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«Le slam est hors générationnel, hors classe sociale» - Le Grand Slack (ENTREVUE/VIDÉO)

«Le slam est hors générationnel, hors classe sociale» - Le Grand Slack (ENTREVUE/VIDÉO)
Olivier Laroche

Il y a quelques semaines, le slammeur Le Grand Slack dévoilait le vidéoclip pour la pièce Cassé, un manifeste contre l’austérité, un cri de colère contre la pauvreté. Nous l’avons rencontré dans un bar d’Hochelaga, à l’endroit où les images de cette chanson ont été tournées.

Quel est ton parcours jusqu’à maintenant?

J’ai commencé à me produire dans les scènes de slam il y a 6 ou 7 ans. Avant, je faisais un peu de rap, puis j’ai lu un article dans le journal qui parlait de cette scène-là, des soirées au O Patro Vys. Je suis allé voir par curiosité et un mois après j’ai écrit un premier texte, puis de plus en plus. Le format a capella m’intéresse, dans le rap le texte et les paroles sont parfois un peu enterrés par la musique. Il y a un côté théâtral dans le slam qui me plait, une mise à nu. C’était nouveau d’être sur scène sans artifice, sans costume, épuré. Il me semble que c’est le format idéal pour exprimer ce que j’ai à dire.

Peut-on parler d’un esprit slam?

Oui et non. Il y a différentes sortes de slameurs, différents styles. Chacun a une touche personnelle à apporter. Certain se soucient très peu de la rime et privilégient des textes en prose. Ça touche des milieux différents: des policiers, des comptables, des cuisiniers, des scientifiques, des commis de dépanneur… je te parle de ces professions, car on était tous dans la même équipe en 2012. Le slam est hors générationnel, hors classe sociale. Ca forme une belle communauté de gens qui s’intéressent à la même chose: les mots.

Quelles sont tes inspirations littéraires et musicales?

Je suis très inspiré par le rap, j’en écoute beaucoup. Également la poésie française, de la chanson… j’admire Richard Desjardins, c’est une grande source d’inspiration. Manu Militari écrit des textes très puissants. Et puis les classiques Jean Leloup, les Colocs…

CKOI a titré : «En France, ils ont Grand corps malade... Nous, on a le Grand Slack», en surface c’est vrai que la comparaison est inévitable et je pense même qu’elle va rester un peu. Tu en penses quoi?

J’étais un peu neutre par rapport à ça… il y a l’adjectif «grand» dans nos deux noms et on est tous les deux issus de la scène slam. Ceci dit je pense qu’on a un style et des thèmes très différents l’un de l’autre. Je le respecte beaucoup mais c’est juste une comparaison facile, cool mais facile. Je m’appelle comme ça, car quand je faisais du rap vers 20 ans j’ai rencontré un gars qui s’appelait le petit Criss. J’ai rappé avec lui et il m’a baptisé ainsi. À l’époque, Grand Corps Malade n’était pas encore connu encore au Québec, on m’a un peu accusé de surfer sur cette vague mais c’est injustifié.

Tu vas sortir un album en 2016, on trouvera quoi dedans?

On travaille toujours dessus, on aborde différents thèmes: l’intimidation, l’amour, l’hiver… je ne joue pas d’instrument, c’est Olivier Laroche qui compose et m'accompagne. On travaille ensemble depuis un an. J’ai beaucoup de slams déjà écris donc Olivier me fait des propositions. Parfois ça marche, parfois non, parfois on retravaille le tout, on s’envoie la balle et ça fonctionne bien.

Dans ton dernier titre Cassé, tu parles de misère, de la peur de la fin du mois et d’austérité: tu es passé par là?

Depuis que j’ai décidé de me concentrer sur la poésie et l’écriture je ne gagne pas des millions de dollars… j’ai toujours un budget très limité. J’ai grandi dans une famille de classe moyenne, je n’ai pas connu la pauvreté, mais c’est plus dur depuis que j’ai décidé d’être artiste. C’est un sacrifice quand on choisit cette voie. L’austérité touche tout le monde de près ou de loin.

Tu as participé en février à la première édition du Festival Parole en l’air, que veut dire cet événement pour toi?

Paroles en l’air, c’est l’initiative d'une amie slammeuse et fondactrice de Parole en l'air, Pascale St-Onge, d’un ami économiste: Ianik Marcil et de Pierre Lefebvre de la revue Liberté. C’est la seule soirée à ma connaissance qui invite des personnalités hors milieux artistique. L’un est économiste, l’autre est éditeur. Cela permet une prise de parole pas nécessairement poétique ni artistique: Marcil a parlé d’austérité, c’est intéressant de voir ces personnalité ayant une fort crédibilité s’exprimer dans un tel contexte. On s’est tous les trois exprimés sur le sujet à notre manière. Les politiques devraient définitivement écouter aussi les poètes qui ont une vision populiste et artistique.

Peux-tu me parler des initiatives mises en place à Montréal pour encourager le slam?

Beaucoup de soirée existent grâce au bénévolat, car il n’y a pas vraiment de subvention. J’ai créé la soirée Figure de style qui reviendra peut être cette année. Il y a aussi la ligue Slam Montréal, le Bistro ouvert créé par Carl Bessette, Parole en l’air, Chapeau… plusieurs initiatives ont été mises en place.

Il y a une belle mise en valeur de la langue dans le slam. Tu penses quoi des débats autour de l’utilisation du franglais dans le rap? Je pense notamment à Dead Obies qui a dérangé certaines personnes.

C’est stérile… Dead Obies a eu une bonne réplique contre Bock-Côté qui s’est insurgé contre ça. Il y a une question de génération, un décalage… il ne comprend pas cette réalité-là, qu’il a à faire à des gens qui ont grandi autant avec le français que l’anglais et vivent dans ces deux réalités linguistiques, c’est normal que ça se répercute dans leur travail et qu’ils s’expriment ainsi naturellement. Pour ma part, je ne pense pas que ça menace la langue, il y aura toujours des gens comme Desjardins ou Bellanger qui écriront des chansons en français. Ça reste de la musique.

Dans tes textes, parles-tu au nom de quelqu’un d’autre que toi?

Quand j’écris un texte je parle de réalités qui vont toucher certaines personnes, je ne prendrais pas la peine de le faire si ça ne parlait pas. Je me mets dans la peau parfois d’un autre. L’organisme «Je suis indestructible» m’a proposé d’écrire en me mettant dans la peau d’une femme, c’est difficile mais j’aime ça, ça demande de l’empathie.

Action Bronson est disparu de la programmation d’Osheaga après la mise en circulation d’une pétition pour des propos diffamatoires envers les femmes. Ce n’est pas le seul à qui c’est arrivé. Tu penses quoi de ce genre de polémique?

C’est sensible… moi je crois beaucoup en la liberté d’expression avec une réserve. Quand ton discours ne fait que propager la haine de façon gratuite c’est problématique. Mais interdire après coup, c’est bizarre… pour ma part j’ai découvert Action Bronson avec cette polémique, il n’y a pas meilleure publicité! Je n’aurai pas vu ce fameux vidéoclip si tout ça n’avait pas été mis en branle. Finalement ce mouvement de résistance lui a sûrement apporté plus de fans et de soutien.

Il y a des limites à la censure et je crois fondamentalement en la liberté d’expression. Tout le monde devrait avoir la chance de s’exprimer. Si tu racontes n’importe quoi, les gens vont s’en rendre compte par eux même. La censure encourage à surenchérir, on le voit avec Dieudonné par exemple. Au bout de la ligne les gens en parlent. Pour revenir à l’épisode Bronson, Eminem a été tête d’affiche à Osheaga alors qu’il a tenu des propos bien plus violents et misogynes… c’est un peu aléatoire finalement.

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Le Grand Slack donnera un spectacle les 11 et 12 septembre à Rimouski à la Salle Desjardins-Telus dans le cadre de Slam en Espace Scène. Pour les autres dates, suivez-le sur sa page Facebook.

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