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Policiers soupçonnés d'agressions sexuelles sur des autochtones: «Troublant et choquant», dit Lise Thériault

Autochtones agressées par des policiers: «choquant», dit Lise Thériault

Les dossiers de huit policiers de la Sûreté du Québec qui sont soupçonnés d'avoir agressé sexuellement des femmes autochtones dans la région de Val-d'Or sont sur le point d'être transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), a fait savoir jeudi le gouvernement Couillard.

Dans un reportage d'Enquête qui sera diffusé ce soir à ICI Radio-Canada Télé, plusieurs femmes autochtones prennent la parole et dénoncent publiquement le mépris et les abus dont elles auraient été victimes de la part d'agents de la SQ.

Pas moins de 14 dossiers ont été ouverts et transmis à la direction des normes professionnelles de la SQ, qui font maintenant l'objet d'une enquête qui pourrait entraîner des poursuites pénales et criminelles pour agressions sexuelles, abus de pouvoir et intimidation.

« L'enquête a été rapidement commencée par des personnes qui sont dans les corps policiers, mais indépendants du poste ou du territoire où les éléments ou les incidents se seraient produits », a commenté le premier ministre Philippe Couillard.

« Les enquêtes vont bientôt se conclure. Elles seront transmises à la Directrice des poursuites criminelles et pénales. Il y aura potentiellement des accusations au criminel de portées », a-t-il précisé lors de la période des questions à l'Assemblée nationale.

M. Couillard répondait à une question du chef de l'opposition, Pierre Karl Péladeau, qui estimait qu'une « enquête indépendante est la seule chose à faire pour rétablir la confiance du public » dans ce dossier.

« Le Bureau d'enquêtes indépendantes n'est pas encore en place, n'est pas encore fonctionnel », a répondu M. Couillard à ce sujet. « Je pense qu'on aurait été blâmés si on avait dit à cette Assemblée : "Bien, on va attendre que le bureau soit en place pour commencer l'enquête". »

Dans une entrevue accordée précédemment à Radio-Canada, la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, a expliqué que son cabinet avait été informé de la situation en mai dernier par la directrice générale du Centre d'amitié autochtone, Édith Cloutier. Une enquête a immédiatement été déclenchée, selon elle.

« Les gens de la SQ sont montés à au moins trois reprises à Val d'Or [...] pour aller poser des questions, pour aller entendre les victimes alléguées. Pour le reste, les enquêtes suivent leur cours, donc il faut attendre que les informations soient déposées au DPCP. »

« Quand on regarde un reportage comme ça, ça ne peut pas faire autrement que d'être troublant et choquant »

— Lise Thériault, ministre de la Sécurité publique du Québec

« C'est sûr qu'on ne peut pas se prévaloir du fait qu'on est un policier pour poser des actes comme ça, surtout que c'est des clientèles qui sont plus vulnérables », a encore dit Mme Thériault.

« Ce que je suis en mesure de confirmer, c'est ce que la porte-parole de la SQ a dit ce matin : c'est que les enquêtes sont pratiquement complétées, et que les dossiers sont sur le point d'être transmis au DPCP. »

« S'il doit y avoir des sanctions qui sont prises, ou des suspensions, ça sera pris par la direction [de la SQ], il est évident qu'on ne peut pas tolérer ça », a ajouté le ministre Thériault.

Avoir le courage de dénoncer

Mme Thériault salue par ailleurs le courage de Mme Cloutier, qui a accompagné les victimes dans ce processus. « On comprend que, quand c'est des femmes autochtones, il peut y avoir des barrières de langue. Ce n'est pas évident. Et je comprends aussi qu'une femme, potentielle victime qui aurait été agressée par la police, ne peut pas prendre le téléphone pour appeler la police, il y a un non-sens quelque part », a-t-elle observé.

« J'invite les autres femmes des communautés, si elles se sont senties agressées, ou qu'il y a pu y avoir des situations pénibles avec des policiers, de les dénoncer, parce que une, c'est une de trop »

— Lise Thériault, ministre de la Sécurité publique du Québec

Stéphanie Vallée, ministre de la Justice et ministre responsable de la Condition féminine, abonde dans le même sens. Elle soutient que Mme Cloutier a aussi informé son cabinet de la situation en mai. De telles agressions, si elles s'avèrent, sont « tout à fait inacceptables », dit-elle.

« On a laissé le soin aux organisations responsables des enquêtes de pouvoir les mener sans intervention politique. Mais c'est certain que cette information nous est transmise dans un complexe très particulier où, au ministère, on est à revoir le plan d'action du gouvernement en matière d'agression sexuelle », a-t-elle commenté.

« Les questions propres aux femmes autochtones font l'objet évidemment d'une analyse bien particulière, parce que, pour toutes sortes de raisons, qu'elles soient culturelles [ou autres] la dénonciation n'est pas nécessairement un élément qui se fait naturellement. On a tendance parfois, au sein des communautés, à ne pas parler de ces agressions, pour toutes sortes de raison. Il faut briser le silence », dit-elle.

« On doit soutenir les communautés autochtones, les femmes autochtones dans leur besoin de dénoncer des agressions [...]. Ce dossier-là soulève l'importance d'avoir des gens de confiance pour accompagner des victimes, des interprètes aussi pour accompagner des victimes, qui ne parlent pas toujours français, ne parlent pas toujours anglais, qui s'expriment en inuktitut, en algonquin ou dans d'autres langues », ajoute Mme Vallée.

La ministre de la Condition féminine rappelle que, dans certaines régions, les Centres d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC) collaborent avec les corps policiers pour accompagner les victimes. Elle soutient que les cas révélés par enquête mettent en lumière la nécessité d'accompagner encore davantage les femmes autochtones dans le cadre d'un tel processus.

« Le processus de plainte n'est pas facile. Et il n'est pas facile lorsque la personne se sent doublement stigmatisée : elle est femme, elle est autochtone et, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, on parle d'une femme qui, aussi, avait des problématiques toutes particulières. Tout ça peut emmener quelqu'un à ne pas parler, de peur de ne pas être pris au sérieux. »

— Stéphanie Vallée, ministre de la Condition féminine

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