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Des centres «de tri» pour migrants: seule solution ou fausse bonne idée?

Des centres «de tri» pour migrants: seule solution ou fausse bonne idée?

Tandis que l'accueil de milliers de réfugiés s'organise tant bien que mal en Europe, les ministres de l'Intérieur de l'UE se réunissent en urgence lundi 14 septembre à Bruxelles pour tenter de trouver des solutions communes à l'aggravation de la crise migratoire.

Parmi les pistes évoquées par Bernard Cazeneuve et ses homologues allemand et britannique figure notamment la mise en place de centres d'accueil en Italie et en Grèce afin de procéder au "tri" entre les demandeurs d'asile et les migrants illégaux destinés à être renvoyés dans leur pays d'origine. Des "hotspots" censés canaliser le flux de réfugiés aux portes de l'Europe mais qui n'apporteront toutefois pas de réponse au désastre humanitaire qui voit des milliers de candidats à l'exil tenter la périlleuse (et souvent mortelle) traversée de la Méditerranée.

Selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrants (OIM) publiés vendredi, plus de 430 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la mer depuis janvier et 2850 en sont morts ou sont portés disparus. La moitié de ceux qui sont arrivés sont des Syriens fuyant les bombardements du régime et les exactions des jihadistes, dans un pays où plus de la moitié de la population a dû quitter son foyer depuis le début du conflit en 2011.

C'est dans cet esprit que le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy, a proposé d'installer ces aires d'accueil non pas dans l'espace Schengen mais à sa périphérie (Turquie, Afrique du Nord...). Financés par l'UE, ces "centres de rétention" auraient vocation à instruire les demandes d'entrée en Europe en filtrant les demandeurs d'asile des immigrés économiques avant que les migrants n'entreprennent la traversée de la mer, nourrissant au passage les filières de passeurs.

"Instruire les situations personnelles après que la Méditerranée a été traversée expose l'Europe à des drames humains insupportables. En revanche, si elles sont instruites avant que la Méditerranée ne soit franchie, on protège l'intégrité physique de tous ces malheureux", assure Nicolas Sarkozy.

Samedi au Touquet, Nicolas Sarkozy a de nouveau plaidé pour "une nouvelle politique d'immigration européenne" et une "refondation de Schengen".

Hollande n'exclut pas des centres d'accueil au-delà de l'UE

Pour l'heure, l'UE n'a pas entamé de discussions avec ses voisins en vue d'ouvrir de tels centres d'accueil au-delà de ses frontières. Toutefois, lors de sa conférence de presse à l'Elysée, François Hollande l'a ouvertement envisagé. L'idée serait de compléter le dispositif européen en ouvrant des "centres d’accueil des réfugiés" dans leurs "pays d’origine ou de transit", que ce soit autour de la Syrie ou en Afrique.

Le premier avantage d'installer ces "hotspots" en dehors de l'Europe serait de prévenir les départs en pleine mer tout en soulageant les pays d'arrivée de la Méditerranée, comme la Grèce et l'Italie dont les capacités d'accueil sont totalement submergées par la pression migratoire. Nicolas Sarkozy estime aussi que ces centres, qu'il imagine fermés contrairement à François Hollande, permettraient d'endiguer l'immigration clandestine sur le territoire européen. "Les centres dont je propose la création sont le seul moyen de réguler le flux des migrants et d'empêcher les passeurs et les mafieux d'exploiter l'extrême misère humaine", plaide l'ancien chef de l'Etat.

Encore faut-il que les pays-relais, par lesquels transitent déjà les candidats à l'exil, acceptent de jouer le jeu au risque de fixer sur leur territoire le flot de migrants. Nicolas Sarkozy préconise pour cela l'organisation d'une conférence qui réunirait l'Union européenne et ses voisins méditerranéens "pour préparer un accord multilatéral sur l'immigration". De tels centres nécessiteront également la rédaction de règles migratoires communes à tous les pays européens ainsi que des moyens pour financer le retour des recalés du droit d'asile.

Preuve que l'installation et la mise en place de ces "hotspots" nécessitera quoiqu'il arrive du temps et de l'argent.

Une "externalisation" de la politique migratoire qui inquiète les ONG

L'autre défi sera d'organiser un accueil digne des réfugiés. Dans les pays de première arrivée, les ONG s'inquiètent déjà des conditions dans lesquelles les réfugiés sont reçus, voire retenus souvent contre leur volonté. Les conditions d'accueil dans les centres existants sont telles que certains candidats à l'exil font d'ores et déjà tout ce qui est en leur pouvoir pour les éviter. "Pouvez-vous nous garantir que ces centres ne seront pas des lieux de privation de liberté, des prisons aux portes de l’Europe ?", interrogent les associations alors que les images "inhumaines" d'un camp de migrants à la frontière serbo-hongroise ont heurté les consciences.

Les ONG redoutent aussi de voir l'Europe "sous-traiter" sa politique migratoire à des Etats voisins dont les méthodes ne sont pas toujours à la hauteur des exigences humanitaires de l'UE. "Nous constatons que, depuis des années, des politiques de coopération et d'aide au développement sont mises au service de l'externalisation des contrôles migratoires, entraînant parfois de graves conséquences en termes de droits humains des migrants. Nous sommes très alarmés par les travaux en cours dans le cadre du processus de Khartoum, où sont sous-traités, y compris à des régimes dictatoriaux, certains aspects de la politique migratoire de l'Union européenne", dénoncent-elles dans une lettre adressée à François Hollande.

Pour éviter de nouvelles tragédies en mer, les associations de défense des droits des migrants plaident à l'inverse pour que les pays de l'Union européenne facilitent l'immigration légale notamment pour les réfugiés déjà présents dans des pays tiers (Liban, Jordanie, Libye etc..). Pour couper l'herbe sous le pied des passeurs, les ONG préconisent la délivrance de visas et la suppression des visas de transit aéroportuaire ainsi qu'un renforcement du regroupement familial. Soit précisément l'inverse de ce que propose Nicolas Sarkozy.

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