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Carbone, marijuana et évasion fiscale: le plan du Parti vert est-il réaliste? L'épreuve des faits

Le plan du Parti vert est-il réaliste?

Le Parti vert (PV) a dévoilé mercredi son programme dans lequel il entend financer ses promesses. Le projet d'Elizabeth May est-il faisable?

Un texte de Denis-Martin Chabot

« Nous pouvons faire les grands changements dans l'économie et en même temps agir contre les gaz à effet de serre. » — Elizabeth May

Vérification faite : cela risque d'être compliqué. Anaylse en trois points.

1. LA TAXATION DU CARBONE

Le Parti vert veut entre autres éliminer certains crédits et baisses d'impôt du gouvernement sortant. Mais il compte aussi - et surtout - récolter 22 milliards de dollars en appliquant une redevance de 30 $ la tonne aux entreprises. Cette somme serait redistribuée aux Canadiens, un « dividende du carbone » évalué à environ 800 $ par adulte.

Le spécialiste des politiques énergétiques et professeur aux HEC, Pierre-Olivier Pineau, salue l'approche des verts. Il a toutefois quelques bémols.

Pour atteindre son objectif de 22 milliards, le Parti vert devrait taxer l'ensemble des activités qui génèrent des gaz à effet de serre au Canada, incluant celles issues de l'agriculture et des sites d'enfouissement de déchets.

Or, les verts affirment qu'ils n'ont pas l'intention de taxer ces deux secteurs, qui représentent à eux seuls 85 millions des 726 millions de tonnes d'émissions à effet produites en 2013 au pays.

Un autre problème serait d'harmoniser un éventuel marché pancanadien avec les marchés existants du Québec et de la Colombie-Britannique, afin d'éviter au dédoublement. Une tâche qui s'annonce compliquée, surtout que les entreprises pourraient tout simplement payer les redevances sans tenter de réduire leur consommation.

« On ne peut se fier qu'à cette taxe carbone pour atteindre les objectifs de réduction de GES pour 2020. Elle ne garantirait aucunement [l'objectif de] -20 % pour 2020. » — Pierre-Olivier Pineau

Le directeur principal d'Équiterre, Steven Guilbeault, croit lui aussi que tout ne serait pas gagné.

« Globalement, disons que les chiffres se tiennent, me semblent réalistes. [...] L'enjeu sera de convaincre, d'expliquer les avantages au milieu des affaires, qui y voient un frein à la compétitivité par rapport aux voisins comme les États-Unis », note-t-il.

2. LA LÉGALISATION ET LA TAXATION DE LA MARIJUANA

Les verts espèrent tirer des revenus substantiels du commerce légal de la marijuana : 5 milliards de dollars d'ici 5 ans.

Est-ce réaliste?

Vérification faite : la prévision des verts semble optimiste.

Le Colorado a été la première juridiction américaine à légaliser la marijuana en janvier 2014. En février de la même année, le gouverneur de l'État, John Hickenlooper, prévoyait des revenus de près de 116 millions $US pour l'année financière 2014-2015 en taxes de vente et taxe d'accise au taux combiné de 17,9 %. L'État a finalement récolté 55,2 millions $US.

Dans l'État de Washington, le commerce du cannabis a permis de récolter 77,8 millions $US en un an, soit 65 millions grâce à la taxe d'accise et 12,8 millions grâce à la taxe de vente de l'État. Depuis le 1er juillet 2015, le taux combiné est d'environ 44 %. La taxe d'accise à elle seule est de 37 %.

Les verts ont plutôt prévu de taxer le cannabis au taux combiné de la taxe d'accise et de la TPS de 26 %. Il faudrait alors un marché de 25 milliards $ pour atteindre 5 milliards de dollars en revenus de taxe.

Ils estiment que ces revenus seront moindres la première année, soit 2 milliards de dollars. C'est aussi ce que l'Institut Fraser avait prédit dans une étude datant de 2004.

3. LA LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE

Les verts estiment pouvoir récupérer 3 milliards de dollars dans les paradis fiscaux.

Vérification faite : plus vite dit que fait.

Dans son dernier rapport annuel, l'Agence des revenus du Canada affirme qu'entre 2009 et 2014, elle a dégagé 8,4 milliards en impôts impayés grâce à ses activités de vérification de la planification fiscale abusive. Une somme qui représente 2 milliards de moins que la moyenne par année.

Pour y arriver, l'Agence y a consacré 300 millions de dollars et 2327 fonctionnaires de son secteur international et grandes entreprises. Le Parti vert répond qu'il ajoutera des ressources financières et du personnel sans toutefois en préciser le montant et le nombre.