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Programmes sociaux: financement privé en Saskatchewan

Programmes sociaux: la Saskatchewan se tourne vers le privé
Trevor Bothorel/Radio-Canada

Le gouvernement saskatchewanais se tourne vers des investissements privés pour financer des programmes sociaux, une première au pays qui ne fait pas l'unanimité. Le nouveau mode de financement, connu sous le nom des « obligations à impact social », est à l'essai à Saskatoon depuis 2014 avec le centre d'hébergement pour mères défavorisées Sweet Dreams.

Un investissement d'un million de dollars de la coopérative Conexus et de deux donateurs individuels a permis la création du centre Sweet Dreams qui est géré par le centre pour jeunes EGADZ.

Que sont les obligations à impact social?

Un investisseur accepte de financer un projet social géré par un organisme communautaire. Si ce projet réussit, le gouvernement rembourse l'investissement, plus des intérêts. Si le programme ne réussit pas, l'investisseur perd son argent.

Dans cinq ans, si un nombre suffisant d'enfants sont restés avec leurs mères après leur départ du centre, les investisseurs auront droit à un remboursement, avec des intérêts de 5 % par année. Sinon, les investisseurs ne récupéreront qu'une portion de leur argent, ou rien du tout, selon le nombre d'enfants qui seront toujours avec leur mère après avoir quitté Sweet Dreams.

Un succès, selon le gouvernement

Ce modèle offre aux programmes sociaux choisis un financement immédiat, et il est sans risque pour l'État puisque ce dernier ne paie que pour les projets qui réussissent, soutient la province.

« Tout le risque est porté par l'investisseur et l'organisme communautaire », souligne June Draude, l'ancienne ministre des Services sociaux qui vient d'être nommée secrétaire parlementaire responsable du dossier des obligations à impact social.

Pour le partenaire communautaire, l'obligation à impact social garantit des revenus pendant plusieurs années à la fois, alors que le financement gouvernemental traditionnel doit souvent être reconduit chaque année.

« On n'a pas à s'inquiéter, à se demander si on va devoir fermer les portes du centre », affirme le directeur de Sweet Dreams, Don Meikle.

L'Alberta, l'Ontario, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick veulent aussi mettre sur pied de telles obligations et le gouvernement fédéral examine également le modèle.

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) craint que les gouvernements approuvent uniquement les projets qui ont une forte chance de réussir et que certains programmes plus risqués pour les populations vulnérables, comme les sans-abri, soient mis de côté.

De plus, le syndicat croit que les projets réalisés grâce aux obligations à impact social coûteront au bout du compte plus cher, puisque le gouvernement doit payer les intérêts, les coûts de négociation du contrat et l'évaluation indépendante des résultats.

Plus de flexibilité, selon la province

Le gouvernement saskatchewanais réplique qu'il compte épargner entre 500 000 $ et un million de dollars dans le cas du centre d'hébergement à Saskatoon, entre autres parce que le projet sera plus efficace et flexible que s'il avait été géré par la province.

Gagner de l'argent sur le dos des pauvres

Des voix s'élèvent toutefois contre cette nouvelle façon de faire et soulèvent des questions sur le rôle que doit jouer le secteur privé dans l'offre de services aux personnes vulnérables.

« Sur quels critères allons-nous financer les programmes sociaux? Ce qui est bon pour les investisseurs, ou, ce qui serait bon projet pour la société? »

— Cheryl Stadnichuk, recherchiste au Syndicat canadien de la fonction publique

« En gros ce qu'on dit, c'est que les façons de faire traditionnelles ne fonctionnent pas toujours », dit June Draude.

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Elle affirme aussi que le gouvernement n'arrêtera jamais de financer directement les programmes sociaux plus risqués.

« Le gouvernement sera toujours présent. Le gouvernement n'abandonnera pas les gens. Si nous entrevoyons des risques, nous serons là. »

— June Draude, secrétaire législative pour les obligations à impact social, Saskatchewan

La motivation des investisseurs est remise en question par les critiques des obligations à impact social. Cheryl Stadnichuk montre du doigt la banque Goldman Sachs, qui pourrait gagner 2,1 millions de dollars sur un investissement de 9,6 millions de dollars dans un programme visant à diminuer le récidivisme à New York.

En Saskatchewan, les investisseurs du centre d'hébergement Sweet Dreams affirment ne pas être intéressés par les profits. La coopérative Conexus, qui a versé 500 000 $, affirme qu'elle veut réinvestir ce montant dans un autre projet social éventuellement. Elle ajoute qu'elle n'a pas participé au projet pour avoir un rendement sur son investissement.

Efficacité difficile à évaluer

L'adoption des obligations à impact social est plutôt lente à l'échelle mondiale, faute d'un environnement favorable, selon le professeur d'économie à l'Université du Manitoba John Loxley. La première obligation a été créée en Angleterre en 2010.

Le professeur estime qu'une vingtaine de projets existent maintenant, et que de 30 à 50 autres projets sont en développement. Il est trop tôt, selon lui, pour évaluer l'efficacité de ce nouvel outil.

D'après les informations de William Burr.

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