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Saint-Cyprien-de-Napierville : un projet d'éoliennes sème la controverse (VIDÉO)

Un projet d'éoliennes sème la controverse en Montérégie

Une entreprise autochtone veut construire des éoliennes à Saint-Cyprien-de-Napierville en dépit de l'opposition de nombreux citoyens. Voici la petite histoire de ce projet controversé.

Un texte d'Émilie Dubreuil

L'affaire, qui commence en 2010, est digne d'un roman. TCI, une compagnie spécialisée dans la recherche des champs éoliens, s'intéresse à la petite municipalité agricole de Saint-Cyprien-de-Napierville, au sud-ouest de Montréal. TCI propose d'y installer un parc. La municipalité ne veut pas.

L'affaire aurait pu s'arrêter là, mais TCI se trouve un partenaire local qui, lui, n'a pas besoin de l'accord de la municipalité pour parrainer un projet éolien.

Une alliance avec une entreprise mohawk

En effet, en 2008, un décret gouvernemental stipule qu'une communauté autochtone peut déposer un projet éolien n'importe où dans sa région administrative, et qu'elle n'a besoin pour ce faire que de l'aval de son conseil de bande.

Pour voir le décret, cliquez ici.

TCI se trouve donc un partenaire local, la Kahnawake Sustainable Energy (KSE). L'entreprise autochtone peut déposer des projets partout sur le territoire de la Montérégie. Son choix s'arrête sur Saint-Cyprien-de-Napierville, à 45 kilomètres de la réserve.

Nous avons demandé à la porte-parole de KSE pourquoi l'entreprise n'avait pas développé un projet éolien dans la réserve. On nous a répondu que l'endroit n'était pas adéquat pour ce type de projet. Dans une étude commandée par la nation mohawk, on apprend, au contraire, que des éoliennes industrielles sur le territoire mohawk auraient pu rentables.

Pour voir l'étude de préfaisabilité (en anglais), cliquez ici.

KSE propose à Hydro-Québec de construire huit éoliennes à Saint-Cyprien-de-Napierville. L'offre est acceptée par la société d'État. En fait, c'est le seul projet autochtone approuvé par Hydro-Québec dans le cadre de cet appel d'offres.

Pourquoi un seul projet de 24 MW sera-t-il réalisé dans le bloc prévu de 250 MW pour les Autochtones?

Réponse d'Hydro-Québec :

  • La soumission déposée par Énergies durables Kahnawake s'est avérée être la moins coûteuse de toutes les soumissions reçues pour le bloc autochtone;
  • Lors de l'évaluation des soumissions déposées par les soumissionnaires, c'est le coût total de l'énergie, soit le coût de l'électricité et les coûts de transport associés à l'intégration de la production du parc éolien au réseau (c.-à-d. les frais de raccordement et de renforcement du réseau de transport), qui est pris en considération dans l'évaluation des offres par Hydro-Québec. Les autres soumissions déposées ont été déclassées en raison de ces coûts.

Le maire de l'époque, André Tremblay, est désemparé. Il demande de rencontrer la ministre Nathalie Normandeau, alors responsable des ressources naturelles. Son attaché politique lui aurait répondu : « Les Autochtones, c'est comme des pommes, et vous, vous êtes des oranges. »

Le conseil municipal adopte des résolutions pour contrecarrer le projet éolien de KSE. Cela lui vaut une poursuite de KSE et de Normand Lefebvre. Normand Lefebvre est un agriculteur qui a accepté de recevoir des éoliennes sur son terrain. Il est aussi, depuis 2013, le maire de Saint-Cyprien-de-Napierville.

L'an dernier, le conseil municipal a réglé cette poursuite à l'amiable en donnant satisfaction à KSE. L'affaire a tout de même coûté 115 000 $ à la Ville.

À Saint-Cyprien, de nombreux citoyens sont farouchement contre cette éventuelle apparition d'éoliennes dans le paysage, même si certains trouvent que ce serait avantageux pour la municipalité. Le conseil municipal a même cru bon d'écrire au premier ministre Philippe Couillard en janvier dernier pour se dissocier du projet.

Pour voir la lettre envoyée au PM Couillard, cliquez ici

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Éoliennes et casinos?

Si le projet de KSE va de l'avant, l'entreprise mohawk recevra 60 millions de dollars sur 20 ans. Cet argent sera réparti en parts égales entre le conseil de bande, qui le redistribuera dans les services à la communauté, et la Société de développement économique de Kahnawake, propriétaire de KSE, mais aussi de Continent 8. Continent 8 finance en partie la compagnie d'éoliennes.

Continent 8 est une entreprise qui héberge des casinos virtuels. Elle est basée à l'île de Man, au large de l'Angleterre. Si ses activités sont légales, son statut est complexe. En fait, selon Loto-Québec, les jeux de hasard et d'argent ne peuvent être exploités que par la Société d'État. À Kahnawake, la porte-parole de KSE, Lynn Jacobs, nous a répondu : « La commission économique de Kahnawake s'assure que tous les sites hébergés par Continent 8 sont des sites légaux dans leurs juridictions. »

Nous avons demandé à Hydro-Québec si elle avait tenu compte du fait que son éventuel partenaire d'affaires, KSE, a des liens avec l'industrie du jeu en ligne :

La réponse d'Hydro-Québec :

  • Hydro-Québec est l'acheteur de l'électricité produite par un parc éolien et n'est pas le promoteur.
  • Comme tous les contrats d'Hydro-Québec, le contrat d'approvisionnement en électricité conclu avec Énergies durables Kahnawake inc. est assujetti à la Loi sur les contrats des organismes publics (RLRQ, c. C-65.1).
  • Dans le cadre de cet appel d'offres, Hydro-Québec Distribution a mandaté la firme Deloitte inc. aux fins de l'application de la procédure d'appel d'offres et d'octroi pour les achats d'électricité et dans le processus d'évaluation des soumissions.

Par ailleurs, le Bureau du ministre responsable d'Hydro-Québec nous a répondu ceci :

« Certains éléments soulevés dans ce reportage sont préoccupants. Il est cependant important de rappeler que, dans ce dossier, plusieurs étapes demeurent à franchir. Notamment, le projet n'a pas fait l'objet d'autorisations environnementales de la part du gouvernement. De plus, l'acceptabilité sociale d'un tel projet doit également être prise en compte. Nous analyserons l'ensemble de ces éléments avant de déterminer si le projet ira ou non de l'avant. »

Les audiences publiques du BAPE doivent commencer dans quelques semaines.

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