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Élections fédérales 2015: Jeunes, sans emploi et en marge du débat politique

Jeunes, sans emploi et en marge du débat politique
Black has managed to rise out of the hands of a very hands on red background.
sanlas via Getty Images
Black has managed to rise out of the hands of a very hands on red background.

« C'est frustrant, fatigant et décourageant. Je veux travailler, je fais tous les efforts nécessaires, mais ça ne mène à rien. » Le regard de Greg Geddis-Proulx, 20 ans, se perd dans le vide pendant un moment. Il pense à son loyer à payer, à son épicerie. Son visage et ses yeux rougissent. Mais il reprend le dessus. « C'est vraiment difficile, mais c'est pour ça que je suis ici. »

Un texte de Christian Noël

Greg fait un stage dans un centre de recyclage de London. Toute la journée, il trie les canettes d'aluminium, les bouteilles de plastique et les boîtes de carton.

« J'apprends beaucoup de choses, explique Cole Howard, un autre stagiaire de 19 ans. Comment organiser ma journée de travail, être autonome, la capacité à résoudre des problèmes. C'est le genre de choses que je peux mettre sur mon CV, pour montrer que j'ai de l'expérience. »

Mais la chasse à l'emploi n'est pas facile, surtout pour les jeunes de 15 à 24 ans. Le taux de chômage pour cette tranche d'âge est deux fois plus élevé que dans la population en général.

« Les bons emplois sont déjà pourvus, et il n'y a pas beaucoup de nouvelles ouvertures pour un gars comme moi, renchérit Spencer Smith, un autre stagiaire. Il faut de l'expérience, mais comment je peux gagner de l'expérience si personne ne me donne du travail? Pendant ce temps, les prix augmentent, mais pas les salaires. C'est dur de joindre les deux bouts, et encore plus de penser à mon avenir. »

Le centre de recyclage est géré par Youth Opportunity Unlimited, un organisme sans but lucratif qui offre de la formation aux jeunes, afin de les aider à faire une percée sur le marché du travail.

« Beaucoup d'entreprises de la région ont fermé leurs portes depuis la récession, explique Rhonda Wardrop, la coordonnatrice du centre. Mille emplois perdus chez Kellogg's, 1200 chez General Dynamics, 500 chez Caterpillar. »

D'autres entreprises sont venues s'installer à London, reconnaît Rhonda. « Mais l'effet pervers, c'est que les travailleurs mis à pied, avec huit ans d'expérience, se battent maintenant pour les mêmes emplois. Les jeunes qui commencent n'ont aucune chance. »

Elle souhaite que les partis politiques s'engagent à investir dans la formation et l'emploi chez les jeunes, « parce qu'ils représentent l'avenir du Canada ».

Les promesses des partis

Parti conservateur

Mettre en place diverses mesures qui permettraient de créer 1,3 million d'emplois au Canada en cinq ans (toutes tranches d'âge confondues, pas spécifiques aux 15-24 ans);

Accorder 14 millions de dollars sur deux ans à Futurpreneur Canada pour appuyer les jeunes entrepreneurs (budget de 2015).

Nouveau Parti démocratique

Aider 40 000 jeunes à obtenir un emploi, un stage rémunéré ou un poste en alternance travail-études, en partenariat avec l'industrie, les PME, les ONG et l'administration publique.

Parti libéral

Permettre la création de 40 000 emplois pour les jeunes chaque année, au cours des trois prochaines années, grâce à un nouvel investissement annuel de 300 millions de dollars dans la nouvelle Stratégie emploi jeunesse.

Les jeunes oubliés?

« Les politiciens ne se préoccupent pas de nous, ils font campagne comme si on n'existait pas », se plaint Skye, une étudiante en photographie au Collège Fanshawe de London. Quand on lui demande ce qu'elle aimerait entendre de la part des candidats, elle prend quelques secondes pour réfléchir.

« Je ne sais pas, répond-elle finalement, je n'ai pas suivi la campagne. C'est dur de s'intéresser à la politique quand on se sent exclu du débat. »

Élections Canada estime que les 3 millions d'électeurs dans cette tranche d'âge font partie des groupes les plus à risque de ne pas exercer leur droit de vote.

Cette année, Élections Canada a mis sur pied un projet pilote sur le campus d'une quarantaine d'universités, afin de permettre aux jeunes qui étudient à l'extérieur de voter dans leur circonscription d'origine.

L'objectif : augmenter le taux de participation des jeunes. Lors des dernières élections fédérales, en 2011, moins de 40 % des 18 à 24 ans sont allés voter.

« Ça engendre un cercle vicieux, croit Ethan, l'un des étudiants en photographie. Si on ne vote pas, les politiciens ne vont pas nous courtiser. Pourtant, au nombre d'étudiants qu'il y a au Canada, ça nous donnerait toute une force de frappe. »

Les jeunes de 18 à 24 ans représentent environ 10 % des électeurs canadiens.

Dans un café du centre-ville de London, Courtney, âgée de 24 ans, nettoie les tables après la fermeture. « Les politiciens peuvent promettre d'aider la classe moyenne, de stimuler l'économie et le secteur manufacturier, de créer plus d'emplois, mais ce n'est pas parce qu'ils le disent que ça va se produire. Donc, les jeunes deviennent cyniques. »

Au centre de recyclage, le stagiaire Spencer Smith, qui vient d'avoir 18 ans, pourra voter pour la première fois cette année. Va-t-il le faire? « Peut-être, je ne suis pas sûr. On verra. »

Il prend une grande respiration, puis il ajoute : « Mon grand-père me dit souvent que ma génération est paresseuse, qu'on ne pense qu'à faire la fête et qu'on espère tout recevoir sur un plateau d'argent. Il a peut-être raison. Si on se prenait plus en main en pensant à notre avenir, ça nous donnerait une meilleure image, et les politiciens n'auraient pas le choix de nous prendre au sérieux. »

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