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Se sentir ni homme ni femme, mais quelque part entre les deux (VIDÉO)

Se sentir ni homme ni femme

Au magasin de vêtements, il y a la section pour homme et celle pour femme. Sur les formulaires administratifs, on nous demande de cocher F ou M. Les petits garçons ont leurs jouets. Les fillettes, les leurs. Un peu partout, il y a les toilettes pour filles ou celles pour gars. Mais qu'arrive-t-il lorsque notre identité sexuelle ne suit pas les conventions? Incursion dans l'univers des personnes non binaires ou de sexe neutre.

Un texte de Geneviève Proulx

Parce que, pour ces gens, ce qui se cache dans les sous-vêtements n'a rien à voir avec leur genre. Peu importe la nature de leurs organes génitaux, ils ne se sentent pas appartenir à un sexe en particulier, mais sont plutôt quelque part entre les deux. Certains se définissent comme étant des personnes de sexe neutre, d'autres comme appartenant à un troisième genre ou comme étant une personne trans non binaire.

Une chose est certaine, entre les traditionnelles catégories masculine et féminine, il y a tout un monde. « Dans notre société, on part de l'hypothèse qu'on est un homme ou une femme, qu'il y a aussi des personnes transgenres qui veulent appartenir à l'autre sexe. Sauf que c'est beaucoup plus complexe. Il peut y avoir des gens qui ne se sentent pas appartenir à l'une ou l'autre de ces catégories », explique Dominique Dubuc, enseignante en biologie au Cégep de Sherbrooke et membre de l'International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans, and Intersex Association North America (ILGA), une instance qui a un statut consultatif à l'Organisation des Nations unies.

Être une personne non binaire ne signifie pas être né dans le « mauvais corps »; ces gens sont plutôt bien dans leur peau et ne veulent pas nécessairement changer physiquement.

Qu'est-ce qu'un homme? Une femme?

Le genre neutre, ce n'est pas aussi simple que de dire que ces gens refusent complètement une appartenance aux deux sexes traditionnels. « Essayer d'expliquer la ''non-binarité'', c'est comme essayer de définir ce qu'est un homme ou une femme. Au premier regard, c'est facile, mais en creusant, c'est vraiment compliqué. Qu'est-ce qui fait qu'il y a deux extrémités? C'est quoi la check list de ce que sont les gars et les filles? » s'interroge la coordonnatrice du Centre de lutte contre l'oppression des genres de l'Université Concordia, Gabrielle Bouchard.

« Être non binaire, c'est plus profond qu'un refus des stéréotypes masculins ou féminins! »

— Gabrielle Bouchard, du Centre de lutte contre l'oppression des genres de l'Université Concordia

Difficile de chiffrer le nombre de personnes qui se définissent de la sorte. « Nous n'avons rien pour les comptabiliser. Il n'y a pas de place pour afficher des statistiques de la « non-binarité » dans les documents officiels. C'est difficile à dire s'il y en a plus ou si ces personnes sont plus visibles. Je pense, par contre, qu'il y a plus d'espace pour être plus visible », indique Mme Bouchard.

Des avancées importantes au Cégep de Sherbrooke

Même s'il n'existe pas de statistiques officielles, ces personnes sont assez nombreuses pour que de plus en plus d'établissements adaptent leurs installations en conséquence. Dans ce domaine, le leader en Amérique du Nord est sans contredit l'Université du Vermont. Depuis 2009, l'établissement a mis en place de nombreuses mesures pour faciliter l'inclusion des personnes non binaires, dont des toilettes non genrées et la possibilité de choisir son prénom d'usage, par exemple.

C'est le cas de B, qui a choisi ce nouveau prénom en arrivant sur le campus de Burlington. Originaire du Maryland, B est l'une des personnes qui a choisi cette université pour ces avancées favorisant l'inclusion des personnes trans. « Même si pendant la visite du campus, ils en ont parlé que pendant une vingtaine de secondes, ça a fait une grande différence pour moi. Je n'avais pas les ressources pour parler de mon identité de genre au secondaire. J'ai réalisé que je pouvais être bien ici et trouver mon identité. »

L'exemple du Vermont a fait des petits. Des toilettes non genrées ont fait leur apparition au Cégep de Sherbrooke au cours des dernières années. Il est aussi possible de remplacer son prénom assigné à la naissance par celui d'usage sur sa carte étudiante. « Ce service s'adresse uniquement aux personnes trans. À l'heure actuelle, il y a trois personnes qui ont fait le changement. Statistiquement, c'est un petit nombre de personnes, mais ce sont de petites choses pour nous qui peuvent faire une grande différence pour elles », rappelle le directeur des services aux étudiants au Cégep de Sherbrooke, Martin Lambert.

Pour l'instant, pour des raisons techniques, il n'est pas possible de changer les prénoms des personnes trans sur les listes données aux professeurs. « La personne trans doit, en début de session, aller voir chacun de ses enseignants pour lui expliquer que le nom qui est sur la liste n'est pas son nom d'usage. Elle se retrouve donc à faire six ou sept coming out. Si, en changeant son nom sur sa carte étudiante, on peut lui éviter de vivre ça à la bibliothèque ou au centre de l'activité physique, c'est au moins ça », affirme M. Lambert.

Une réflexion est aussi en cours au sein de la direction afin de modifier les formulaires pour qu'ils soient plus inclusifs envers les diversités sexuelles. « Présentement, il n'y a que deux cases : homme ou femme. On veut que les personnes trans soient plus à l'aise avec ces formulaires », ajoute-t-il.

La « non-binarité » sort du placard

Le concept de « non-binarité » fait tranquillement son chemin dans les discussions au Québec. « On en entend parler depuis quelques années, mais le son était très bas au début. Il n'y avait pas de place pour le faire. Il y a encore de la résistance. Ça commence », croit Gabrielle Bouchard.

Le concept de genre neutre peut surprendre. L'humain aime les contraires et les paires : les chats et les chiens, les homosexuels versus les hétérosexuels, les gars ou les filles. Il y a très peu de place pour les entre-deux et les nuances.

« C'est ancré en nous cette idée que l'on est soit un homme, soit une femme. Il y a un grand travail de déconstruction à faire. Personne ne peut te dire ton orientation sexuelle, pourquoi pourrait-elle te dire quelle est ton identité sexuelle? »

— Gabrielle Bouchard, du Centre de lutte contre l'oppression des genres de l'Université Concordia

À ce titre, le trouble de l'identité de genre n'est plus dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) de l'association américaine de psychiatrie depuis 2013, mais la détresse liée aux barrières à l'autodétermination de l'identité y est encore.

Vers un statut officiel de troisième sexe?

Plusieurs groupes revendiquent un statut de personne neutre dans les documents officiels de l'État. Le Canada n'en est pas encore là, mais il existe un troisième sexe officiellement en Australie, en Inde et au Pakistan, entre autres. « Ici, des militants demandent le retrait optionnel de la mention de sexe dans les documents officiels. C'est important que ce soit optionnel parce que, par exemple, une femme trans qui travaille dans l'industrie du sexe, elle y tient à son F sur ses documents, question qu'un juge ne l'envoie pas dans une prison pour homme », illustre Gabrielle Bouchard.

Le Centre de lutte contre l'oppression des genres de l'Université Concordia qu'elle coordonne a porté une cause sur le sujet devant la Cour supérieure du Québec. « On conteste l'obligation d'assigner un sexe à la naissance. Il y a des impacts importants sur les personnes trans. C'est souvent erroné. C'est comme si on décidait qu'un enfant était homosexuel quand il naît simplement à partir d'une observation de quelques secondes d'un organe. C'est une grosse assignation pour un aussi petit bout de chair! » croit-elle.

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