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Corée du Nord : 4 vérités à connaître sur la bataille des haut-parleurs qui a repris après 11 ans

Corée du Nord : 4 vérités sur la bataille des haut-parleurs
South Korean soldiers remove loudspeakers used for propaganda near the demilitarized zone between South and North Korea, in Paju city, north of Seoul, Wednesday, June 16, 2004. North and South Korea have ended propaganda broadcasts over loudspeakers along their heavily militarized border as part of efforts to reduce tension on their divided peninsula. (AP Photo/ Lee Jin-man)
ASSOCIATED PRESS
South Korean soldiers remove loudspeakers used for propaganda near the demilitarized zone between South and North Korea, in Paju city, north of Seoul, Wednesday, June 16, 2004. North and South Korea have ended propaganda broadcasts over loudspeakers along their heavily militarized border as part of efforts to reduce tension on their divided peninsula. (AP Photo/ Lee Jin-man)

YangKun Kim, membre du Parti des travailleurs nord-coréen, dont le pays a attaqué la Corée du Sud ce jeudi 20 août par des tirs d'artillerie dans la région occidentale qui sépare les deux pays, a envoyé une lettre au chef de la Sécurité nationale sud-coréenne, Kim Kwan-jin. Le Ministère de la défense nationale en a aussi reçu une similaire. Sa demande est simple: l'arrêt des diffusions par haut-parleurs et la désinstallation de tous les équipements liés dans les 48 heures suivant la réception de la lettre (le 20 août, 17h). "Si notre demande n'est pas satisfaite, nous pourrions prendre des mesures militaires", peut-on lire.

Mais pourquoi la Corée du Nord se montre-t-elle si sensible face au sujet des haut-parleurs? Et pourquoi son voisin du Sud a-t-il repris les diffusions après 11 ans de silence?

Passons d'abord en revue les événements de ces derniers jours, y compris les obus lancés jeudi.

Le 10 août, l'armée sud-coréenne a repris ses diffusions par haut-parleurs en direction de la Corée du Nord dans la région de l'Ouest en représailles de l'incident des mines antipersonnel dans la zone démilitarisée (DMZ), dont le Sud accuse le Nord. C'est la première fois depuis juin 2004 que le Sud utilise les haut-parleurs comme arme psychologique contre la Corée du Nord. Le 13 août Han Min-goo, ministre de la défense sud-coréen, a déclaré aux membres de l'Assemblée nationale que des mesures supplémentaires étaient à l'étude.

L'armée nord-coréenne a répliqué. La première réponse a été envoyée le 15 août. Le département de la propagande de l'armée populaire nord-coréenne a menacé de lancer "des assauts indiscriminés si la Corée du Sud ne cessait pas ses diffusions". Deux jours plus tard, l'armée du Sud a indiqué que la Corée du Nord avait aussi repris ses diffusions contre son voisin dans la région de l'Est. Puis le 19, un jour avant les tirs d'obus nord-coréens au-dessus de la DMZ, des rapports indiquaient que l'armée du Nord se préparait à attaquer les emplacements des haut-parleurs.

Par la suite la tension n'a eu de cesse de s'aggraver. Selon le Ministère de la Défense, la Corée du Nord a tiré une série d'obus DCA de 14.5 mm à 15h53, suivie, 19 minutes plus tard (à 16h12), de tirs intermittents d'obus de 76.2 mm à l'intérieur de la DMZ, certains atterrissant à 700 mètres du périmètre sud-coréen.

A 15h04 (environ 1h10 après les premiers tirs nordistes), le Sud a riposté en lançant plusieurs obus de 155 mm sur la zone nordiste, certains atterrissant à 500 mètres de la frontière. Le Nord n'a pas poursuivi l'escalade. Le Sud n'a fait état d'aucun dommage physique ou matériel.

L'affaire des haut-parleurs est apparemment la raison principale de l'attaque subite nord-coréenne. Les exigences envoyées par la Corée du Nord après les premiers tirs d'obus en attestent. Mais la question est, pourquoi le Nord est-il prend-il la question des haut-parleurs autant au sérieux?

Le haut-parleur est une arme tactique primordiale dans la guerre psychologique à laquelle se livre les deux parties. Dans la situation présente, leur fonction est de dénoncer la corruption au sein du gouvernement nord-coréen. Selon KBS News, un haut-parleur fixe peut avoir une portée de 24 km à partir de son point d'émission la nuit et jusqu'à 10 km en plein jour, ce qui signifie que les civils nord-coréens vivant près de la DMZ aet les soldats stationnés dans les alentours peuvent probablement entendre les messages diffusés.

Avec la reprise des diffusions, la Corée du Sud a en plus décidé d'installer de nouveaux haut-parleurs numériques à la capacité sonore bien plus étendue. Selon un article paru dans Yonhap News le 13 août, les nouveaux haut-parleurs pourraient atteindre des civils situés dans un rayon de 20 km même en plein jour. Par ailleurs, comme ils pouvaient être transportés sur un camion, ils sont moins vulnérables aux tirs ennemis.

Autre source de mécontentement pour la Corée du Nord: les dernières diffusions auraient fait état d'informations que le gouvernement de Pyongyang considère comme sensibles. “Au-delà du statu quo, écrit le Chosun Ilbo, les diffusions auraient consisté à faire part d'exécutions d'huiles militaires, le genre d'informations dont les civils sont normalement tenus à l'écart, ainsi que sur la supériorité de la démocratie libre, les informations internationales, la météo, la musique, etc."

Les haut-gradés sud-coréens considèrent ce genre de guerre psychologique comme hautement efficace contre le Nord. D'après le Chosun Ilbo une source anonyme aurait déclaré : "Du point de vue de Kim Jong Un, le haut-parleur représente l'une des plus grandes menaces et une insulte à son régime car il met en lumière la corruption sur trois générations de dynastie Kim dynasty et au sein de leurs régimes." En clair, la Corée du Nord considère les haut-parleurs comme des menaces directes et des instruments de provocation sur le chemin de la guerre.

Le Sud et le Nord se sont mis d'accord, en juin 2004, lors d'un sommet réunissant les dirigeants militaires, pour cesser les diffusions par haut-parleurs. C'était le quatrième anniversaire de la déclaration commune du 15 juin et les deux camps tenaient à accomplir quelque chose de positif. En premier lieu, un accord visant à éviter les accrochages dans les eaux occidentales a été signé, suivi d'un accord pour mettre fin aux diffusions par haut-parleurs ainsi qu'aux autres instruments de propagande.

Dans l'accord se trouvaient les mots suivants: "Quelle que soit la circonstance, les deux parties promettent de ne jamais installer ou utiliser d'instruments ou matériel de propagande." Il ya vait eu quelques courtes accalmies par le passé, mais la guerre des haut-parleurs qui s'était tenue pendant 42 ans depuis 1962 touchait enfin à sa fin le 15 juin 2004 et le gouvernement sud-coréen de saluer l'événement comme “un moment historique”.

Mais l'accord est soudain devenu caduc avec la reprise des diffusions par la Corée du Sud. Considérant que le Nord avait fourni de bonnes raisons à son voisin en plantant une mine antipersonnel dans la DMZ près de la frontière. Le 10 août, le Ministère de la défense du Sud et les représentants des Nations Unies sur place sont arrivés à la conclusion que l'explosion de mine dans le DMZ était un mouvement d'offensive nordiste, puis déclaré que la Corée du Nord "paierait chèrement" son geste. Le Ministre de la défense a recommandé que des contre-mesures fortes soient prises contre le Nord.

La reprise des diffusions par haut-parleurs entre donc dans le cadre de cette politique de "contre-mesures fortes" décidée par la Corée du Sud. Voici ce que l'on peut lire dans le Hankook Daily : “Comme la reprise des diffusions avait déjà été mise sur la table et rejetée après le naufrage de CheonAn, cette décision du gouvernement est inattendue." En réalité, même après les accrochages de YeonPyung, il n'avait pas été question de reprendre les diffusions.

La réaction du gouvernement sud-coréen à l'incident de la mine antipersonnel s'inscrit dans un climat exceptionnel. L'armée sudiste n'a pas seulement révélé le lieu de l'explosion aux média, elle a aussi partagé photos et vidéos de TOD (Tomographie optique diffuse), normalement visibles uniquement pour les témoins directs. Selon le Kyunghyang Shinmun, c'était la première fois depuis 1953 que l'armée sud-coréenne partageait avec la presse ses lignes directrices en lien avec la DMZ.

Convoi militaire américain en mouvement à Paju, près de la région occidentale du DMZ, le 21 août 2015 ⓒYonhap News

Selon certains, l'armée chercherait simplement à couvrir ses arrières. Les médias n'ont pas manqué de faire remarquer que malgré de nombreux signes de mouvements inhabituels depuis la fin de l'année passée, l'armée était restée passive, s'abstenant d'intervenir. Les législateurs ont aussi fustigé le laxisme de la surveillance militaire sur la DMZ. A l'époque, l'armée avait justifié la situation du mieux qu'elle avait pu, mais il est probable que les critiques aient porté leurs fruits.

Il est bien sûr possible que l'armée prenne au sérieux l'affaire de la mine antipersonnelle. Le ministre Han, en visite sur le poste avance du DMZ où l'explosion a eu lieu, avait déclaré qu'il s'agissait d'"un acte de provocation et une violation du traité de paix allant à l'encontre de l'acte de non agression décidé entre les deux pays." Il s'agissait, selon le Hankook Ilbo, de la première explosion de mine plantée par le Nord le long de la DMZ depuis 48 ans.

La tension engendrée par l'explosion de la mine et la remise en place des haut-parleurs semble devoir continuer encore un moment. Aujourd'hui (21 août), la Corée du Nord a nié avoir procédé à des tirs d'artillerie et déclaré qu'une "juste vengeance" attendait. La question est de savoir si Corée du Sud et du Nord ont en main les cartes qui leur permettraient de désamorcer la situation. La Corée du Nord exige le retrait des haut-parleurs, mais il est peu probable que le Sud retire ses équipements sans une bonne raison. En d'autres mots, la situation est on ne peut plus délicate.

Un véhicule se dirigeant vers le nord s'apprêt à traverser la rivière ImJin près de Paju ce matin (21 août). ⓒYonhap News

Cet article, publié à l'origine sur le HuffPost coréen, a été traduit de l'anglais par Matthieu Carlier.

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