Alberta _ estime que les fondations d'un système énergétique de 150 ans sont secouées dans un contexte de production pétrolière mondiale qui ne fléchit pratiquement pas et d'efforts concertés à travers la planète pour limiter les émissions de GES.

"Le plus grand risque est de nier qu'un changement a lieu", a affirmé M. Tertzakian à un auditoire de chefs d'entreprises lors d'une conférence à Lake Louise, en Alberta, le mois dernier. "Si vous croyez que les affaires vont revenir à la normale, vous faites du déni."

À la fin de 2014, lorsque les prix du pétrole entamaient leur longue descente, le président de Canadian Natural Resources (TSX:CNQ), Murray Edwards, a fait sourciller certains observateurs en prédisant que le brut reculerait aux environs de 30 $ US ou 40 $ US le baril cette année. À l'époque, il s'échangeait au-dessus de 70 $ US.

Les prédictions de M. Edwards se sont avérées _ sauf que le prix a traîné à ce niveau plus longtemps qu'il ne l'avait cru.

Un an plus tard, le financier milliardaire du secteur pétrolier affirme que l'industrie est en train de s'ajuster à "la nouvelle normale".

"De grands vents nous soufflent au visage en ce moment, plusieurs difficultés se trouvent devant nous, alors cela va vraiment nous forcer à repenser la façon dont nous tenons nos affaires si nous voulons rester une industrie viable en Alberta et au Canada", a-t-il dit.

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