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L'entente Canada-Québec sur l'itinérance confirme les priorités fédérales

L'entente Québec-Canada sur l'itinérance finalement dévoilée
photo of beggar woman reading the book in undergrund subway
Arman Zhenikeyev via Getty Images
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MONTRÉAL — Québec a finalement rendu publique, jeudi, l'entente jusque-là confidentielle conclue avec Ottawa sur l'utilisation des fonds fédéraux pour la lutte contre l'itinérance après que celle-ci eut été entérinée, mercredi, par le conseil des ministres.

Tel que le révélait La Presse Canadienne en début de semaine, l'utilisation des fonds fédéraux est soumise aux mêmes critères que ceux imposés par le gouvernement Harper à toutes les grandes villes canadiennes, ce qui oblige le Québec à en consacrer les deux tiers au programme « Logement d'abord » dans les régions métropolitaines de Montréal et Québec.

La ministre responsable de ce dossier à Québec, Lucie Charlebois, a nié à maintes reprises que l'entente imposait ce pourcentage de 65 pour cent dans les régions de Montréal et Québec, mais cette obligation est clairement inscrite dans la répartition des budgets de 2016 à 2019. Seule l'année 2015-2016 présente une obligation moindre, de 57 pour cent, en raison du fait que les projets de cette année ne seront financés qu'à compter du 1er août.

Cette obligation se traduira par la fin de nombreux projets qui dépendaient des fonds fédéraux. Selon les regroupements d'organismes communautaires œuvrant en itinérance, quelque 300 postes d'intervenants offrant une variété de services à quelque 50 000 personnes au Québec sont menacés parce qu'ils ne répondent pas aux critères du « Logement d'abord ».

« Tout ce qui est services de première ligne, c'est-à-dire travail de rue, hébergement d'urgence, soupes populaires, par exemple, sont des actions particulièrement menacées parce qu'elles n'entrent pas dans les critères pour être admissibles aux 65 pour cent des fonds », a expliqué Anne Bonnefont, du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ).

« On ne pourra donc pas continuer à financer toutes les actions qui étaient financées jusqu'à présent avec seulement 35 pour cent de l'enveloppe. Il va falloir faire des choix », a-t-elle ajouté.

Le milieu d'intervention est aussi particulièrement inquiet de la perte de financement du côté des services psychosociaux et du soutien qui visent la prévention.

«Convergence des priorités»

Dans le communiqué accompagnant la publication de l'entente, la ministre Charlebois affirme désormais que « le Québec a choisi de miser sur les convergences entre les priorités du gouvernement du Québec et celles du gouvernement du Canada ».

La ministre justifie cette convergence par le fait que le Plan d'action qu'elle a présenté en matière d'itinérance place également le logement en priorité.

Le porte-parole péquiste en matière de services sociaux, Jean-François Lisée, estime qu'il faut interpréter cette nouvelle « convergence » comme n’étant rien de moins qu'une capitulation devant le gouvernement fédéral.

« On doit comprendre que la doctrine Harper en matière d'itinérance ç’a été de dire au Québec : si vous voulez l'argent qui vous revient, vous allez être convergents avec notre priorité qui est le Logement d'abord », a-t-il dit.

Cependant, l'approche « Logement d'abord », rebaptisée « stabilité résidentielle avec accompagnement » par Québec, ne permet exclusivement que de soutenir financièrement l'installation en logement privé d'itinérants chroniques et épisodiques avec le soutien d'intervenants communautaires. Cette politique, bien qu'ayant connu un certain succès, implique des investissements importants qui ne desservent qu'une infime minorité de la clientèle itinérante.

Impact très limité

Le Plan communautaire en itinérance de Montréal, par exemple, prévoit des investissements de 5 millions $ par année pour venir en aide à un nombre prévu de 200 à 465 itinérants. Or, bien que le décompte de cette population ne soit qu'approximatif, on évalue entre 20 000 et 25 000 le nombre de personnes itinérantes ou à risque d'itinérance sur ce territoire.

« L'approche du logement d'abord, c'est une approche qui coûte extrêmement cher et qui, avec des fonds colossaux, ne permet de desservir que peu de personnes », a déploré Mme Bonnefont.

« Ces personnes-là, sans doute qu'on va les sortir de la rue et c'est tant mieux. Mais si cet argent était resté sur une approche généraliste, on aurait pu l'utiliser pour aider beaucoup plus de gens, c'est évident », a-t-elle ajouté.

L'Assemblée nationale avait adopté deux motions unanimes réclamant qu'aucune contrainte ne soit rattachée à ces fonds, comme c'était le cas depuis la création en 2001 de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI). La ministre Charlebois était l'une des marraines de la dernière résolution, adoptée en septembre 2014.

Devant l'impossibilité d'utiliser les fonds fédéraux pour les besoins qu'ils jugent essentiels et pour maintenir des projets et interventions déjà en cours, les intervenants du milieu communautaire demandent maintenant à Québec de les combler à partir de ses propres coffres lors du prochain budget Leitao.

La demande est reprise par Jean-François Lisée, selon qui le gouvernement Couillard doit assumer les conséquences de ses choix.

« On leur dit : soit vous allez renégocier une entente conforme à celle que M. (Jean) Charerst avait, que Mme (Pauline) Marois avait. Ils avaient la liberté des sommes qui venaient du fédéral et si vous ne pouvez pas, si vous n'êtes pas assez bons, si vous n'êtes pas assez forts pour négocier les priorités québécoises, compensez pour les sommes qui vont être enlevées aux autres interventions pour les itinérants », a-t-il dit.

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