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«Tabous et interdits» à TV5 : à chaque pays sa controverse

«Tabous et interdits» à TV5 : à chaque pays sa controverse (VIDÉO/PHOTOS)

Violence et commerce de drogue au Mexique. Port des armes à feu et thérapies de conversion des homosexuels au Texas. Polygamie au Sénégal. Poèmes anciens dicteurs de conduite, journalistes muselés, interdiction des jeux d’argent et combats de coqs au Cambodge. Conservatisme extrême, femmes à la sexualité inhibée et prohibition de l’alcool en Algérie.

Tabous et interdits, nouveauté de TV5, nous emmène dans différents coins du globe pour décortiquer ces lois, mœurs et coutumes controversées qui, d’un œil extérieur, peuvent sembler désuètes, choquantes ou cocasses, et donne la parole à ces êtres qui les honorent ou les transgressent, et nous offrent ainsi accès à une portion de leur réalité. Choc des valeurs en vue.

Outre les destinations citées plus haut, le Japon, Madagascar, l’Allemagne, l’Afrique du Sud et la Suède figurent à l’itinéraire de Tabous et interdits.

Le cinéaste Christian Laurence (Le journal d’Aurélie Laflamme, Et si?, le Bye Bye, et fondateur du mouvement Kino) anime et coréalise cette série documentaire de dix épisodes d’une heure, qui sera en ondes le mardi, à 21h, dès le 13 octobre. Grand voyageur, Laurence a récemment visité son 40e pays, l’Islande, pour célébrer ses 40 ans.

«En tant que réalisateur, j’ai surtout fait de la fiction et, depuis deux ans, du documentaire, relate le créateur. C’était un match parfait pour moi. J’étais content, pour une première animation, d’avoir autant de contenu à me mettre sous la dent. Je n’aurais pas fait une émission de télé sur n’importe quel sujet. Je n’aurais pas fait n’importe quelle série de tourisme, même si j’adore voyager. Tabous et interdits m’a permis de marier deux passions, les voyages et l’être humain, et c’était un prétexte extraordinaire pour entrer chez les gens et dans leur mode de vie.»

Orienter le tir

Un tournage comme celui de Tabous et interdits s’avère toujours rempli de surprises et d’imprévus. Une costaude recherche, «phénoménale», avance Christian Laurence, avait bien sûr été accomplie par l’équipe de production avant de quitter le Québec, mais les troupes ont souvent dû s’ajuster une fois sur place, confrontées au «choc de la réalité». De nouveaux sujets s’imposaient alors, ou d’autres s’éliminaient d’eux-mêmes.

«On réalisait souvent que derrière chaque tabou, s’en cachait un autre, explique Christian Laurence. C’a été rare, mais c’est arrivé que notre recherche soit complètement invalidée. On constatait souvent qu’il y avait un gros clivage entre les capitales et le reste du pays, les régions plus rurales. C’est la même chose chez nous, d’ailleurs ; Montréal et les petites villes ne sont pas nécessairement dans le même mode de vie, la même modernité ou la même pluralité.»

«Au Japon, on voulait traiter de la difficulté, pour les femmes, d’accéder au marché du travail. À Tokyo, une métropole cosmopolite, les mentalités ont énormément évolué ; mais, là-bas, on nous disait : «Sortez de Tokyo, vous allez voir un tout autre portrait». On devait donc souvent réorienter le tir», illustre Christian Laurence, qui a aussi été étonné de remarquer les double standards de la Suède, un pays pourtant, en apparence, très semblable aux communautés nord-américaines, qui ne se démarque pas particulièrement par son exotisme, mais où règnent des tensions cachées. L’Afrique du Sud l’a aussi un peu dérouté.

«On arrive là un peu bercés par l’image romantique de Mandela, qui est venu et qui a tout réglé. On croit qu’aujourd’hui, Noirs et Blancs y vivent tous ensemble, main dans la main, chantent et dansent dans les joyeux lendemains de cette nation arc-en-ciel. Or, on réalise que, même si l’Afrique du Sud n’est pas sur la sellette dans l’actualité, il y a encore énormément d’inégalités entre les Noirs et les Blancs. Un écart économique se creuse de plus en plus.»

Deux directeurs photos, un preneur de son et une assistante accompagnaient Christian Laurence dans ce périple autour du monde. La présence d’une femme était essentielle pour tisser certaines approches, comme aborder les femmes en Algérie. Christian Laurence admet en outre qu’il leur fallait parfois, ses collègues et lui, être extrêmement discrets pour parvenir à leurs fins et recueillir des confidences.

«À certains endroits, les gens avaient envie de parler. Au Mexique, plusieurs femmes avaient envie de dénoncer la violence envers elles, envie de se servir de l’émission comme plateforme pour faire entendre leur voix. En revanche, dans des pays comme l’Algérie, on n’utilisait même pas le vrai nom de l’émission. On disait que notre projet s’intitulait Traditions. On se cachait, parce qu’on n’aurait pas eu de permissions pour aborder des thématiques comme la sexualité chez les jeunes, la consommation d’alcool et les questions délicates autour de la mémoire, la guerre civile et les disparus.»

Et le Québec?

Et le Québec, dans tout ça? Dans notre société qu’on croit totalement et complètement ouverte et égalitaire, existe-t-il des tabous qui seraient intéressants à étudier dans un cadre comme Tabous et interdits? Christian Laurence est convaincu que oui.

«Je fantasme un peu de faire, non pas une série entière, mais un épisode sur le Québec, s’enflamme Christian Laurence. Bien qu’on se considère très ouverts et tolérants, il y a encore des tabous, chez nous. L’argent, par exemple. C’est encore perçu comme étant louche, d’être riche, au Québec. Ou encore, les femmes qui refusent d’avoir des enfants, ou parler de politique en famille. On a encore des tabous profondément ancrés, dissimulés sous une peur du conflit. On n’aime pas la chicane, chez nous. Ma grande mère disait : «Accordez-vous donc, c’est donc beau, l’accordéon». On préfère ne pas faire de vagues.»

Christian Laurence espère que les téléspectateurs détiendront suffisamment de matériel, en visionnant Tabous et interdits, pour réfléchir et se forger une opinion nuancée devant les dits tabous et interdits dont il est question dans l’émission.

«Mon objectif était d’arriver dans un pays avec l’esprit ouvert, de toujours prendre ça avec humilité et le moins d’a priori possible, sans le moindre jugement de valeur, expose-t-il. Par exemple, je suis totalement contre le port des armes à feu, mais au Texas, j’ai rencontré des gens qui ont une logique défendable derrière leur désir de porter des armes à feu. Des gens responsables, extrêmement sympathiques, à la limite très convaincants. Je m’attendais à tomber sur des cow-boys un peu fous, mais ce sont en fait des gens qui veulent se protéger eux-mêmes et protéger leur famille, qui sont inquiets. J’ai été obligé de mettre un peu d’eau dans mon vin. La réalité n’est jamais toute noire ou toute blanche. Je souhaite que le public voie les deux revers de la médaille pour, ensuite, se faire une opinion. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’un tabou si ce n’est qu’une façon de garder une société en équilibre…»

Christian Laurence attend présentement le feu vert de TV5 pour enclencher le tournage d’une deuxième saison de Tabous et interdits. L’Islande, l’Alberta et certains pays d’Amérique du Sud, comme le Chili et l’Argentine, figurent à ses plans si ce second volet se concrétise.

Tabous et interdits est une production d’Anémone films. Dès ce mardi, 13 octobre, à 21h, à TV5.

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