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On ne badine pas avec le théâtre grâce à Claude Poissant (ENTREVUE/VIDÉO)

On ne badine pas avec le théâtre grâce à Claude Poissant (ENTREVUE/VIDÉO)

Peu importe qu’il soit question de son amour pour l’écriture romantique de Musset, de la distribution des grands occasions qu’il a réunie dans On ne badine pas avec l’amour, de la direction qu’il veut donner au Théâtre Denise-Pelletier ou de la place de la culture dans la société, Claude Poissant le fait avec une verve et une passion qui ne faiblissent pas avec les années.

Alors qu’il livre sa première programmation à titre de tête dirigeante artistique du théâtre de la Sainte-Catherine Est, Claude Poissant clame plus que jamais l’importance du théâtre dans la société. « Je rêve du jour où les gens vont comprendre que la culture est la locomotive d’un peuple. Pas juste dans une optique de reconnaissance artistique ou d’une recherche de chef d’œuvres à tout prix. Ça prend des essais de toutes sortes pour ouvrir le chemin à quelqu’un d’autre. J’aimerais que le public ait le goût de voir des choses qu’il ne connait pas. Je crois que la découverte et le fait de ne pas être en position d’être rassuré nous permettent d’être plus sensibles et de meilleurs humains. »

Quand il a hérité du poste occupé par Pierre Rousseau pendant près de 20 ans, Poissant s’est mis à rêver. « J’ai fait une liste de 200 œuvres que j’aimerais voir chez Denise-Pelletier et des gens avec qui je voulais travailler. J’ai aussi reçu beaucoup de propositions! ».

Il a toutefois compris très rapidement que les éléments à considérer étaient nombreux. D’abord, la réputation de théâtre pour ados de l’institution. « On commençait à être catalogué ainsi, c’est vrai. Parce que notre mission première était de donner aux jeunes un accès au théâtre et que nous étions les seuls à faire des matinées scolaires à nos débuts. Mais aujourd’hui, tout le monde en fait. De toute façon, je suis convaincu qu’on peut présenter aux ados ce qu’on présente aux adultes, et vice-versa. J’ai la volonté de rassembler tout le monde, sans censurer ni adoucir pour les jeunes. »

Le poids de l’histoire

Il ne peut ignorer l’histoire de l’institution pour autant. « Je suis passé de la compagnie du Théâtre Pàp, que j’ai construite au jour le jour et qui aura toujours un peu de ma couleur après mon départ, à un théâtre qui a ses fondations depuis 40 ans, avec un passé que je n’ai pas fait. Durant ma première année, j’ai été assez vif pour comprendre l’essentiel, savoir où je pouvais bouger des choses rapidement et quels étaient les combats que je voulais mener. Même si je voulais mettre la direction artistique à ma main, je ne pourrais pas faire abstraction de la mission du théâtre et du quartier excentré où il se trouve (Hochelaga-Maisonneuve). »

Conscient du contexte financier périlleux dans lequel tous les théâtres évoluent, il doit également considérer les différents intervenants ayant un pouvoir de succès ou d’échec sur ses productions: le grand public, les profs du secondaire et ceux du cégep. « Mais si j’essaie de faire la liste des œuvres qui peuvent plaire à tous ces gens, il doit y avoir deux pièces dans toute l’histoire du monde. Je ne peux pas tenter de satisfaire le bon, la brute et le truand, sinon je ne ferai rien de ce que je veux. »

Sa première saison est donc un heureux mélange de classiques et de création, d’œuvres québécoises et étrangères : le méga succès de 2011, Münchaussen, les machineries de l’imaginaire, l’adaptation du roman multiprimé L’Orangeraie de Larry Tremblay, une œuvre de Simone Chartrand et Philippe Soldevilla sur la jeunesse, l’art la dissidence, Le miel est plus doux que le sang, ainsi que la première pièce de la saison, On ne badine pas avec l’amour.

L’amour au temps des romantiques

Une œuvre dont il assurera la mise en scène lui-même, lui qui a déjà monté deux autres textes de Musset: Lorenzaccio (TDP) et Les Caprices de Marianne (Trident). « J’ai une espèce de passion pour les classiques romantiques comme Hugo, Marivaux et Musset. Au-delà du propos, l’écriture de Musset a quelque chose de fluide, une espèce de souffle dans l’utilisation des mots, de la ponctuation et du phrasé que je trouve fascinant. En plus, il sait de quoi il parle quand il écrit sur l’amour. Sa fibre romantique est telle qu’on est prêt à traverser le monde avec un étendard de nos idéaux amoureux, politiques et sensitifs. »

Écrite alors qu’il avait 24 ans, On ne badine pas avec l’amour révèle la disparition de l’innocence de Perdican et de Camille, incapables de libérer leurs sentiments, après dix ans de séparation. Autour d’eux, hommes et femmes creusent le fossé qui les sépare, alors que Perdican décide de rendre jalouse Camille en séduisant Rosette, sans réaliser tout le pouvoir de ses réels sentiments.

« Ils vivent un drame épouvantable, mais le public en rit, tant ils se compliquent la vie. Néanmoins, il y a une réelle douleur et un drame dans l’écriture de Musset qui peut nous mener au cynisme amoureux. Comme si l’orgueil finissait par être la faiblesse de tous, et que dès qu’on s’ouvre à la joie et au malheur, on choisit le malheur en accusant l’autre et en regrettant très vite. Camille et Perdican construisent tout pour que ça ne fonctionne jamais et leur amour réel finit par n’exister que dans son impossibilité. »

L’impossibilité amoureuse n’a pas d’âge

Symbole de l’intemporalité de ces comportements anti-amoureux, la pièce n’est ni tout à fait moderne, ni tout à fait historique. « Nous n’avons pas choisi des costumes d’époque, mais avec des lignes d’époque. La musique est composée d’œuvres d’Haendel et des bruits contemporains. Je mélange beaucoup les genres. J’aime ce siècle romantique et cette manière d’être dissident, mais Musset existe aussi en 2015. On conserve son souffle classique et son phrasé d’époque, mais j’essaie de prendre cet univers en allant vers les acteurs, avec leur manière très actuelle de jouer. »

Dans un décor aux allures de fable évoluera une brochette d’acteurs de renom, dont Christiane Pasquier, Rachel Gratton, Henri Chassé et le duo au cœur de cet amour hors de portée : Francis Ducharme et Alice Pascual. « La première fois que j’ai vu Francis jouer, il faisait du Musset à la fin de son école de théâtre. Je trouvais qu’il avait un charisme énorme et qu’il était tel investissement! Nous avons passé ensemble des auditions pour trouver la fille. Et dès qu’Alice est sortie de la salle, on a couru après elle pour lui dire que le rôle lui revenait. Il y a une communication et une étrangeté entre eux. Ils se tiennent tête. Ils ont une façon différente de dire le texte et ça me plaît. »

La pièce On ne badine pas avec l’amour sera présentée au Théâtre Denise-Pelletier du 30 septembre au 24 octobre 2015. Cliquez ici pour plus de détails.

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