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Mélissa et le «zéro déchet» contre la société de surconsommation

Mélissa et le «zéro déchet» contre la société de surconsommation
Marie Sébire

Quand on arrive devant l’appartement montréalais de Mélissa, l’oeil est tout de suite attiré par un échange de mots collés sur sa boîte aux lettres, où elle demande au monsieur qui distribue des dépliants du NPD d’arrêter de lui en donner. «Encore des choses à jeter!». La jeune femme de 26 ans vit en effet sur le mode «zéro déchet», en évitant au maximum les emballages et tout ce qui ne peut pas être composté ou réutilisé.

Elle a le déclic en décembre 2012, lors du réveillon de Noël. «Je viens d’une famille de surconsommateurs. Chaque année, c’est un spectacle du gaspillage alimentaire et d’étalage de cadeaux», raconte-t-elle. Devant la montagne d’emballages sur le sol, Mélissa commence à rassembler les papiers de soie dans un gros carton - encore trop petit pour tout contenir. «Ma belle-mère m’a dit : “Mais le papier de soie n’est tellement pas cher, pourquoi s’en priver?”. Là, j’ai compris qu’il y avait un gros problème dans notre société.» C’est à cette période aussi qu’elle découvre via une vidéo de Béa Johnson, l’icône du zéro déchet - et l’idole assumée de Mélissa.

Le 1er janvier suivant, elle se lance officiellement dans le zéro déchet. Elle ne vide pas son appartement du jour au lendemain, mais, à chaque produit cassé ou épuisé, elle se questionne. Elle se demande avant d’en racheter si elle en a vraiment besoin, et, si oui, si elle peut le faire elle-même ou l’acheter en vrac, sans emballage. C’est dans la cuisine que le changement commence : fini les aliments préparés, Mélissa fait le plus de choses possibles par elle-même. Boîtes et contenants s’amoncellent sur le séchoir à vaisselle, et bocaux et pots s’alignent dans les placards.

«Acheter, c’est voter»

Elle a ses habitudes dans les commerces environnants, où les vendeurs la connaissent et acceptent que les clients viennent avec leurs propres contenants, comme les épiceries Frenco ou Lemieux. À sa boulangerie de quartier, Mélissa amène une taie d’oreiller pour transporter son pain. Le secret, c’est aussi de savoir faire des compromis. «Si vraiment je dois acheter quelque chose d’emballé, je choisis un produit bio ou local, et je vais prendre un emballage en carton plutôt qu’en plastique, explique-t-elle. Le locavorisme, le zéro déchet, le bio et le végétalisme sont des démarches liées; j’en priorise une mais j’essaie de suivre les autres aussi.»

Dans la salle de bain, elle a réduit de moitié ses produits et s’est mise à en fabriquer certains, comme la crème solaire, en suivant des recettes naturelles trouvées sur Internet. «C’est très facile, et rapide en plus! On redécouvre des ingrédients de base qui servent à tout», affirme-t-elle. Avec le bicarbonate de soude, par exemple, Mélissa se brosse les dents, fait son déodorant, nettoie le sol... Elle recycle beaucoup au quotidien et, fidèle à sa formule fétiche «acheter, c’est voter», elle aime donner une seconde vie aux objets. Ses vêtements viennent de friperies, et ses élastiques pour les cheveux, elle les ramasse dans la rue et les lave pour ne pas avoir à en acheter.

Au travail, Mélissa emmène ses contenants pour le lunch. «Je suis dans le milieu du cinéma, et les plateaux de tournage sont des lieux incroyables de production de déchets», se désole-t-elle. Plateaux-repas en polystyrène, photocopies à l’infini… Mais pour réussir à se tenir à son mode de vie sans embêter son entourage et pour que les autres l’aident aussi, elle suit sa «règle du territoire». «Je ne critique pas les gens dans leur mode de vie, que je respecte, et je n’impose pas le mien quand je sors, assure-t-elle. Mais chez moi, on respecte mes règles». Et si on veut lui offrir un cadeau, il y a aussi des règles à suivre: «Il faut que j’en ai vraiment besoin et qu’il soit sans emballage. Sinon, je préfère ne rien recevoir!»

Un mode de vie plus sain et plus écolo

Il a fallu à Mélissa un an et demi sur ce mode de vie pour vider son appartement de ses emballages et produits superflus. Parce que le zéro déchet, ça se fait petit à petit… Et ça n’est jamais du 100%. «Je n’ai toujours pas réussi à éliminer la soie dentaire et l’emballage du beurre, qui ne s’achète pas en vrac», note la jeune femme. N’empêche, les résultats sont là: elle n’a jeté que cinq petits sacs poubelles sur toute l’année dernière, et là, fin août, elle en est à son troisième depuis janvier 2015 - contre un sac de compost par semaine.

S’il y a des inconvénients à son mode de vie («Je fais deux fois plus de vaisselle!»), la liste des avantages est longue. Mélissa trouve qu’elle mange beaucoup mieux, et elle contrôle ainsi tout ce qui rentre chez elle: «Plus de produits chimiques, d’ingrédients dont je ne connais pas la provenance. C’est un mode de vie plus sain et plus écolo dans l’ensemble». Elle dépense un peu plus dans son alimentation pour acheter des produits bio et de meilleure qualité, mais elle a calculé avoir fait plus de 400 $ d’économies en un an sur les produits cosmétiques et en investissant dans des objets réutilisables.

Le mouvement prend doucement de l’ampleur dans le monde - San Francisco vient de se donner l’objectif de devenir une ville zéro déchet d’ici 2020 -, et semble également faire de plus en plus d’émules au Québec. Bien sûr, le zéro déchet entraîne des questionnements au quotidien de la part des gens que croise Mélissa, parfois curieux, parfois méprisants. «Certains s’intéressent à mon mode de vie, intrigués, explique-t-elle. D’autres me confrontent, car mon choix remet en question leur propre comportement de consommateurs. Ils cherchent la faille dans mon mode de vie.» Si les efforts paraissent importants, en pratique, il s’agit surtout d’organisation et d’habitude. Et en trois ans, Mélissa a largement eu le temps de prendre ses marques.

Bien sûr, n’imprimez pas cet article pour le lire.

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Une œuvre d'art composée de 1700 emballages

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