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Le hijab est permis en cour en Ontario

Ontario: le hijab permis en cour
Radio-Canada

Pendant que le Québec débat du port du hijab au tribunal, l'Ontario semble avoir une longueur d'avance dans le domaine. Non seulement le port du couvre-chef religieux est permis en salles d'audience, mais des balises précises sont en place en Cour supérieure de l'Ontario pour encadrer cet accommodement.

Un texte de Christian Noël

Une surprise attendait Nafisah Chowdury quand elle s'est présentée dans une cour de Toronto avec son hijab. «Le juge m'a demandé si j'étais représenté par un avocat. Je lui ai répondu : "C'est moi, l'avocate, votre Honneur!" Ça l'a un peu surpris», explique-t-elle.

En sept ans de pratique, c'est le seul problème que la Torontoise a vécu en raison de sa confession musulmane.

«Ça ne m'a jamais traversé l'esprit que mon hijab pourrait m'empêcher de pratiquer le droit», explique Nafisah Chowdhury. C'est pourquoi elle se sentait triste, frustrée et fâchée quand elle a appris que la juge montréalaise Eliana Marengo a refusé d'entendre la cause d'une musulmane, Raina El-Alloul, parce qu'elle portait un hijab.

«Si cette femme n'a pas le droit d'aller en cour pour faire respecter ses droits, quels sont ses autres recours? Je n'en reviens pas qu'une juge prenne une décision qui va à l'encontre de la Charte des droits qu'elle est censée protéger.»

— L'avocate torontoise Nafisah Chowdury

Des règles précises

L'Ontario a une longueur d'avance sur le Québec et a établi des balises claires pour encadrer le port de symboles religieux dans ses tribunaux. La Cour supérieure a même un règlement spécifique qui interdit le port du couvre-chef dans les salles d'audience, «sauf pour ceux qui le portent pour des raisons religieuses.»

Les tribunaux ontariens sont forcés de s'adapter parce que le visage de la profession juridique est en plein changement. Le Barreau du Haut-Canada estime que la diversité grimpe en flèche dans les cabinets d'avocats. En 2001, à peine 10 % se considéraient comme une minorité visible. En 2013, c'est 57 %.

«Quand j'ai obtenu mon diplôme en droit, dit Nafisah Chowdhury, j'étais la seule à porter le hijab. Maintenant, on voit plus d'étudiantes, d'avocates et même du personnel de la cour qui le portent.»

La jurisprudence

1998 - Cour d'appel de l'Ontario

Cas : Le juge demande à un membre du public de quitter sa salle d'audience parce qu'il porte un bonnet de prière musulman. Il évoque des raisons de décorum (comme la juge Marengo l'a fait à Montréal).

Décision : «Le juge Whealy a erré en droit» dans sa décision d'exclure cette personne. «Le port du couvre-chef religieux doit être permis tant que ça ne compromet pas l'intégrité, le respect et l'ordre de la Cour, et qu'il n'empêche pas l'administration de la justice.»

2012 - Cour suprême du Canada

Cas : Une présumée victime d'agression sexuelle souhaite témoigner en portant son niqab (un voile qui cache tout le visage sauf les yeux).

Décision : «Il faut trouver un équilibre entre la conviction religieuse de la témoin et le droit de l'accusé à un procès équitable.» «Une réponse séculaire qui demande à un témoin de laisser sa religion à la porte d'entrée du tribunal est inconsistante» avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Une progression lente

Mais la situation en Ontario était différente il y a 20 ans, se souvient le député ontarien Jagmeet Singh, qui est aussi un avocat criminaliste. «Comme étudiant en droit portant le turban et le kirpan (lame cérémoniale), je n'avais pas accès aux salles d'audience.» Mais quand il est devenu avocat, le rapport de force a changé.

«Quand je me suis présenté en cour de Brampton pour mon premier cas, la sécurité a refusé de me laisser passer. Donc, j'ai parlé au chef de la sécurité, et on s'est entendus. Tout le monde a été mis au courant que je porte ces symboles religieux et que ce n'est pas un danger.»

«Si l'accès à la justice est refusé pour des motifs religieux, ça attaque les fondements mêmes de la démocratie.»

— Jagmeet Singh, député et avocat

Jagmeet Singh s'explique mal la décision de la juge montréalaise. «Dans certaines cultures, c'est respectueux d'enlever son chapeau, dit-il. Mais pour d'autres cultures, c'est un signe de respect que de garder son couvre-chef.»

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