Depuis le début de la campagne électorale, Stephen Harper affirme que 80 % de l'économie est en croissance et attribue la baisse du produit intérieur brut des derniers mois au secteur énergétique. A-t-il raison?
Un texte de Denis-Martin Chabot
« Quatre-vingts pour cent de l'économie canadienne est en croissance. Le principal secteur qui n'est pas en croissance, qui est en contraction, c'est le secteur énergétique. »
— Stephen Harper, chef du Parti conservateur, le 7 août 2015
Vérification faite : tout dépend de la méthode de calcul.
Pour arriver à cette conclusion, il faut que l'on compare la performance économique des cinq premiers mois de 2015 avec celle de la même période en 2014.
Dans ce cas, c'est vrai, la production combinée des secteurs industriels autres que l'énergie - soit 80 % de l'économie canadienne - a augmenté d'une année à l'autre, alors que le secteur énergétique piquait du nez.
Statistique Canada publiera mardi des données sur la croissance économique du pays pour le deuxième trimestre de cette année. Plusieurs craignent que ces données indiquent que le pays est en récession.
Une autre méthode privilégiée
Par contre, une comparaison sur les cinq premiers mois de l'année n'est pas la méthode de calcul généralement utilisée par les économistes. Ceux-ci préfèrent comparer les données d'un trimestre à l'autre, secteur par secteur.
Dans ce cas, Stephen Harper a tort. Entre le dernier trimestre de 2014 et le premier de 2015, 9 des 20 secteurs de l'économie canadienne, soit 45 % des secteurs, ont enregistré une baisse de production.
« Disons que le 80 % de Monsieur Harper est un peu éphémère. Très peu de secteurs ont une croissance de plus de 1 % sur une base annuelle. »
— Jean-Pierre Aubry, économiste
« La baisse de l'activité dans le secteur énergétique aura des effets secondaires qui vont s'accentuer dans le reste l'économie, explique Jean-Pierre Aubry, économiste et fellow associé au CIRANO. Prenez l'Alberta : comme il y a moins d'emplois, il y a aura moins de ventes au détail, moins de construction, etc. »
L'économiste se montre pessimiste à moyen terme : « Il n'y a pas, à ce jour, de locomotives pour mettre l'économie sur un taux de croissance de plus 2 %. La croissance devrait donc être de faible à modérée, entre 1 et 2 % ».
Une baisse qui s'accélère
Si l'on compare sur une base mensuelle, le recul de l'économie a pris de l'ampleur au mois de mai 2015, les dernières données disponibles. Plus de 60 % de l'économie était en décroissance, notamment le secteur manufacturier et le secteur minier.
Pour le professeur Steve Ambler, du Département des sciences économiques de l'UQAM et titulaire de la Chaire David Dodge en politique monétaire de l'Institut C.D. Howe, les statistiques du PIB par grands secteurs industriels pour le mois de mai s'avèrent un bon indicateur. « Sur un total de 11 secteurs, incluant ceux classés dans « autres », 4 étaient en expansion et 7 en contraction. Donc, ce n'est pas exactement vrai que la contraction est presque exclusivement dans le secteur de l'énergie. »