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Mad Men : Comment la costumière Janie Bryant se servait de la mode pour nous raconter des histoires

Comment la costumière de Mad Men se servait de la mode pour nous raconter des histoires
AMC

Dimanche soir, le dernier épisode de la série "Mad Men" sera diffusé, marquant la fin d’une époque. Pendant huit saisons, qui couvrent une période allant de mars 1960 jusqu’à la fin de l’année 1970, les téléspectateurs ont vu Don gravir les échelons et chuter, Peggy montrer son pire côté, Joan faire face à la perversité des hommes, Betty connaître les joies de la maternité, Pete rechercher avidement les clients et Roger inviter de jolies jeunes femmes à dîner et à boire.

Et en plus d’être l’un des drames les mieux écrits et finement sculptés de la télévision, la série de Matthew Weiner restera aussi dans l’histoire pour sa capacité à capturer et recréer l’essence des années 60. Une bonne partie du storytelling emblématique de "Mad Men" est dûe à la vision et la créativité de la costumière Janie Bryant, qui travaille sur la série depuis son lancement. Elle a non seulement aidé à définir chaque personnage à travers un style distinct, surtout à une époque si brillante en termes vestimentaires; elle a aussi, grâce à ses créations, aidé à mettre en place les intrigues les plus mémorables de la série.

Le Huffington Post a rencontré Janie Bryant pour discuter avec elle de l’évolution du style des personnages, revenir sur l’époque "Fat Betty" et voir en quoi les vêtements des femmes pouvaient en dire long sur le sexisme et la révolution sexuelle de l’époque.

Voici les six révélations que nous avons obtenues au sujet des costumes de la série:

La transition vers les années 70 n’a pas représenté un changement flagrant.

"Il ne s’agit pas vraiment de changer d’époque. Le style de 1970 tire presque toute son essence de la fin des années 60. C’est toujours une lente progression. Il y a clairement quelques changements. Si l’on regarde le style présent dans le premier épisode de la première saison de 'Mad Men', comparé à aujourd’hui la différence est évidente. Il s’agit de se montrer subtile et de comprendre que le changement prend du temps. Situer la série en 1970 ne veut pas forcément dire qu’on va faire porter des vêtements de défilé aux personnages. Certains portent des vêtements des années 60, d’autres des années 50 ou 40. J’ai toujours aimé ce mélange des décennies en fonction de l’identité du personnage."

Don restera toujours Don.

"Don [est] toujours égale à lui-même. Ses cheveux sont toujours parfaitement arrangés. Ses rouflaquettes sont peut-être un poil plus longues. Mais ses costumes restent taillés au pli près, avec des couleurs très minimalistes. Ses revers de manches et sa cravate sont certes un peu plus larges, mais j’ai toujours aimé l’idée que Don soit du genre à avoir ses habitudes, et c’est resté tout au long de la série."

Les séances photos promotionnelles sont un régal pour les yeux.

"Avant chaque nouvelle saison, nous faisons une séance photo de promotion. Tout est fait pour le bonheur des yeux et chaque personnage est présenté comme une version ultra colorée de lui-même. J’adore l’idée d’un Don en veste de survêtement bleue parce qu’on ne le voit jamais avec ce type d’accoutrement. A part dans la saison 3, lorsqu’il se rend en Italie avec une veste de sport en soie brute que j’ai dessinée pour lui. Lui faire porter à nouveau une veste de sport bleue me plaît beaucoup, mais c’est une nuance de bleu différente, c’est une version plus moderne de ce bon vieux Don. Il s’agit réellement de jouer avec la vraie nature de son personnage.

"Et en ce qui concerne Megan, j’ai conçu le costume deux-pièces qu’elle porte dans les photos [de promo]. J’ai puisé toute mon inspiration à partir du style de Cher. Et j’ai aussi conçu la robe de Joan pour cette séance photo. Pour trouver mon inspiration, j’ai observé ce que portaient Sophia Loren et Dolly Parton à cette époque."

De Betty à "Fat Betty" et inversement

"J’aime tellement Betty, ses changements, ses intrigues. J’ai adoré la saison 5. Si je ne me trompe pas, c’est celle où on l’appelait Fat Betty parce qu’elle avait pris trop de poids – je suis vraiment désolé pour elle, mais c’est comme ça qu’on l’appelait. Je ne sais pas comment, mais c’est devenu un petit surnom pour elle parce que sa prise de poids représentait un tel contraste par rapport à avant. C’était tellement différent de ses premières années. Et puis il y a cette scène où Betty fait son coming out après avoir fait une entrée remarquée au bal officiel, avec sa robe de soirée jaune. Là je me suis dit: ‘Oh, Betty est de retour !’"

"L’un de mes épisodes préférés avec Betty est issu de la première saison, et s’intitule 'Shoot' (“Changement de décor” en français), dans la première saison. Betty doit changer 14 fois de costume, ce qui est parfaitement à son image. C’était un épisode très important, qui a eu lieu bien avant que la série ne soit connue."

En quoi le style de Joan en dit long sur la révolution sexuelle et le sexisme de l’époque.

"Qu’y a-t-il à dire? La révolution sexuelle a bien dû arriver pour une raison, non? A cause d’hommes comme ceux qu’on voit chez McCann-Erickson. Il y a une raison pour laquelle les femmes s’érigeaient face à ce genre de comportements, dont on avait des preuves tous les jours dans les foyers et bureaux d’Amérique. Mais ça devient intéressant quand on voit comment Joan et Peggy ont géré la situation [dans l’épisode "Severance"]. Ce genre de cas ne se présenterait plus de nos jours, ça a tellement changé.

"Voilà une robe que j’ai conçue pour Joan pour [la scène du harcèlement sexuel dans 'Severance']. Lors de notre topo sur les aspects créatifs, avec Matthew Weiner, il m’a dit : Je veux juste que Joan soit sexy.' Pas vulgaire, mais il la voulait provocante. Quelque chose de très subtil, mais qui fasse dire à Peggy: 'Avec ta façon de t’habiller, on dirait que tu en veux.' [...] Même si la robe est très professionnelle, elle montre son caractère. Joan n’a aucune raison de se cacher derrière ses vêtements. La couleur est très claire, insolente et provocante d’une certaine manière. Pour moi le rose est la couleur du flirt. Il était donc très important que la robe ait tous les éléments pour raconter l’histoire d’hommes irrespectueux, et aussi pour provoquer Peggy."

La garde-robe de Janie Bryant a été créée à partir du scénario.

"Pour moi, c’est une question de scénario et de comprendre ce que les personnages se disent les uns aux autres, quel est le cadre, l’humeur, le ton ou l’ambiance de chaque ligne de script et comment je peux aider à raconter l’histoire des personnages avec mes costumes. L’inspiration vient avec le scénario.

"Parfois [Matthew Weiner] a des demandes spécifiques, mais il me fait confiance pour que le travail soit bien fait. Donc on a des tas de discussions créatives lui et moi, et parfois il a envie de quelque chose de très précis et me dit: 'Je veux de la fourrure de chinchilla' comme il l’a fait dans [le premier épisode de la saison 7B]. Il est très impliqué mais il laisse libre cours à mes créations, et c’est ça qui est génial. J’aime sa passion, ça m’inspire énormément."

L’épisode final de "Mad Men" sera diffusé le dimanche 17 mai à 22h (heure de New York) sur AMC aux Etats-Unis.

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington post américain, a été traduit de l’anglais par Matthieu Carlier.

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