Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le marché du carbone, c'est quoi au juste?

Le marché du carbone, c'est quoi au juste?
Via Radio-Canada.ca

Le gouvernement ontarien a annoncé le 13 avril qu'il participera lui aussi au marché du carbone avec le Québec et la Californie. Mais qu'est-ce que le marché du carbone et comment fonctionne-t-il?

1. Le marché du carbone, c'est quoi?

Il s'agit d'un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre (GES) produits par les grandes entreprises.

D'une part, le gouvernement impose une limite aux émissions de GES des entreprises les plus polluantes. Cette limite diminue progressivement chaque année afin d'inciter les entreprises à adopter des pratiques écoresponsables, que ce soit en améliorant leur efficacité énergétique ou en utilisant les énergies renouvelables.

D'autre part, les entreprises peuvent s'échanger entre elles les droits d'émission non utilisés.

L'objectif, pour le Québec, est de ramener les émissions de GES à 20 % en dessous du niveau de 1990 d'ici 2020.

En 2012, les émissions québécoises de GES se chiffraient à 78 millions de tonnes d'équivalent CO2, ce qui représentait 11,2 % des émissions canadiennes.

2. Qui est concerné?

Les entreprises qui émettent plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre par an.

Ce sont les papetières, les raffineries, les alumineries, en plus des usines de chaux, de bouletage et de pétrochimie ainsi qu'Hydro-Québec, qui ont dû s'y conformer dès le 1er janvier 2013.

Depuis 2015, le règlement s'applique aussi aux entreprises qui importent ou distribuent au Québec des carburants ou combustibles utilisés dans les secteurs du transport et du bâtiment.

3. Comment ça fonctionne?

Le gouvernement établit un plafond annuel au nombre d'unités d'émission qu'il met en circulation. Pour 2015, ce plafond est fixé à 65,3 millions de tonnes d'équivalent CO2.

Ce nombre va diminuer progressivement pour atteindre un peu moins de 55 millions en 2020.

Un certain nombre de ces unités sont allouées gratuitement aux entreprises oeuvrant dans des secteurs exposés à la concurrence internationale, telles que les alumineries, les raffineries ou les entreprises du secteur de la métallurgie. Cela vise à leur permettre d'améliorer leurs processus technologiques sans toutefois compromettre leur compétitivité et à éviter la délocalisation.

Les producteurs d'électricité ainsi que les distributeurs de carburant et de combustibles n'ont pas droit à des allocations gratuites. Les droits résiduels sont vendus aux enchères.

Dans le cas du marché Québec-Californie, chaque unité (qui équivaut à une tonne métrique de CO2) aura un prix plancher de 12,10 $CA lors de la prochaine vente aux enchères, le 21 mai 2015. Ce prix plancher augmente de 5 % par année.

L'argent récolté par le gouvernement québécois est versé dans le Fonds vert et alloué à des initiatives destinées à lutter contre les changements climatiques.

La vente aux enchères a permis au gouvernement québécois d'engranger 333 millions de dollars depuis le 3 décembre 2013.

Les entreprises qui réussissent à abaisser leurs émissions de CO2 en deçà des quotas fixés obtiennent des crédits qu'elles peuvent vendre sur le marché à celles qui, à l'opposé, ne réussissent pas à respecter leurs quotas.

C'est ce mélange entre marché et environnement qui est particulièrement intéressant, soutient Alain Webster, vice-recteur au développement durable à l'Université de Sherbrooke.

« Ce n'est pas le marché qui va gérer la problématique environnementale, mais on va se servir du marché pour arriver à nos objectifs environnementaux. »

— Alain Webster, vice-recteur au développement durable et aux relations gouvernementales à l'Université de Sherbrooke

4. Comment fonctionne le partenariat avec la Californie?

En avril 2008, le Québec a adhéré à la Western Climate Initiative (WCI), un regroupement d'États américains et de provinces canadiennes qui visent à créer, à terme, un marché régional nord-américain du carbone. Le gouvernement québécois a adopté par la suite une série de lois et de règlements visant à mettre en place le système de plafonnement et d'échange.

Le 1er janvier 2014, le Québec et la Californie, les deux seuls partenaires de la WCI qui y étaient prêts, ont lié officiellement leurs systèmes, créant ainsi le début du marché commun auquel se joint maintenant l'Ontario.

Dans ce marché conjoint, il n'y a pas de distinction entre les unités d'émission de GES émises par le Québec et celles émises par la Californie. C'est-à-dire qu'une entreprise québécoise peut acheter des crédits compensatoires à une entreprise californienne et inversement.

La liaison avec le marché californien permet aux entreprises québécoises d'avoir accès à un plus grand nombre de droits d'émission à meilleur coût. « La logique du marché du carbone, c'est que plus il y a de joueurs, moins vous allez payer cher », explique Claude Villeneuve, directeur de la Chaire en éco-conseil de l'Université du Québec à Chicoutimi.

La Californie émet 447 millions de tonnes de CO2 par année, soit cinq fois plus que le Québec.

Par contre, la réalité californienne est très différente de la réalité québécoise. La population est bien plus importante et le système industriel plus diversifié.

En outre, la Californie a la possibilité de réduire ses émissions de CO2 à un prix moindre que le Québec. Cela est dû en grande partie à l'hydroélectricité. Environ 95 % de l'électricité produite au Québec est de source renouvelable, contre 30 % en Californie. Il y a donc un plus grand potentiel de réduction dans ce secteur, tout comme dans les domaines agricole et forestier.

« On joue perdants avant de partir. »

— Claude Villeneuve, professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi

Les entreprises québécoises étant déjà très performantes, leur demander de réduire encore plus leurs émissions de GES sera difficile et coûteux. « C'est comme si vous demandiez à quelqu'un qui est très en forme de perdre 15 % de son poids, ou si vous le demandiez à quelqu'un qui est obèse. Ce n'est pas comparable », soutient Claude Villeneuve.

Dans ce contexte, l'arrivée sur ce marché de l'Ontario, un joueur plus comparable au Québec, est saluée comme une excellente nouvelle par les spécialistes.

5. Que fait-on ailleurs?

La Colombie-Britannique est membre, elle aussi, de la Western Climate Initiative. Par contre, elle ne participe pas au marché du carbone avec le Québec et la Californie. Le gouvernement de Victoria a plutôt mis en place en 2008 une taxe sur les énergies fossiles qui atteint 30 $ la tonne.

L'Alberta a, elle aussi, instauré une taxe sur le carbone en 2007. Les entreprises qui produisent plus 100 000 tonnes de gaz à effet de serre par année doivent réduire l'intensité de leurs émissions, sans quoi elles doivent payer une amende de 15 $ la tonne. Mais son efficacité est contestée.

Bien que le système de taxation soit plus simple à gérer que le marché du carbone, il n'est pas assuré que l'on obtienne les résultats souhaités, puisque le seul plafond c'est la capacité de payer des entreprises. « On connaît très bien le prix, mais on ne connaît pas l'impact en matière d'émission de GES », soutient Alain Webster, de l'Université de Sherbrooke. « Les entreprises n'ont pas de limites, elles n'ont qu'à payer la taxe et elles émettent ce qu'elles veulent. »

D'autres initiatives :

» Des États européens ont mis en place en 2005 le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE). Au total, 27 pays de l'Union européenne, en plus de la Norvège, de l'Islande et du Liechtenstein, participent à ce programme qui encadre quelque 12 000 installations industrielles. Ces installations comptent pour environ 50 % du total des émissions de CO2 de l'Europe. Ce système a toutefois grandement souffert de la crise de 2008 et des politiques d'austérité. Ses détracteurs soutiennent qu'il est inefficace et coûteux.

» Les États du Nord-Est de l'Amérique du Nord ont créé en 2008 le Regional Greenhouse Gas Initiative, qui impose un plafond aux producteurs d'électricité.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.