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«J'accuse»: Pièce coup de poing au Théâtre d'Aujourd'hui (VIDÉO)

«J'accuse»: Pièce coup de poing au Théâtre d'Aujourd'hui
Ulysse Del Drago

Il y a de ces pièces qu'on devine importantes. D'emblée. Que ce soit le résumé de l'action, hyper accrocheur, le buzz entourant l'oeuvre, les gens qui affluent pour voir vite cette nouvelle pièce qui court sur toutes les lèvres (ou presque). Mais ce n'est - évidemment - pas que ça. Ça tient aussi au talent de la dramaturge qui commence à se faire un sacré beau nom dans le milieu, aux thèmes évoqués, rentre-dedans et pertinents et à la distribution. Forte. Juste. À la première médiatique de J'accuse d'Annick Lefebvre (Ce samedi il pleuvait, Ce qui dépasse) , tous les éléments étaient réunis pour une grande soirée de théâtre.

J'accuse a la beauté des textes qui ont mariné. Qui ont pris du goût avec le temps, avec le travail acharné. J'accuse a la saveur d'une génération, d'une série de femmes qui tentent de se sortir de leur propre existence, leurs propres pièges, mais aussi ceux tendus par la société.

Il y a celle qui vend des bas de nylon et autres accessoires dans la ville souterraine. Pâle, blafarde, excédée par ces femmes «en tailleur beige» qui défilent leur jugement et leur mauvaise foi dans le magasin dans lequel elle travaille de l'aube au crépuscule. Excellente Eve Landry qui nous a habitué à des rôles autrement plus durs, plus agressifs. Ici, c'est un personnage tout en retenue, en frustration contenue qu'on a droit. Un être droit, comme un piquet, qui ne vacille pas sous le vent des insultes et du manque d'excitation du quotidien.

Il y a celle qui se taille - très difficilement - une place vers le prestige, vers l'excellence. Celle qui essaie de réussir en affaires, mais qui est visiblement en train d'y laisser sa peau. Celle qui pense droit(e), qui aime le luxe, l'argent, le confort. Catherine Trudeau, convaincante, statique, bouge à peine, comme prise dans la torpeur de son échec imaginé, presque prévu. Qui sera là pour sa chute? Qui pourra la retenir de tout détruire, elle et sa vie incluse?

Il y a celle qui voudrait tellement se «faire fourrer, défoncer par un vrai Québécois» jouée par la dynamique Alice Pascual. Celle qui vient d'ailleurs et qui démonte habilement préjugés et fausses croyances en quelques phrases. Pour la première fois depuis le début de J'accuse, on sort de la lourdeur qui s'est emparée du Théâtre d'Aujourd'hui. Cette fois, on rit avec soulagement avec celle qui rêve de fonder sa «propre cabane à sucre». Celle qui trouve le Québec «si fort et fragile à la fois».

Il y a celle qui aime beaucoup - vraiment beaucoup - Isabelle Boulay. Debbie Lynch-White campe à merveille ce rôle extrême, inspiré de l'incursion de l'auteure dans un groupe de fans de la chanteuse. L'admiratrice a un but en tête: démonter Annick Lefebvre, celle qui la juge d'aimer autant son idole. Quel délice que ce petit mologue, qui a tiré de nombreux éclats de rire de l'assistance. À travers toute la souffrance contenue dans J'accuse, ce personnage apporte un vent de fraîcheur bienvenu, nécessaire.

Et il y a celle qui vit le deuil de la personne disparue de sa vie, qui ne veut plus lui parler. Celle qui se désole de ne plus avoir de contact avec cet être qui avait toute l'importance du monde pour elle. Comme un souffle qui retombe, le monologue interprété par Léane Labrèche Dor explore à merveille l'abattement qui peut survenir après une grande peine. Quand cuisiner ou s'habiller devient fastidieux, presque cruel. Quand faire une promenade revêt un côté dangereux, de peur de se montrer dans «cet état».

Cinq femmes différentes, cinq monologues, cinq réalités aux antipodes dans une mise en scène efficace, bien fignolée de Sylvain Bélanger. Un tout un peu inégal et pourtant, un point commun. L'envie d'améliorer son sort. Le besoin de croire qu'il existe mieux que cette vie terre-à-terre jonchée de considérations économiques, de responsabilités de toutes sortes, d'origines suspicieuses, de relations mal gérées. Et le public, transporté, ne peut que suivre ces femmes dans l'espoir d'un jour meilleur.

J’accuse sera présentée au Théâtre d’Aujourd’hui du 14 avril au 9 mai 2015. Cliquez ici pour plus de détails.

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