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«Pinocchio» d'André-Line Beauparlant: les mensonges de mon frère (ENTREVUE/VIDÉO)

«Pinocchio»: les mensonges de mon frère (ENTREVUE/VIDÉO)

Avec Pinocchio, André-Line Beauparlant (Trois princesses pour Roland, Le petit Jésus) livre un documentaire fascinant sur son frère Éric qui s’est construit au fil des années une existence faite de mensonges. Du Brésil au Pérou en passant par le Québec, la réalisatrice a tenté de comprendre ce qui se cache derrière les énigmes de ce beau-parleur errant. Entrevue.

Votre frère, quel personnage, n’est-ce pas?

Éric, il est fascinant dans son invention.

Comment avez-vous découvert cette double vie?

Éric m’appelait tout le temps. Il me racontait sa vie sur le bateau, ses voyages… et j’essayais d’aller le rejoindre. J’ai attendu son itinéraire sans jamais le recevoir et je l’ai finalement retrouvé seulement au Pérou, sans bateau, sans attache, sans rien et il a ensuite disparu à nouveau. J’ai commencé à avoir de sérieux doutes sur ses voyages autour du monde…

On est loin d’un portrait flatteur, pourtant vous évitez tout jugement, comme si derrière la réalisatrice, il y avait aussi et surtout une sœur.

Je ne suis pas d’accord sur le fait que ce n’est pas un portrait flatteur. Je crois que c’est une conversation avec Éric qui fuit. Une conversation avec un gars qui ne veut pas que l’on s’approche trop. Mais Éric, il est complètement honnête avec sa façon de vivre, avec son talent de menteur et ses petites magouilles. J’ai parfois l’impression que c’est moi qui ne comprends pas son mode de vie, que lui, il est bien, qu’il est heureux comme il le dit dans le film, qu’il fait sa vie de "bum" à fond. Le film m’a permis d’accepter sa vie sans jugement.

Pourtant, il n’a pas hésité à trahir la confiance de ses proches avec ses nombreuses affabulations. Il a volé de nombreuses personnes à travers le monde. Il reste qu’après avoir vu le documentaire, on se dit qu’au fond cet homme n’est pas un si mauvais garçon. Était-ce important pour vous qu’on ne puisse pas le détester?

Extrêmement important pour moi. D’ailleurs, comme dans mes autres documentaires aussi, j’ai essayé de comprendre sans juger et de m’approcher de quelqu’un qui a une vie difficile malgré tout. Et ce n’est pas parce que l’on vole ou que l’on fait des petites arnaques que l’on est entièrement méchant et condamnable. C’est trop facile! L’être humain est beaucoup plus complexe que ça. Mon frère aussi, j’ai essayé de m’approcher de sa vie de sa souffrance de son invention de sa cachette… voilà ce qui est intéressant selon moi.

Cette vie faite en partie de mensonges était-elle inéluctable?

Je n’en ai aucune idée. J’imagine que pour s’inventer comme Éric le fait, il faut avoir mal, il faut ne pas pouvoir faire autrement.

S’est-il aujourd’hui assagi?

Non, il a encore la même vie, je crois, c’est sa vie, sa façon de survivre, c’est son mode d’emploi. Il a encore disparu. On ne sait pas où il se trouve en ce moment. Ni même s’il est au Canada… Encore une fois…

On en apprend beaucoup sur vous, sur lui et sur vos parents. Avez-vous eu des craintes de montrer l’intimité de votre famille en révélant les entourloupes de votre frère?

Je ne pense pas que je montre tant l’intimité, ça reste très pudique. Je parle de la famille, du lien, du mensonge, de la difficulté de se comprendre même, et je pense que beaucoup de familles vivent ce genre de dynamique ou de difficultés.

Comment a-t-il réagi lorsqu’il a appris votre projet de documentaire?

Il a toujours su. Il était d’accord. Il était content au début, très volontaire, mais après le voyage au Pérou, il ne voulait plus. Il a changé d’idée. Je suis donc devenue aussi un personnage du film, car Éric était présent autrement. Le téléphone a sonné, c’était l’ambassade, et c’était aussi un certain Mark qui voulait que je lui donne dix mille dollars. Aujourd’hui, Éric n’a pas vu le film et il ne veut pas le voir, ça ne l’intéresse pas.

Au-delà des liens du sang, que représente ce frère pour vous?

Éric, c’est un gars courageux qui essaye de survivre du mieux qu’il peut.

Pinocchio – Documentaire – Les Films du 3 mars – 75 minutes – Sortie en salles le 11 décembre 2015 – Canada, Québec.

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