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La plastisphère, cet écosystème qui menace les océans

Une menace pour les océans

Après 60 ans d'une consommation planétaire de produits à base de plastique, les océans du monde entier sont transformés en dépotoirs flottants. Si bien qu'un nouvel écosystème océanique fait son apparition.

Un texte de Michel Rochon

Il existe maintenant des « îles flottantes » à la surface de tous les océans. Les courants circulaires appelés « gyres océaniques » ont concentré les déchets de plastique dans le Pacifique Nord et Sud, dans l'Atlantique Nord et Sud, dans l'océan Indien, et même la Méditerranée, une mer intérieure, en est recouverte.

Le reportage de Michel Rochon et Chantal Théorêt est présenté à l'émission Découverte le dimanche 18 octobre, à 18 h 30, sur ICI Radio-Canada Télé.

Au total, on évalue que les 192 territoires dont les frontières touchent les océans déversent environ 10 millions de tonnes de matières plastiques par année.

« C'est devenu un phénomène océanographique planétaire qui nous force maintenant à agir », affirme Kara Lavander Law, océanographe à l'école d'océanographie Sea Education Association, à Woods Hole, aux États-Unis.

Cette océanographe étudie depuis de nombreuses années la gyre de l'Atlantique Nord. Elle constate que les plastiques des gyres sont composés à 90 % de tout petits fragments. Sous l'action des rayons ultraviolets, de la chimie des eaux salées et des microorganismes, de gros objets comme des téléphones ou des bouteilles se décomposent graduellement et forment une soupe de « microplastiques ».

Le plastique océanique colonisé

« La nouvelle, c'est que nous découvrons que ces gyres de plastique ont un impact direct sur l'écosystème des océans », soutient Linda Amaral Zettler, biologiste au Marine Biological Laboratory de Woods Hole. Elle et son conjoint, le biologiste Érik Zettler, découvrent que toute une faune de microorganismes vivent directement sur le plastique et s'en nourrissent : des algues diatomées et des bactéries de toutes sortes.

La bactérie qui inquiète le plus le couple de chercheurs est le Vibrio. Elle fait partie d'une classe de bactéries dont la plus connue est celle qui cause le choléra chez l'humain. Celle que l'on retrouve sur le plastique océanique s'attaque au système digestif des poissons.

Le Vibrio est déjà présent dans l'océan. Ce que constatent les chercheurs, c'est que la bactérie a le potentiel de se reproduire en grande quantité dans les gyres.

« Trente minutes après son arrivée dans l'océan, un plastique est colonisé. S'il flotte dans une aquaculture, il a le potentiel de la contaminer. »

— Eric Zettler

Les derniers travaux du chercheur espagnol Andres Cozar confirment que la Méditerranée est maintenant recouverte de déchets de plastique. Il n'y a pas de gyre dans cette mer intérieure. Les plastiques se dégradent sur place lentement.

L'inquiétude est de savoir jusqu'où la contamination du plastique se rend dans la chaîne alimentaire.

« On est déjà exposés au plastique dans notre alimentation et notre environnement. Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact du plastique océanique sur notre santé. »

— Érik Zettler, biologiste

Les solutions

Deux pistes sont envisagées pour tenter de remédier à cette situation. La première est de ramasser ces déchets sur place. Par le passé, plusieurs ont déjà proposé des projets, mais la complexité de la tâche rend leur faisabilité quasiment impossible.

Actuellement, un projet fait beaucoup parler de lui : l'« Ocean Cleanup Projet », du jeune Néerlandais Boyan Slat. Lors d'un désormais célèbre TED Talk, le jeune homme, qui avait 19 ans à l'époque, affirmait avoir la solution : arrimer au fond marin une immense barrière de plusieurs centaines de kilomètres qui amasserait passivement tout le plastique d'un gyre. Il y travaille activement avec l'aide de chercheurs intéressés par l'idée.

Mais beaucoup d'océanographes et de biologistes qui connaissent bien l'état des lieux jugent le projet irréaliste.

« C'est une idée intéressante, mais on risque de faire plus de mal que de bien. Il ne parviendra pas à ramasser uniquement du plastique. Sa barrière risque d'endommager tous les organismes de surface, y compris le plancton. On ne veut certainement pas endommager cela. »

— Erik Zettler

L'autre solution est de réduire l'apport de plastique océanique à la source. À Baltimore, l'inventeur John Kellett a construit une plateforme flottante à l'embouchure du fleuve Jones Fall, la « Baltimore Water Wheel ». Cette roue à aubes très esthétique fonctionne aux énergies solaire et hydraulique. Elle actionne un convoyeur qui amasse jusqu'à 20 tonnes de plastique par jour, des bouteilles de plastiques et des contenants et objets de toutes sortes.

« Après un an, mon projet intéresse déjà une quarantaine de pays. Mais je ne vois pas mon invention comme la solution au problème. C'est d'abord et avant tout un problème d'éducation et de gestion des déchets. C'est ça la solution », affirme John Kellett.

Selon les évaluations de Kara Lavender Law, la quantité de déchets de plastique devrait décupler d'ici 10 ans. Les principaux contributeurs sont les pays en émergence, notamment la Chine, l'Indonésie, l'Inde et le Brésil.

Pour freiner cette pollution, de meilleurs systèmes et réseaux de gestion de déchets devront être mis en place. Notre dépendance aux plastiques ne cesse de croître. Les déchets qui se retrouvent au centre des océans sont le résultat de négligences à la fois individuelle et collective.

« La raison pour laquelle nous avons du plastique dans les océans, c'est que ce produit est bon marché, facile à produire et jetable. La prochaine fois que vous utiliserez une cuillère en plastique, dites-vous : "ai-je besoin de cette cuillère ou devrais-je utiliser une véritable cuillère et la laver?" », note la biologiste Linda Amaral Zettler, qui reste optimiste que nous pouvons tous collectivement changer nos comportements et mettre fin à cette forme de pollution.

Les plastiques océaniques qui sont déjà là et qui forment la plastisphère poursuivront leur lente dégradation et s'intégreront inévitablement dans l'écosystème de nos océans.

Les microbilles de plastique

Une des formes les plus insidieuses de pollution par le plastique demeure les microbilles. On les retrouve dans des dizaines de produits d'hygiène corporelle, dont certaines pâtes dentifrice, shampoings et crèmes exfoliantes. Un seul tube d'exfoliant peut en contenir jusqu'à 330 000.

Ce sont des billes de polyéthylène ou de polypropylène de moins d'un tiers de millimètre qui passent outre nos systèmes de traitement des eaux usées. Dans l'écosystème, elles deviennent une source alimentaire pour le zooplancton et les poissons.

Jusqu'à présent, aucun pays n'a de loi pour les interdire. Au Canada, un projet de loi fédérale est à l'étude. Récemment, certains des plus importants manufacturiers ont affirmé qu'ils retireront graduellement ces billes de leurs produits pour les remplacer par les noyaux de fruits biodégradables ou du sable.

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