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«Ma sexualité» : les livres de Jocelyne Robert ont 30 ans

«Ma sexualité» : les livres de Jocelyne Robert ont 30 ans
Laurent Labat

Parfois imités, mais jamais égalés, tant et si bien qu’ils sont pratiquement les seuls dans leur créneau sur les rayons québécois, les livres Ma sexualité, de Jocelyne Robert, célèbrent cette année leurs 30 ans. C’est dire que plus d’une génération d’enfants s’est éduquée à la sexualité grâce à ces albums joliment illustrés, qui s’adresse à eux dans un langage facile à comprendre mais, en revanche, jamais infantilisant.

«C’est complètement fou, commente Jocelyne Robert. Ça n’a aucun bon sens. Ce qui est complètement hallucinant, c’est que les trois livres roulent depuis 30 ans, depuis 1985. On ne les a jamais ressortis des boules à mites ; ils ont toujours été sur le marché, sans arrêt. C’est vraiment exceptionnel.»

Les trois ouvrages, Ma sexualité de 0 à 6 ans, puis De 6 à 9 ans et De 9 à 12 ans, ont été réédités à trois reprises au cours des trois dernières décennies, avec des dessins et un graphisme actualisés, mais dans le propos, rien n’a changé. Chacun s’est écoulé à plus de 100 000 exemplaires, et est aussi vendu en France. Considérée comme une référence chez nos cousins, Jocelyne Robert est d’ailleurs souvent invitée à la télévision européenne pour vulgariser des notions de sexualité à l’intention des jeunes parents.

Répondre à un besoin

À l’époque, Jocelyne Robert, sexologue depuis quelques années à peine, jugeait qu’il manquait d’outils ludiques accessibles aux bambins et à leurs parents et démystifiant la sexualité de façon claire, directe, sans tabou et sans complaisance ou condescendance. Un livre du Dr. Lionel Gendron, s’ouvrant avec une phrase affirmant que les hommes et les femmes, une fois mariés, pouvaient faire un bébé, «bourré de faussetés et de mensonges», raconte-t-elle, l’avait mise hors d’elle, et les produits venus d’Europe correspondaient généralement peu à notre réalité. Il ne lui en fallut pas plus pour la convaincre de s’installer à sa table de travail… sans se douter qu’elle donnerait encore des entrevues sur le sujet en 2015.

«Le développement psychosexuel de l’enfant n’a jamais changé, estime Jocelyne Robert. Ce qui a changé, ce sont les sociétés dans lesquelles on vit, l’environnement, la culture ambiante. Internet n’existait même pas il y a 30 ans! Ça, c’a beaucoup changé, et il a fallu s’ajuster à ça.»

«Ce ne sont pas les enfants qui ont changé ; la phase de pudeur est toujours à 9 ans, l’intérêt pour les différences entre les sexes et les jeux de docteur est toujours à 4 ou 5 ans, le clan unisexe, c’est autour de 7 ou 8 ans. Ça, ça ne change pas. Ce qui est traumatisant, maintenant, pour beaucoup de parents, c’est qu’un enfant de 7 ans peut tomber sur des scènes porno vraiment dures, beaucoup plus facilement. Ça, ce sont des réalités nouvelles avec lesquelles il faut composer.»

Sans «prêcher pour sa paroisse», Jocelyne Robert est convaincue que la série Ma sexualité est plus pertinente et actuelle que jamais, en ces temps où la sexualité est omniprésente partout dans la société… sauf dans les écoles, où on tarde à réimplanter un programme d’enseignement de la matière digne de ce nom.

«Tout ce qui touche au monde de l’éducation à la sexualité est plus nécessaire que jamais. Il y a un état d’urgence, pas dans le sens de dramatiser les choses, mais il faut absolument qu’il y ait des outils pour aider à rivaliser avec le message ambiant. Il faut proposer autre chose. Si ces livres n’étaient plus pertinents, ils ne seraient plus en vente depuis longtemps.»

«Et dans les courriels que je reçois - avant, je recevais des tonnes de lettres par la poste, mais aujourd’hui, je n’en reçois plus! (rires) – des parents, des professeurs et des enfants, je constate à quel point mes livres sont encore aidants. Le secret d’un tel succès, c’est que ça répond aux vrais besoins des enfants. Je n’ai rien inventé, c’est vraiment basé sur le développement psychosexuel des enfants en fonction de leur âge et de leurs besoins réels.»

Jocelyne Robert sera présente au Salon du livre de Montréal, ce week-end (du 20 au 22 novembre), pour des séances de dédicaces : vendredi, de 12h à 14h et de 17h à 19h (elle participera aussi à une table ronde entre 11h et midi, avec Sylvie Payette et Christine Lamer), samedi, de 17h à 19h, et dimanche, de 13h à 15h. Au Stand 132, Éditions de l’Homme.

Jocelyne Robert nous détaille ici les grandes caractéristiques du développement sexuel chez l’enfant, selon les tranches d’âge.

De 0 à 6 ans

«On dit de 0 à 6 ans, mais c’est évident que c’est davantage de 3 à 6 ans. Le 0, c’est pour que les gens comprennent bien que la sexualité, ça commence avec la naissance. Ça ne commence pas à 12 ans pour finir avec la ménopause! Donc, pour les tout-petits, jusqu’à l’âge de 6 ans, la grande caractéristique, c’est qu’ils sont concernés par tout ce qui touche la différence des sexes. Ils explorent, ils jouent au docteur, ils découvrent leur corps, ils se comparent. C’est sain, et il ne faut pas s’énerver avec ça. La différence des sexes, ça signifie aussi les questions sur les bébés, la naissance. C’est souvent l’enfant qui surprend ses parents à faire l’amour et qui est curieux, alors que ses parents, eux, sont traumatisés et ne savent pas quoi dire! (rires) Il y a une curiosité de la sexualité adulte ; les enfants jouent parfois à faire l’amour. Les parents, eux, sont surtout préoccupés lorsqu’ils voient leurs enfants jouer au docteur ou se masturber ; dès qu’un enfant touche son corps, on croit qu’il ou elle va devenir un pervers polymorphe ou s’exhiber à côté des bornes-fontaines (rires). Mais c’est tout à fait naturel. À travers les jeux sexuels, l’enfant ne fait pas que s’amuser, il se rassure, aussi, il constate qu’il est comme les autres.»

De 6 à 9 ans

«C’est une période d’intégration progressive. L’intérêt pour les parties génitales se calme. Avec l’arrivée à l’école, souvent, des clans vont se former. Les gars avec les gars, les filles avec les filles. On n’est plus du tout dans cette espèce de fascination pour l’anatomie, la génitalité. On est dans la période où on s’identifie à son groupe de pairs. C’est une phase où les enfants ne se mêlent pas beaucoup, parce qu’ils ont besoin de sentir qu’ils appartiennent à un sexe. Ils confirment leur identité sexuelle à travers ça, le sentiment d’être un «vrai gars» ou une «vraie fille». Ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de sexualité, mais la sexualité s’exprime davantage par le groupe, l’appartenance, la fierté. Entre 6 et 9 ans, c’est un moment formidable pour donner de l’information et expliquer. Ils sont moins dans l’excitation, donc ils ont une oreille attentive.»

De 9 à 11 ans

«Vers l’âge de 9 ans, il y a une phase carrefour, qui est souvent un moment de pudeur, avant la pré-puberté. Puis, de 9 à 11 ans, c’est la pré-puberté. À ce moment, les stéréotypes sexuels sont très forts. On a des idoles, on veut leur ressembler, on veut être comme ceux et celles qu’on admire, même si on ne leur ressemble pas pantoute. C’est une préparation aux transformations qui attendent le corps, jusqu’à l’âge adulte.»

12 ans et plus

«Certains enfants sont précoces et sont pubères à 10 ou 11 ans, mais puisqu’il faut mettre des balises, généralement, la puberté est à 12 ans. La grande caractéristique, chez la fille, c’est l’apparition des menstruations, et chez le garçon, c’est la première éjaculation.» (Jocelyne a également publié Full Sexuel, qui traite de la vie amoureuse des adolescents).

Qu’est est-il de la transsexualité?

«Moi, j’ai toujours dit que la sexualité est plurielle. Il y a des identités sexuelles. C’est un peu comme l’orientation sexuelle. On a l’impression qu’il y a plus de bisexualité qu’avant, mais ce n’est pas vrai. Probablement qu’avant, il y avait plus de personnes qui inhibaient ces choses-là, comme il y avait beaucoup plus d’homosexuels qui inhibaient leur homosexualité en se mariant et en faisant semblant. Donc, est-ce que la transsexualité complexifie l’éducation sexuelle? Oui et non. Plus l’éventail est large, plus il y a de matière et de sensibilité qui doit être là pour expliquer ces choses-là.»

Comment les parents peuvent-ils s’impliquer pour bien accompagner leurs enfants dans l’éducation à la sexualité?

«Comme parent, si on veut que les adultes de demain soient sains et vivent une sexualité épanouie et consentie, il faut les aider le mieux possible. C’est là que ça se passe, entre 2 ou 3 ans et la puberté, c’est pendant cette période qu’on développe la fierté d’être un garçon ou une fille. L’éducation à la sexualité, c’est aussi de montrer l’égalité des sexes et la valeur d’être un garçon ou une fille. C’est beaucoup plus large qu’on pense. Ce n’est pas juste d’apprendre comment on fait les bébés ou de savoir comment se protéger à l’adolescence.»

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