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«Octobre 1995 – Tous les espoirs, tous les chagrins»: entrevue avec Jean-François Lisée

Souveraineté : la faille est toujours là, dit Lisée (VIDÉO)

QUÉBEC – Le Parti québécois doit être prêt pour la prochaine crise constitutionnelle s’il veut déclencher un troisième référendum sur la souveraineté du Québec, estime Jean-François Lisée.

Et ce futur affrontement Québec-Ottawa est inévitable, selon lui, puisque la province n’a toujours pas signé la constitution canadienne. «C’est comme de vivre sur la faille de San Andreas en Californie, dit l’ex-conseiller de Jacques Parizeau lors du référendum de 1995. Pendant quatre ans, tu fais autre chose, tu ne t’occupes pas de la faille, tu fais comme si elle n’était pas là. Et s’il n’y a pas eu de tremblement de terre pendant quatre ans, tu te dis ‘il n’y en aura pas pendant 100 ans’, mais la faille, elle est là.»

Le Parti québécois doit-il absolument attendre une confrontation avec le gouvernement fédéral pour déclencher un troisième référendum? «C’est préférable», croit celui qui a aussi été ministre dans le gouvernement Marois.

Le PQ de Pierre Karl Péladeau fait donc le pari de préparer le terrain, notamment à travers le futur institut de recherche sur l’indépendance, en attendant la prochaine crise. Le parti décidera de sa position référendaire avant l’élection de 2018, précise Jean-François Lisée.

Le député péquiste a accordé une série d’entrevues cette semaine pour faire la promotion de son nouveau livre Octobre 1995 – Tous les espoirs, tous les chagrins, qui sort en librairie mercredi.

Dans ce 15e ouvrage en 25 ans, Jean-François Lisée revisite les événements du mois d’octobre 1995 à la lumière des témoignages publiés depuis, tant par le camp du Non que celui du Oui.

Le mensonge de Chrétien

L’ex-conseiller de Parizeau y dénonce notamment «le grand mensonge» de Jean Chrétien lors de son discours télévisé à la nation quelques jours avant le scrutin. Le premier ministre canadien avait alors affirmé qu’une décision des Québécois en faveur de la souveraineté serait «irréversible».

Pourtant, les mémoires de Jean Chrétien et de ses proches collaborateurs démontrent que le gouvernement fédéral aurait tout de même contesté une victoire du Oui. «Monsieur Chrétien, dans son livre, dit ‘je pense que ça a fait la différence et que ça explique notre victoire’, cite Jean-François Lisée. C’est donc que, pour lui, le Canada a survécu grâce à un mensonge.»

Malgré tout, en prenant acte du résultat le soir du 30 octobre 1995, Jacques Parizeau, Jean Royer et Jean-François Lisée y ont vu une «avancée spectaculaire» en faveur de la souveraineté. «On est passé de 40% d’une question molle [NDLR : en 1980] à 50% pour une question plus claire», se souvient Lisée.

Comment expliquer alors que le parti n’a pas tenu de référendum depuis 20 ans, malgré la promesse de Jacques Parizeau de ne pas attendre «15 ans cette fois-là»?

«D’abord, le discours de monsieur Parizeau a fait une énorme diversion», affirme Jean-François Lisée, en référence à la déclaration sur «l’argent et le vote ethnique». «Plutôt que de parler de cette énorme volonté de changement exprimée par la moitié des Québécois et un certain nombre de gens du Non, qui aurait vraiment mis le Canada sur la défensive, son discours a mis le mouvement souverainiste sur la défensive», déplore-t-il.

Ensuite, Lucien Bouchard a n’a pas voulu déclencher un troisième référendum en 1996, malgré des sondages favorables pour la souveraineté, dit Jean-François Lisée. Le nouveau premier ministre souhaitait régler l’insécurité économique du Québec avant de convoquer à nouveau les Québécois. «Pour moi, c’est vraiment une chance historique qu’on a ratée en 1996», dit Jean-François Lisée.

«Ensuite, le momentum a été perdu», ajoute-t-il.

Trudeau, la prochaine crise?

Depuis, tant le gouvernement canadien que la population québécoise ont préféré enterrer le sujet. «On a vécu aussi ça entre 1980 et 1995, on a parlé d’autre chose, mais à un moment donné, le problème est revenu», dit Jean-François Lisée.

Sans faire de prédictions, l’auteur et député voit plusieurs possibilités d’affrontements avec le premier ministre désigné, Justin Trudeau. «Il y a un conflit de valeurs entre monsieur Trudeau et le Québec», estime-t-il. Celui-ci est encore plus «multiculturaliste» que son père, croit Lisée.

En campagne électorale, Justin Trudeau s’est dit fermement en faveur du droit des femmes musulmanes de porter le niqab lors de la cérémonie d’assermentation. «Il a dit que c’est le symbole du multiculralisme. Il n’a même pas dit qu’il avait un malaise avec ça, comme monsieur Mulcair», illustre le député péquiste, alors qu’une forte majorité de Québécois y était opposée.

Ainsi, la volonté du gouvernement Couillard d’interdire la prestation de services à visage couvert pourrait faire ressurgir des lignes de faille entre le Québec et le reste du Canada. «Il est possible que, si le Québec légifère là-dessus, le premier ministre du Canada dise ‘vous n’avez pas le droit de faire ça’», dit Lisée.

«Ça ne veut pas dire qu’on va devenir indépendants à cause de ça, ajoute Jean-François Lisée. Mais lorsqu’on dit que le Québec est différent du reste du Canada, c’est un des points sur lesquels la différence est très forte.»

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