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Levitation 2015: le rock psych n'appartient plus au passé

Levitation 2015: le rock psych n'appartient plus au passé
Morgane de Capèle

Austin Psych Fest vient de fêter ses huit ans, l’âge de raison est bien révolu et cette année, le festival a vu les choses en grand. La programmation a balayé plusieurs genres et décennies, le site du Carson Creek Ranch s’est agrandi, son espace camping aussi, et –carton rouge-, le prix des douches est passé de rien à 5$.

Retour aux origines: Alex Maas et Christian Bland des Black Angels ont co-fondé en 2007 le label Reverbation Appreciation Society. Un an plus tard, Austin Psych Fest faisait ses premiers pas: «On a débuté l’aventure il y a huit ans. L’idée était de faire une grande fête entre amis pendant trois jours. Nous avons programmé une dizaine de groupe et attiré 600 personnes. À l’époque, on n’aurait jamais imaginé que l’événement prendrait cette ampleur. Comme un enfant qui grandit, le festival a besoin de prendre l’air: nous avons vite migré au Carson Creek Ranch, puis est venu le camping, et maintenant on en est là.»

«Là», ça veut dire trois scènes, 15 000 festivaliers et une programmation à faire palir plus d’un veston à franges: Tame Impala, The Flaming Lips, The Jesus and Mary Chains, Spiritualized, Thee Oh Sees, Fuzz, The Black Angels, White Fence, A Place To Bury Strangers, Soft Moon, The Fat White Family, DIIV, The Sword, The Goasst, pour ne citer qu’eux.

Pour ce huitième anniversaire, Austin Psych Fest, rebaptisé Levitation par souci de communication et d’image pour les sponsors, a même convié ses grands-parents. 13th Floor Elevator (trêve de plaisanterie, Levitation est surtout un hommage au titre I’ve Got Levitation paru en 1967), les survivants pionniers du rock psychédélique, eux-mêmes originaires d’Austin, se sont réunis samedi soir pour la première fois depuis 45 ans devant une foule compacte et attentive. Oui, ils ont pris un petit coup de vieux, mais ils sont la raison même de ce festival. Non contents d’avoir inventé le genre musical en une courte carrière, ils ont inspiré presque un demi-siècle plus tard une nouvelle génération dont The Black Angels est la figure de proue.

Sans parler de politisation, «Nous avons affaire à un public aussi conscient des enjeux contemporains que dans les années 1960 et 1970: cette musique est toujours un outil de critique, c’est une des raisons des générations psyché. Maintenant, la technologie permet de recréer et d’approfondir le genre avec de nouveaux effets», analyse Alex Maas. Le chanteur est bien placé pour le savoir, car The Black Angels, en emboîtant le pas aux Brian Jonestown Massacre au début des années 2000, a lancé le coup d’envoi sans l’anticiper d’une mouvance psyché mondiale et prolifique déclinée sous toutes ces formes, pur, punk, garage ou encore électro.

Le festival témoigne de cet engouement par sa taille ainsi que par son premier effet collatéral : des dizaines de petits Psych Fest ont bourgeonné partout dans le monde, de Liverpool à Paris en passant par Lisbonne et Montréal. Du côté de Levitation, qu’on appellera les officiels, on compte déjà Chicago, Angers et Vancouver dont la première édition prendra place en juin. Pour les projets futurs, les deux garçons des Black Angels misent sur Mexico et Melbourne. Affaire à suivre.

Trois jours de musique

Les festivités de cette huitième édition ont débuté jeudi dernier à Austin avec deux shows simultanés, Ariel Pink et Joel Gion des Brian Jonestown Massacre. Ils lancent le go pour un week-end plein de reverbs, de stroboscopes, de basslines, où s’est réunie la crème psych du passé, du présent et du futur.

Vendredi, le Carson Creek Ranch a vu affluer une foule joyeuse épousant les clichés qu’il faut: beaucoup de cheveux, beaucoup de barbes, des couvre-chefs de toute formes, des éclats de rire, des tatouages, certains manifestement déjà égarés dans une dimension parallèle. Moyenne d’âge une trentaine d’années, on repère pas mal de mineurs et aussi quelques vétérans de l’époque Woodstock venus voir ce que la nouvelle scène a à leur offrir, et écouter 13th Floor Elevator.

Pour le point météo, on a eu peur que Levitation ne résonne pas ce week-end là, mais finalement on s’en tirera avec beaucoup de boue et quelques belles glissades. Le festival est lancé et une centaine de groupes se relaieront sur les différentes scènes. Les artistes semblent heureux d’être présents, le public est réceptif, l’équation fonctionne donc bien. On retrouve sur scène les New Yorkais de DIIV venus présenter en grande partie («trop», juge mon ami) leur nouvel album à paraître en septembre, puis Spiritualized avec un Jason Pierce confiant et de longues sessions instrumentales.

Entre les deux, White Fence ouvre la danse sur la scène d’à côté avant de la céder à The Soft Moon, déchainé. «Ils sont extraordinaires» lâche Alex Maas. Retour sur la scène principale avec Tame Impala, déjà sous les feux des projecteurs depuis les diffusions successives des titres de leur album encore sans sortie officielle. Derrière les Australiens, le fond de la scène se colore de visuels psychédéliques colorés, artisanaux et numériques, une facette créative valorisée par Levitation pour les concerts nocturnes. La soirée s’achève avec Metzz, venu jouer tout sauf une berceuse. Le premier jour de Levitation se conclut avec un show énergique et laisse de bon présage pour le lendemain.

La fièvre du samedi

Ainsi la fièvre du samedi débute avec le rock soul de Night Beats et se poursuit avec une session planante offerte par The Black Ryder. On se presse sur la scène d’à côté où Thee Oh Sees s’apprête à offrir un show généreux. De nouveaux musiciens entourent John Dwyer, la foule commence à s’agiter et on ne tarde pas à voir des silhouettes émerger se laissant glisser de bras en bras.

Trente minutes plus tard, Primal Scream monte sur scène guidé par un Bobby Gillespie hagard et sans guitare, au grand dam de mon voisin. The Jesus and the Mary Chains (Bobby Gillespie était le batteur du groupe originel), résolu et motivé, prend le relai. Sans prise de risque, ils interprètent l’intégralité de Psychocandy après un premier set de chansons éparses. Pourtant, il y a des déçus dans le public : mon amie venue voir son groupe préféré baisse les yeux : «Il faut que j’admette qu’ils ont l’âge de mes parents». Coup dur pour la jeunesse.

Dernier jour, et non le moindre

Dimanche, on commence la journée avec The Goasst guidé par le couple Sean Lennon – Charlotte Kemp Muhl. Ils mènent un beau concert et explorent plusieurs recoins d’un psychédélisme post-moderne. Puis le clown Mac DeMarco se met en poste. Le son n’est pas vraiment adapté pour ses aigües et ses variations, mais lui et ses deux acolytes assurent le spectacle comme trois cancres au fond de la classe à coups d’âneries et d’une reprise personnalisée de Coldplay.

On ne décolle pas de cette scène, car c’est au tour de The Black Angels de se lancer. Le quintet d’Austin, fidèle à lui-même, fait voyager le public en balayant leurs dix ans de carrière. Difficile de faire des choix car à 30 minutes près Foolakzoïd et Fat White Family s’échauffent sur les deux autres scènes. Puis le festival se suspend. Les autres scènes se vident pour que ne résonne plus que 13th Floor Elevator au Carson Creek Ranch. La voix de Rocky Erickson trahit son âge, mais le son se porte bien et il flotte dans le public une certaine émotion.

Changement d’ambiance sur la scène gauche avec A Place to Bury Stranger qui entame un set aussi explosif que son nom, jeté de guitare inclus. De l’autre côté, la scénographie de la grande kermesse de The Flaming Lips se met en place. Sur scène Wayne Coyne est encadré par deux champignons géants et la fête commence à grand coup de «love», confettis, arc en ciel et jetés de ballons. Il nous sert son tour préféré et ça marche à chaque fois : la traversé du public dans une bulle géante en plastique. Dernier show de Levitation 2015: celui de Fuzz et d’un Ty Segall explosif, devant une foule massive et suante. Il est maintenant temps de récupérer les quelques heures de sommeils passées à la trappe. Merci Levitation.

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