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Une précommission à la commission d'enquête sur les femmes autochtones disparues

Une précommission d'enquête sur les femmes autochtones disparues

La commission d'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées pourrait avoir jusqu'à cinq volets régionaux, en plus de la commission nationale, selon les plans proposés à la ministre des Affaires autochtones.

Un texte de Christian Noël

Carolyn Bennet doit d'ailleurs annoncer, dès la semaine prochaine, la première étape du projet : la mise sur pied d'une précommission d'enquête, afin de consulter les victimes, leur famille et les groupes autochtones.

Selon ce qu'a appris Radio-Canada, la précommission va notamment se pencher sur :

  • L'aide psychologique à offrir aux participants avant, durant et après la commission ;
  • La gestion des révélations possiblement criminelles, de même que leurs retombées dans les communautés visées ;
  • La nécessité d'inclure le rôle de la pauvreté et l'attitude des forces de l'ordre dans le traitement des femmes autochtones ;
  • L'inclusion des hommes et des garçons autochtones dans le processus ;
  • La mission d'éducation du public de la commission.

«On doit écouter les familles dès le début, disait la ministre Bennett la semaine dernière, pour qu'elles aient leur mot à dire sur le mandat, le fonctionnement, et la durée de la commission. C'est la seule façon d'atteindre des résultats concrets.»

1200 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues depuis 30 ans au Canada. Toutes proportions gardées, c'est de trois à quatre fois plus que dans la population canadienne en général.

«C'est plus qu'une commission pour faire ressortir des faits, explique le grand chef de l'Ontario, Isadore Day. Ça fera ressortir des émotions très fortes, très vives. On touche à la vie du vrai monde, il faut être prêt à s'occuper des répercussions.»

« Ta mère est morte »

L'aide traditionnelle et psychologique est l'élément essentiel pour encourager les victimes à témoigner, selon Cherilyn Panamic-Ense. Sa mère Clarene a été tuée par son conjoint quand Cherilyn avait 13 ans.

«Il y avait beaucoup de drogues et d'alcool quand il était à la maison, se souvient Cherilyn. Il était violent et il la battait. Souvent, je m'assoyais à côté d'elle sur le lit. J'essuyais ses larmes, je la réconfortais, je lui disais que je l'aimais.»

Sa voix est déchirée par les sanglots, à plusieurs reprises, alors qu'elle raconte ces tragiques événements.

Un soir après une dispute particulièrement violente, sa mère lui confie «Il est fou! J'ai peur qu'il me tue.»

Le lendemain matin, «la maison était sens dessus dessous. Du verre brisé partout, des chaises renversées», décrit-elle. Sa tante et sa grand-mère étaient en larmes. Elles lui ont dit : «Ta mère est morte, c'est lui qui l'a tué. Il l'a frappé avec sa voiture, à haute vitesse, sans s'arrêter.»

Reconnu coupable d'homicide involontaire, il a purgé seulement deux ans de prison. «C'est comme si la vie de ma mère ne valait pas grand-chose», déplore Cherilyn.

Cherilyn a maintenant 38 ans. Elle ne sait pas encore si elle aura le courage de témoigner devant la commission d'enquête.

Ce fut notamment le cas lors de la Commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats autochtones.

Pauvreté, drogue, violence

L'enquête publique ne devrait pas se limiter à la disparition et aux meurtres des femmes autochtones, selon plusieurs groupes.

«La question de la pauvreté abjecte doit être intrinsèque à cette commission, explique le chef Day. Elle mène parfois au trafic de drogue, à la prostitution, à la violence conjugale.» Une commission qui n'aborderait pas ces aspects serait incomplète, selon lui.

La commission, ajoute-t-il, devrait également se pencher sur les facteurs d'ordre économique, l'éducation, et les relations avec les forces de l'ordre.

Une escouade spéciale?

Il faut également être prêt à faire face aux révélations qui feront surface, ajoute le chef Day.

Certains groupes autochtones suggèrent même la mise sur pied d'une escouade nationale sur les crimes autochtones, pour effectuer des suivis. Un peu comme l'UPAC au Québec, qui a fait des enquêtes en suivi à la commission Charbonneau.