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Grâce et confession de Sufjan Stevens à Montréal (PHOTOS)

Grâce et confession de Sufjan Stevens (PHOTOS)
Jean-François Galipeau

Depuis la parution, en mars, de son très respecté album intimiste intitulé Carrie & Lowell, Sufjan Stevens s’est transformé en un véritable phénomène. Et son concert offert à la Place des Arts, jeudi soir, n’avait rien pour en atténuer sa propagation.

À la manière dont on tournerait les pages sombres d’un livre sacré, l’Américain de 39 ans a offert l’intégralité de son fameux Carrie & Lowell, un disque concept consacré à la relation plus que particulière entretenue (plus fantasmée que tangible) entre le musicien-chanteur et sa mère, alcoolique, schizophrène et dépressive. Cette maman qui a quitté le foyer familial lorsqu’il était tout petit, abandonnant du même coup les quatre enfants à leur père.

Une mère avec laquelle, au moins, Stevens aura néanmoins pu passer quelques moments sincères avant qu’elle ne décède en 2012.

Pas besoin d’expliquer longuement l’atmosphère de recueillement qui habitait la salle Wilfrid-Pelletier, bondée de gens venus assister à cette quasi-messe musicale. Même les neuf écrans, en forme de losanges allongés, évoquaient les vitraux d’une église. Accompagné de quatre musiciens, dont une jeune choriste-musicienne à la voix d’ange, Sufjan Stevens n’était pas vraiment triste. Il propageait plutôt l’aura d’un homme qui fait la paix, expiant calmement sa colère et sa frustration par l’art thérapie. Comme un chasseur de fantômes, il était sur scène pour calmer ses souvenirs et chanter sa mère disparue. Rien de religieux, non, pas du tout. Rien d’ésotérique non plus. Plutôt une sorte de catharsis passant à travers le prisme folk d’un artiste proposant jusqu’au printemps un travail relativement pop. Par le passé, le prolifique auteur-compositeur-interprète a proposé plusieurs albums de type bien plus commercial. Il a même fait des disques de Noël… De très bon goût cela dit. En fait, depuis ses débuts en 1999, il jouit d’un succès critique enviable.

Sufjan Stevens à la salle Wilfrid-Pelletier

Pour le spectacle qui nous concerne, Stevens a cru bon ajouter du coffre à ses délicats et minimalistes morceaux issus de Carrie & Lowell : son fidèle banjo, guitare électrique, batterie, claviers, piano, et divers outils numériques créant réverbérations vocales ainsi qu’une multitude d’effets sonores. Bien que sa musique soit la plupart du temps très réussie, on pourrait quand même questionner l’utilisation de ces drones sonores qui servent à amplifier le sentiment. Sur la magnifique Fourth of July, par exemple, on ne saurait dire si ces drones servent si bien la chanson.

Qu’à cela ne tienne, rares sont les jeunes chanteurs qui parviennent à irradier à ce point une foule de 3000 personnes. Avec sa voix de tête qui flirte avec le délicat et l’aigu, Sufjan a carrément subjugué les spectateurs. Du moins, une très grande majorité d’entre eux. Certains pourraient trouver l’exercice un peu dramatique. À l’interprétation de la superbe The Only Thing, on aurait pu entendre une âme voler dans l’endroit. Seul à la guitare, Sufjan Stevens était pratiquement à son meilleur. Son très joli doigté à l’instrument crée de très belles harmonies : de brillantes constructions mélodiques à la Paul Simon, qui était au Centre Bell avec Sting, il n’y a pas si longtemps.

«Love, life, death, sorrow and suffering»

Sur des images tantôt puisées dans le passé familial, tantôt dans le paysage nord-américain (monument rocheux de l’Arizona, coucher de soleil au-dessus d’une mer de nuages) les chansons de son plus récent disque ont défilé sans intervention parlée de la part du chanteur. Au terme de cette heure de prière Carie & Lowell, toutefois, Stevens a livré un déconcertant et amusant «témoignage» concernant la singularité de l’environnement au sein duquel il a grandi.

Histoires morbides racontées aux enfants, armée d’animaux en tout genre au foyer familial, autruche à une patte, les visites du psychologue animalier, les cérémonies mortuaires loufoques, sans oublier les croyances spirituelles farfelues de sa grand-mère qui observait le monde dans la lunette de la réincarnation… Pour Stevens, cet univers a teinté sa vie à jamais.

«Enough death, we’re gonna play some old songs» a-t-il dit avant d’offrir six ou sept chansons de ses albums précédents, dont In the Devil’s Territory, To Be Alone With You et Sister.

Çà et là durant le concert, on a pu avoir du mal à saisir toute cette dévotion exprimée à l’égard de l’artiste né à Detroit au Michigan. Même si sa prestation est un brin linéaire et un tantinet prétentieuse, on doit admettre qu’elle est somme toute de grande qualité.

La mort avec dignité comme chante si bien Sufjan Stevens.

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