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Chefferie du PQ: la drôle de course de PKP

La drôle de course de PKP
PC

QUÉBEC - Au début du mois de mars, Martine Ouellet assiste au spectacle Légendes d'un peuple, au Grand Théâtre de Québec. Tous les candidats à la chefferie du PQ ont été invités par le collectif de chanteurs, mais elle est la seule présente. En fin de soirée, Pierre Karl Péladeau et Julie Snyder débarquent et invitent tous les artistes au chic Laurie Raphaël, une des meilleures tables en ville. C'est Julie qui régale. Un peu à l'image de la course, Martine Ouellet est rentrée seule ce soir-là, tandis que PKP poursuivait sa campagne de rock star.

«Sur le terrain, il y a un engouement pour lui que j'ai rarement vu en 20 ans au Parti québécois», dit le député Pascal Bérubé, partisan de PKP de la première heure. Il n'est pas rare de voir l'ex-patron de Québecor signer des autographes pour ses plus fervents admirateurs. Quand il entre dans une pièce, il attire tous les regards... et les caméras. Ses cocktails de financement, à 100$ le billet, ont réuni de grands noms du monde des affaires québécoises. Le magnat de la presse se promène même accompagné de gardes du corps, aussi discrets qu'imposants.

Candidat défait à la chefferie du PQ en 2005, Pierre Dubuc n'est pas impressionné. André Boisclair aussi, semblait marcher sur l'eau, rappelle-t-il. «Dans les sondages, le PQ gagnait allègrement avec Boisclair. On a vu la suite», dit l'auteur du brûlot «PKP dans tous ses états».

Cette avance jugée insurmontable a tout de même forcé deux adversaires à lui concéder la victoire avant la tenue du premier tour. Le PQ veut vivre «son moment Pierre Karl Péladeau», a tranché Jean-François Lisée, au moment de jeter l'éponge.

Le métier de politicien

Avec les médias, c'est une tout autre histoire. On ne compte plus les échanges acrimonieux entre PKP et les représentants de la presse. La tension a culminé lors de la présentation de sa plateforme économique à Montréal. Le magnat de la presse n'a pas aimé que les journalistes refusent de se limiter à une seule question, contrairement à deux habituellement. Les journalistes qui ont insisté se sont heurtés à un PKP cassant.

À cela s'ajoutent ses nombreuses sorties controversées sur les médias sociaux. En janvier, il a publié l'adresse et le numéro de téléphone personnel du premier ministre sur Facebook. Lorsque l'ex-ministre fédéral Martin Cauchon a fait l'acquisition des journaux régionaux de Gesca, PKP l'a affublé du titre de «faux-nez» des Desmarais.

«Ça ne fait qu'un an qu'il est en politique. C'est normal qu'il y ait une période d'adaptation, plaide Pascal Bérubé. [...] Lui-même est conscient que ce n'est pas son métier premier. Mais il faut être indulgent. En un an, il a fait un cheminement exceptionnel.»

Ce dernier estime que les médias ont été particulièrement durs envers son candidat. «Il n'a pas eu un traitement ordinaire, souligne Pascal Bérubé. On est très dur à son égard. Il a fait l'objet d'énormément d'attaques et de recherches de type 'enquête'.»

Au contraire, Pierre Dubuc, également directeur de L'Aut'journal, estime que les journalistes ont évité les questions de fond. «On est beaucoup resté dans l'anecdote», déplore-t-il.

L'effet Flanagan

C'est finalement l'arrivée d'un directeur des communications — spécialisé en gestion de crise, de surcroît — qui a mis fin aux cafouillages médiatiques. Plusieurs ont souligné que l'embauche de Steve Flanagan a été annoncée une semaine après la déclaration malheureuse sur le vote des immigrants à l'Université Laval.

Toutefois, un membre d'une équipe adverse estime que c'est le passage désastreux de Pierre Karl Péladeau quelques jours plus tôt à l'événement «Maîtres chez vous», organisé par Force jeunesse, qui a convaincu son équipe de faire appel à un directeur des communications. Pendant son allocution, les commentaires désobligeants ont inondé le mot-clic #MCV2015. Conférence «décousue», écrit un internaute. «Plate», tranche une autre. «C'est là qu'ils ont réalisé qu'il devait cesser de faire des erreurs», explique-t-on.

L'attaché de presse de PKP, Marc-André Deblois, réfute cette interprétation. «C'était prévu dès le début de la campagne qu'on embauche un directeur des communications, dit-il. On attendait de voir combien d'argent on récolterait avec la campagne de financement.»

Quoi qu'il en soit, le débat de Sherbrooke tenu quelques jours plus tard a marqué un tournant dans la course. Aidé de Steve Flanagan, PKP a commencé à livrer des performances plus encadrées, celles auxquelles nous ont habitués les politiciens. «On a tous remarqué ça, lance l'ex-directeur de campagne de Bernard Drainville, Stéphane Gobeil. Il est devenu plus solide.»

Deux semaines plus tard, à Saguenay, PKP avait achevé sa mutation en politicien professionnel. Après le débat non officiel, Stéphane Gobeil a glissé à l'oreille de son candidat: «Wô, il y a un changement, là».

«Ç'a stoppé une glissade, une fragilisation de son vote» analyse-t-il. Entre le débat de Sherbrooke et celui de Québec, le nombre d'indécis a fondu, observe Stéphane Gobeil. «Ils sont passés de près de 25% à moins de 10%. Et ces gens-là sont allés chez Pierre Karl Péladeau», explique celui qui a été conseiller de Gilles Duceppe et de Pauline Marois. Son candidat s'est finalement rallié à PKP.

Les colères de PKP

À deux semaines du vote, un article du magazine Maclean's évoquait deux présumés éclats de colère de Pierre Karl Péladeau. Son adversaire Pierre Céré disait avoir subi les foudres de l'homme d'affaires. Martine Ouellet a ensuite affirmé avoir été «apostrophée» par le meneur. Des révélations qui n'ont pas semblé ébranler un membre de son équipe, même s'il reconnaît qu'il peut se fâcher et sacrer en privé. «Ça le rend plus humain», plaide-t-il.

«Les gens qui vont voter pour lui savent qu'il est assez prompt. Certains vont même voter pour lui en raison de ce trait de caractère», dit l'ex-ministre péquiste Yves-François Blanchet, qui côtoie PKP depuis une vingtaine d'années. Toutefois, ce côté «rugueux» risque de causer des frictions au caucus, ajoute celui qui est devenu commentateur politique à Radio 9. «Ça peut annoncer des rencontres mouvementées», dit-il.

«Son passé d'homme d'affaires n'a pas démontré un talent de rassembleur», lance Pierre Dubuc, au sujet de ses relations houleuses avec les syndicats.

Pascal Bérubé s'étonne des «analyses psychologiques» du candidat auxquelles on se livre sur la place publique. «L'histoire du Maclean's, la sortie de Jean-Marc Fournier [qui a évoqué ses «pulsions agressives»], tout ça est franchement inusité dans l'histoire du Québec, dit-il. Le gouvernement qui questionne la course au leadership d'une autre formation politique... c'est surréaliste.»

Chose certaine, le gouvernement libéral réserve tout un cadeau de bienvenue à celui qui devrait, selon toutes vraisemblances, être couronné chef du PQ vendredi prochain. Une commission parlementaire se penchera à la fin mai sur ses actions de contrôle de Québecor et son potentiel conflit d'intérêts. Comme disait la chanson: «Et c'est pas fini, c'est rien qu'un début...».

Cloutier: À la prochaine fois?

Si PKP semble voguer vers la victoire, c'est Alexandre Cloutier qui a fait le plus de gains durant cette course, notent de nombreux observateurs.

«Je ne peux pas m'empêcher de voir en Alexandre Cloutier un probable futur premier ministre, dit Yves-François Blanchet. Je ne dis pas que c'est cette fois-ci; selon toutes vraisemblances, c'est Pierre Karl Péladeau qui va l'emporter. Mais l'avenir dure longtemps.»

La course d'idées qu'il a menée en fera «un joueur incontournable» dans l'équipe de PKP, croit-il.

Même son rival d'hier salue sa performance. «Je ne l'avais jamais vu faire campagne et ç'a été une surprise, confie Stéphane Gobeil. Je crois qu'il a réussi au-delà probablement de ses propres attentes.»

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