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«2015 dans le tordeur»: mordre... sans laisser de traces (VIDÉO)

«2015 dans le tordeur»: mordre... sans laisser de traces (VIDÉO)

Le Théâtre du Rideau Vert lance ces jours-ci la onzième édition de son spectacle de fin d’année, Revue et corrigée. Mais, pour une première fois, en 2015, l’institution de la rue Saint-Denis a de la compétition. Deux «petits nouveaux» offrent eux aussi leur rétrospective des douze derniers mois en humour et en chansons, et partiront de surcroît en tournée sur les scènes de la province pour impliquer les spectateurs de partout dans leur joyeux délire, intitulé 2015 dans le tordeur.

En fait, ces «nouveaux venus», on les connaît déjà un peu. Il s’agit de Martin Proulx et Jocelyn Lebeau, qui pilotaient jusqu’à l’an dernier les capsules Le 16 heures, sur le portail web de Télé-Québec, et qui sont maintenant à la tête du projet Ça fait un bye, sur Tou.tv. Le duo excelle dans l’art de se moquer de l’actualité ; d’ailleurs, les imitations de Céline Dion et d’Anne-Marie Dussault de Martin Proulx sont déjà enregistrées dans la mémoire de plusieurs internautes!

Lebeau et Proulx avaient déjà tenté une première incursion timide sur les planches l’an dernier, avec 2014 dans le tordeur, pièce qu’ils avaient promenée à Longueuil, Laval et Sherbrooke.

Or, cette fois, ils ne font pas les choses à moitié, avec un calendrier de 18 représentations qui les mènera de Brossard à Amos et de Gatineau à Thetford Mines, dans le cadre d’une «tournée mondiale québécoise» jusqu’au 16 janvier. La comédienne Debbie Lynch-White, de plus en plus reconnue pour ses talents de chanteuse, sera avec eux sur scène (l’an dernier, Léane Labrèche-Dor faisait office de choriste) et trois musiciens les accompagneront.

En coulisses, ils se sont aussi adjoints la collaboration de six auteurs (Mathieu Bouillon, Cassandre Charbonneau-Jobin, Marie-Andrée Labbé, Luc Michaud, Jean-François Pierre et David Leblanc) et d’un metteur en scène un tantinet habitué aux collectifs de fin d’année, qui a mis en scène quatre moutures de Revue et corrigée et participé à cinq Bye Bye, Joël Legendre. Toute l’aventure que les deux têtes d’affiche définissent comme un festif «party d’amis» est encadrée par Productions J. «La scène, c’est le pouvoir de l’imaginaire, explique Jocelyn Lebeau. Le spectateur peut tout voir avec seulement une perruque. La télé et le web demandent plus de fignolage et de finition.»

Joël dans le tordeur

2015 dans le tordeur emprunte donc une formule chère au cœur des Québécois, celle de courts sketchs comiques, parfois entrecoupés de chansons, où s’amalgament souvent plusieurs manchettes marquantes de l’année qui se termine. Ici, le collage contient une quarantaine de numéros.

Par exemple, lors d’une répétition devant les médias, la semaine dernière, Jocelyn Lebeau et Martin Proulx ont interprété leur relecture personnelle du tube Uptown Funk, de Bruno Mars, en y insérant des références à l’austérité, aux réfugiés syriens, à François Bugingo, à Macha Grenon dans Nouvelle adresse, à Eugénie Bouchard, au changement de sexe de Bruce Jenner et à tant d’autres événements. «2015 passe au cash», ont-ils entonné en refrain. Aussi, ils ont offert un épisode de Cuisine botchée, parents stressés, mouture adaptée de Cuisine futée, parents pressés, où ils ont mijoté des «Fettuccine à la Coderre bouillis dans l’eau usée». À Stéréo Pow, parodie de Stéréo Pop, de faux Pierre Lapointe et Claudine Prévost démesurément complices ont accueilli Debbie Lynch-White, qui a rendu des hommages en musique à Denis Coderre, à la bâtonnière, à Philippe Couillard et à Xavier Dolan, joli prétexte pour pousser la note sur des morceaux qui ont beaucoup résonné dans nos oreilles récemment, comme Hello d’Adele ou Cheerleader de OMI.

Enfin, l’incontournable Céline Dion s’est prononcée sur quelques enjeux internationaux… et a énuméré les noms de tous ses frères et sœurs d’un trait, un petit exploit!

Et, pour ceux à qui la question brûle les lèvres, oui, 2015 dans le tordeur reviendra sur «l’affaire Joël Legendre». Derrière son lutrin de metteur en scène, le principal intéressé a suffisamment d’autodérision et d’humilité pour ne pas escamoter ce fait hyper-médiatisé du printemps dernier.

«On couvre tout. Tous ceux qui ont fait l’actualité y passent… y compris moi-même!», s’esclaffe Joël.

«C’est un grand défi de choisir les événements les plus marquants de l’année, renchérit Martin Proulx. Chacun a été interpellé par des affaires différentes, chacun a son année. C’est pourquoi on fait unshow de deux heures et on essaie de ratisser le plus large possible. Je pense que chacun y trouve son compte.»

Des fantaisistes

Lui qui est abonné aux projets du genre, quelles qualités décèle Joël Legendre chez ses cadets de 2015 dans le tordeur, qui les rend habiles à porter un tel projet sur leurs épaules?

«Pour faire ce genre de truc, il faut être fantaisiste, expose Joël. C’est un vieux mot, mais être fantaisiste, ce n’est pas donné à tout le monde. Il ne faut pas seulement être imitateur, chanteur ou danseur, mais un peu de tout ça à la fois, et être capable d’exagérer les traits d’une personne. Il faut s’assumer complètement ; un homme ne doit pas avoir peur de se déguiser en femme et d’avoir l’air ridicule. Et ça prend une grande discipline, une dégaine, une générosité. Il faut être culotté pour assumer de jouer un personnage connu! Et ces gars-là sont nés pour ça.»

«Le fait d’être juste deux demande une exécution technique particulière, plaide de son côté Jocelyn Lebeau. On doit changer rapidement de pantalons, de robes, de chandails, et revenir tout de suite sur scène dans la peau d’un autre personnage. Il n’y a pas de délai. On est comme Arturo Brachetti en coulisses! (rires) On a une habilleuse pour nous aider à nous changer, derrière.»

C’est sur les conseils et les observations d’une professionnelle en la matière, Denise Filiatrault, que Joël Legendre a assimilé les codes des productions comme le Bye Bye, Revue et corrigée et Dans le tordeur. Car, chez nous, la tradition ne date pas d’hier : déjà, dans les années 1920, une troupe de saltimbanques donnait vie au Diable est en ville, sorte de bien-cuit qui se déplaçait de ville en ville et adaptait son contenu selon les tendances de l’endroit. Ensuite, une génération d’artistes bien connus (Dominique Michel, Denise Filiatrault, Paul Berval, Denis Drouin, etc) s’est éclatée à l’époque des cabarets et donnaient aussi beaucoup dans l’imitation et la performance physique. De là est né le Bye Bye, en 1968 ; la populaire émission n’a connu que peu d’années de répit sur les ondes de Radio-Canada, et c’est en 2005 que Denise Filiatrault a réinstallé le rendez-vous scénique au Théâtre du Rideau Vert, avec succès.

«Si tu ris de TVA, en deuxième partie, il faut que tu aies un sketch sur Radio-Canada, mentionne Joël Legendre, évoquant ainsi l’un des principes primordiaux de ce type de créations. Si tu ris du Parti libéral, tu dois aussi rire du Parti conservateur. Il faut être juste dans nos conneries!»

«Et je mets ça à profit, continue Joël. Dans le tordeur, c’est un feu roulant. Il faut que le public n’ait même pas le temps de se revirer de bord et que ça soit déjà reparti. Ce qui nous aide aujourd’hui, et qui n’existait pas avant, c’est la vidéo. En deux secondes, on peut maintenant avoir un décor illustré, une personne qui apparaît, alors qu’à l’époque, on n’avait pas cette option.»

«Nous, on veut finir l’année dans le plaisir, insiste Jocelyn Lebeau. Il y a des petits trucs qui font réfléchir, des commentaires plus grinçants ou incisifs, mais c’est toujours dans la bonne humeur.»

«On mord, mais ça ne laisse pas des traces très graves! On mordille», badine Martin Proulx.

Et Paris?

Question inévitable en cette période de grande tristesse partout dans le monde : comment traite-t-on une tragédie comme celle de la fusillade à Paris lorsqu’on survole l’actualité globale d’une année dans un cadre humoristique?

«On se questionne beaucoup, avance prudemment Jocelyn Legault. L’année dernière, juste avant la dernière représentation de 2014 dans le tordeur, se produisaient les attentats de Charlie Hebdo. On s’était demandé ce qu’on devait faire. On avait projeté la phrase «Je suis Charlie» et on s’était adressés au public en disant qu’on se trouvait privilégiés d’avoir cette tribune pour s’exprimer, s’amuser avec tous les acteurs de l’actualité, et qu’on voulait continuer de rire.»

«C’est ce qu’il faut faire, garder le cap, même si on peut accuser le coup un peu, enchaîne Martin Proulx. Dans notre chanson d’ouverture, on fait mention de tout ce qui s’est passé dans l’année, et on dit «On est tous un peu Paris», en montrant l’image de la tour Eiffel qui a circulé un peu partout. C’est notre façon de prendre acte de l’événement, mais c’est sûr qu’on ne peut pas faire de sketch là-dessus et s’étendre davantage.»

Pour en savoir plus sur 2015 dans le tordeur et toutes les dates de la tournée, consultez le site web officiel. Ne manquez pas notre critique du spectacle dans les pages du Huffington Post Québec, jeudi.

Ça fait un bye : leur autre bébé

Même si 2015 dans le tordeur les occupe beaucoup par les temps qui courent, Martin Proulx et Jocelyn Lebeau ne laissent pas tomber leur autre «bébé», Ça fait un bye. Les quatre premiers web-épisodes, qui mettent en vedette Debbie Lynch-White, Valérie Blais, Sébastien Benoît et Phil Roy, sont toujours disponibles sur Tou.tv et de nouvelles capsules seront mises en ligne en janvier. Lebeau et Proulx s’adonnent, dans Ça fait un bye, à ce qu’ils font de mieux ensemble, depuis qu’ils ont fait connaissance au Théâtre de la Ville, à Longueuil, il y a 10 ans : se costumer et parodier des émissions et des chansons, bref, nous faire voir autrement les unes des journaux, des magazines et des bulletins d’information.

«On s’intéresse à des personnages, des politiciens, des artistes, des tendances qui sont là pour rester, indique Martin Proulx. Ça nous permet d’avoir un terrain de jeux très vaste.»

«Martin et moi sommes vraiment, à la base, des passionnés d’actualité, souligne Jocelyn Lebeau. Au temps du 16 heures, on a bâti une banque d’une centaine de personnages, on travaille en collaboration avec des auteurs et on s’inspire aussi beaucoup de la personnalité de nos invités.»

Toutes les folies de Ça fait un bye – un clin d’œil au Bye Bye et à l’expression «Ça fait un bail», puisque le contexte repose sur des «retrouvailles» avec l’invité de la semaine – ont été tournées cet automne, au bar Grenade, sur la rue Ontario, à Montréal, et dans les studios de Télé-Québec.

Éventuellement, toutes ces vidéos prendront le chemin de la télévision, sur ARTV, en 2016.

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