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Des agriculteurs sortent de leur champ pour protéger la gestion de l'offre

Des agriculteurs sortent de leur champ pour protéger la gestion de l'offre

Des dizaines d'agriculteurs du Québec et de l'Ontario se sont rassemblés mardi midi devant le Parlement canadien pour réclamer le maintien du système de gestion de l'offre, qui encadre la production de lait, d'œufs et de volailles au pays depuis 1970. Ils craignent que les négociations entourant la conclusion du Partenariat transpacifique (TPT) qui se déroulent en ce moment à Atlanta ne créent une brèche dans ce système.

Partis du Québec et de l'Ontario au petit matin, ces producteurs de lait, d'oeufs et de volailles sont arrivés dans la capitale fédérale en fin d'avant-midi à bord de tracteurs. Après avoir sillonné les rues d'Ottawa, les tracteurs se sont stationnés sur la rue Wellington, qui a été fermée pour l'occasion. Ils se sont ensuite regroupés devant le Parlement, pour se faire entendre. Du bétail a aussi été emmené sur les lieux.

La manifestation s'est terminée vers 14 h.

Les agriculteurs ont expliqué qu'ils voulaient envoyer un message clair au gouvernement Harper, qui dirige les négociations pour le Canada, malgré le fait que les élections soient en cours. Selon des rumeurs persistantes, Ottawa pourrait ouvrir jusqu'à 10 % de son marché agricole à une dizaine de pays - dont les États-Unis, le Mexique, le Chili, le Pérou, le Vietnam, l'Australie et la Nouvelle-Zélande - ce qui suscite de multiples inquiétudes.

« C'est le dernier cri du cœur qu'on lance. Nous, dans le fond, ce qu'on cherche à avoir, c'est l'appui de la population », a expliqué un producteur laitier de la Montérégie, Frédérik Amesse. Selon lui, le premier ministre Harper ne répond pas clairement aux inquiétudes des agriculteurs lorsqu'il dit qu'il défend le système de gestion de l'offre dans les négociations du PTP.

« C'est l'intégralité de la gestion de l'offre qu'on veut vraiment conserver ici au Canada, pour nos emplois, nos familles, notre industrie », a-t-il plaidé. « On le sait qu'on ne sera pas capable de compétitionner contre des géants américains, des fermes de 30 000 vaches. Nous on veut garder un modèle familial [...] sur l'ensemble du territoire du Canada. S'il y a seulement quelque pour cent [de production étrangère] qui rentrait, exemple 2 %, ce serait la fin des petites fermes familiales au Canada. »

« On veut absolument conserver à 100 %, intégralement, le système de gestion de l'offre. »

— Frédérik Amesse, producteur laitier québécois

D'autres agriculteurs de l'est ontarien rencontrés par Radio-Canada plus tôt dans la journée abondaient dans le même sens. « On veut démontrer à M. Harper qu'on ne veut pas faire de concessions. On ne veut pas de lait américain au Canada », a expliqué Philippe Etter. « S'il y avait du lait qui rentrait d'autres pays, ça affecterait définitivement notre prix. »

« [Les producteurs de lait américains] sont sur le prix international; nous, on a la gestion de l'offre, qui nous garantit un prix stable. [...]10 %, c'est 10 % de notre revenu aussi », a lancé un autre agriculteur, Bruno Saint-Pierre.

Des candidats du Nouveau Parti démocratique et du Parti libéral ont discuté avec les agriculteurs. Le candidat libéral dans Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, a notamment fait valoir que le bilan du gouvernement Harper est mauvais en terme de contrôle des importations, qui constitue l'un des piliers du système de gestion de l'offre. Il en tient pour preuve que le gouvernement a accepté que les importations de fromages soient doublées dans l'accord de libre-échange avec l'Union européenne.

Paradis veut des informations « de première main »

Pendant ce temps, les ministres de l'Agriculture du Québec et de l'Ontario, Pierre Paradis et Jeff Leal, se rendent à Atlanta pour suivre les discussions de près. Le ministre de l'Économie du Québec, Jacques Daoust, et des représentants de la filière agroalimentaire québécoise sont aussi sur place.

Entouré du ministre Paradis et des porte-parole de la Coop fédérée et d'Agropur, le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, a affirmé lundi qu'ouvrir le marché à 10 % de produits étrangers entraînerait une diminution importante de la production québécoise et une réduction proportionnelle de ses activités de transformation. Cette possibilité, dit-il, est « inacceptable et non viable ».

Selon M. Groleau, la gestion de l'offre est essentielle à la bonne santé du milieu agricole canadien, et particulièrement québécois : près de 45 % des produits laitiers consommés au Canada sont produits au Québec, a-t-il dit, et 43 % des revenus agricoles québécois dépendent de la gestion de l'offre.

Le ministre Pierre Paradis a expliqué de son côté qu'il se rend à Atlanta pour vérifier les informations qui circulent « de première main ». Selon lui, « le gouvernement canadien subit des pressions énormes et a besoin de l'appui de tous les intervenants » dans ce dossier. Il exhorte Ottawa à ne pas céder à ces pressions.

Au ministère de l'Agriculture, on indique que M. Paradis entend rester à Atlanta jusqu'à la fin des négociations, qui pourraient se terminer mercredi ou jeudi.

La promesse d'une défense, mais pas de garantie

Lors d'un débat des chefs tenu lundi soir, le premier ministre Stephen Harper a tenté de se faire rassurant, lorsqu'il était pressé de questions sur le sujet par chef néo-démocrate Thomas Mulcair. « Nous avons toujours [défendu] le système de gestion de l'offre et nous continuons dans ces négociations », a affirmé le chef conservateur.

« Nous défendons aussi les agriculteurs s'ils sont hors de ce système et nous défendons les intérêts de tous les secteurs », a-t-il ajouté.

« Notre engagement est de conclure un accord qui est dans l'intérêt supérieur de toute l'économie canadienne. »

— Stephen Harper, premier ministre du Canada

Dans un communiqué publié lundi soir, le ministre d'État à l'Agriculture Maxime Bernier a aussi assuré que le gouvernement « demeure déterminé à continuer de défendre le système de gestion de l'offre », sans offrir de garantie pour autant. Il a toutefois rappelé que son gouvernement n'a encore jamais cédé à ce sujet.

M. Bernier précise que son gouvernement négocie « un accord ambitieux qui favorisera à la fois les exportations et les producteurs soumis à la gestion de l'offre ». Le TPT, fait-il valoir, donnera aux agriculteurs d'ici un accès préférentiel à « un marché combiné de 11 pays et de près de 800 millions de gens avides de produits canadiens. »

Cette perspective ne semblait guère rassurante aux yeux d'un groupe d'agriculteurs qui a confronté lundi le lieutenant politique de Stephen Harper au Québec, Denis Lebel.

Pressé de questions, ce dernier a refusé de garantir que le système de gestion de l'offre sera maintenu. « Si je vous promets quelque chose que je ne peux pas vous livrer, après, vous allez me dire quoi ? », leur a-t-il lancé.

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