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Déversement géant d'égouts: des scientifiques contredisent les autorités

Déversement géant d'égouts: des scientifiques inquiets
St-Lawrence River (Québec, Canada) - vue d'avion
abdallahh/Flickr
St-Lawrence River (Québec, Canada) - vue d'avion

L'intention de Montréal de déverser 8 milliards de litres d'eaux usées directement dans le fleuve Saint-Laurent a provoqué un tollé et contraint la Ville à réexaminer sa décision. Les autorités avaient jusqu'ici adopté un ton rassurant dans ce dossier, avançant que grâce au débit du fleuve, les eaux usées seraient rapidement diluées. Mais les spécialistes de la question, eux, n'en sont pas plus rassurés.

Un texte de Thomas Gerbet

Que se passe-t-il quand des polluants du réseau d'égout sont déversés massivement dans un cours d'eau? C'est justement à cette question que s'intéresse l'ingénieure civile et doctorante de Polytechnique Isabelle Jallifier-Verne.

Les conclusions de sa thèse indiquent que le fort débit du fleuve pourrait avoir des conséquences plus néfastes que positives. « Un débit fort transporte les rejets plus rapidement ». Les matières contenues dans les eaux usées pourraient se retrouver sur les berges, là où se concentre la faune, mais aussi les activités de loisirs.

« L'impact que ça aura sur les berges dépendra des points de rejet », souligne-t-elle. Une trentaine de points de rejets ont été identifiés par la Ville de Montréal entre LaSalle et Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

Le déversement des égouts aura un débit de 13 mètres cubes par seconde pendant sept jours contre environ 7000 mètres cubes par seconde pour le fleuve.

Isabelle Jallifer-Verne s'interroge aussi concernant les prises d'eau potable des municipalités. « Ça dépendra des courants », explique-t-elle. « On peut avoir un panache qui atteindrait des berges en rive sud ou plus loin ».

Quelques déclarations rassurantes des autorités

Même si la Ville de Montréal a décidé de prendre un ou deux jours pour réévaluer sa décision, les représentants de la municipalité et du gouvernement se font rassurants dans les médias.

« On parle de conséquences minimes. Ce sont des impacts jugés acceptables. [...] Il n'y aura aucun impact en termes d'approvisionnement d'eau. »

— David Heurtel, ministre de l'Environnement

« En termes d'impact écologique, ce ne sera pas aussi terrible qu'on peut le percevoir. »

— Chantal Rouleau, responsable du dossier de l'eau au comité exécutif de la Ville de Montréal

« Le fleuve a une capacité de dilution importante, avec un débit de 6000 à 7000 mètres cubes par seconde. Ce n'est pas une préoccupation majeure pour l'environnement. »

— Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville de Montréal

Le spécialiste en procédés de traitement des eaux, des eaux usées et des effluents industriels au Centre des technologies de l'eau de Montréal, Abdelaziz Gherrou, se questionne lui aussi à la suite des propos rassurants des autorités : « Pourquoi avoir mis en place les stations d'épuration si le fleuve pouvait tout diluer? C'est bien parce qu'il y a un impact ».

« C'est vrai que le débit énorme au niveau du fleuve va atténuer un peu cet impact, mais ça reste que sur une durée d'une semaine, certains contaminants auront le temps nécessaire pour influer sur la faune et la flore », dit-il.

« Une augmentation considérable de la concentration en coliformes, malgré le facteur de dilution du fleuve, et la présence de nutriments en quantités suffisantes, tels que du phosphore, de l'azote et de la matière organique va faire que le taux d'oxygène va diminuer au niveau notamment des endroits contenant de l'eau où l'écoulement est lent. », ajoute-t-il.

Abdelaziz Gherrou explique que « les eaux usées municipales contiennent divers contaminants chimiques et microbiologiques qui proviennent soit des activités humaines ou industrielles. Ces contaminants ont des impacts environnementaux différents les uns des autres et c'est pour cela que d'ailleurs la réglementation a été mise en place justement pour réduire considérablement cet impact. »

Le Comité ZIP [zone d'intervention prioritaire] du lac Saint-Pierre a lui aussi des doutes concernant le ton rassurant des autorités.

Des solutions?

« Il existe des solutions, mais il faudrait investir des millions », indique Isabelle Jallifer-Verne. Projet Montréal évoquait hier l'idée de mettre en place une usine de traitement temporaire ou d'effectuer une rétention ou un pompage de ces milliards de litres d'eau. Dans tous les cas, ces mesures coûteraient très cher.

La vallée du Saint-Laurent en hiver

Le fleuve Saint-Laurent en images

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