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Crise au CHUM : Barrette «a toute ma confiance», dit Couillard

Crise au CHUM : Barrette «a toute ma confiance», dit Couillard
Quebec Prime minister Philippe Couillard gives a press conference following his meeting with French Prime Minister at the Hotel Matignon in Paris, on March 6, 2015. AFP PHOTO KENZO TRIBOUILLARD (Photo credit should read KENZO TRIBOUILLARD/AFP/Getty Images)
KENZO TRIBOUILLARD via Getty Images
Quebec Prime minister Philippe Couillard gives a press conference following his meeting with French Prime Minister at the Hotel Matignon in Paris, on March 6, 2015. AFP PHOTO KENZO TRIBOUILLARD (Photo credit should read KENZO TRIBOUILLARD/AFP/Getty Images)

La crise au CHUM est telle qu'elle contraint le premier ministre, qui termine une mission en France, à réitérer son appui à son ministre de la Santé, Gaétan Barrette, visé par des allégations d'ingérence politique. « Mon ministre a toute ma confiance. On a besoin de quelqu'un comme lui pour faire les changements importants dans le système de santé du Québec notamment, et surtout pour le bénéfice des patients », a insisté Philippe Couillard.

Le premier ministre se refuse à parler lui-même de crise, mais il reconnaît que la situation du CHUM « n'est pas bonne ». Et il mandate le ministre Barrette « d'aller vérifier » les « problèmes de gouvernance » dans cet établissement, pilier du monde de la santé à Montréal.

Bien qu'il l'assure de son appui, M. Couillard n'est pas allé jusqu'à dire qu'il soutenait la version de Gaétan Barrette quant aux événements qui ont mené aux démissions successives du directeur général du CHUM, Jacques Turgeon, du président du conseil d'administration, Jean-Claude Deschênes, ainsi que de plusieurs membres du C. A.

Rappelons que Jacques Turgeon, dans sa lettre de démission, accuse le ministre Barrette « d'ingérence et d'abus de pouvoir ». En dépit de ces accusations, le ministre Barrette a offert au DG démissionnaire de revenir sur sa décision de quitter le CHUM. « Ma main est tendue », a insisté le ministre.

Quant à Jean-Claude Deschênes, il justifie son départ dans une lettre où il parle de « l'insistance » du ministre de la Santé et de ses « interventions répétées » au cours des derniers mois « qui ne correspondent en aucun point aux règles de gouvernance que je défends depuis 30 ans ».

M. Deschênes va jusqu'à qualifier de « chantage inacceptable » le comportement du ministre de la Santé.

« Des chicanes de docteurs », soutient Gaétan Barrette

Mais alors que l'ex-DG de l'hôpital ainsi que les membres démissionnaires du C. A. de l'établissement parlent d'ingérence, le ministre voit la chose d'un autre oeil et insiste pour dire qu'il y a un dénominateur commun aux événements qui secouent le CHUM : « des chicanes de docteurs ».

Dans le but ultime de résoudre ce qu'il appelle des problèmes de gouvernance médicale, Gaétan Barrette suit la recommandation de son premier ministre en mandatant une équipe qui va « aller au CHUM afin de faire le point ».

« C'est pas vrai qu'en raison de ces circonstances, le train va dérailler. Le CHUM va arriver à destination, la qualité des soins va être maintenue, mais on va arrêter la dynamique des chicanes de clocher. »

— Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette

« À la suite de la démission de leur président, Jean-Claude Deschênes, certains membres du C. A. du CHUM [NDLR : qui en compte une vingtaine] ont également quitté leurs fonctions aujourd'hui, tandis que d'autres poursuivent leur réflexion », a fait savoir le CHUM par voie de communiqué en fin d'après-midi, vendredi.

« Les membres du conseil d'administration du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) ont exprimé à l'unanimité leur profond désaccord avec l'ingérence du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, M. Gaétan Barrette, lors d'une assemblée spéciale. »

— Extrait du communiqué publié par la direction des communications du CHUM

Philippe Couillard dit avoir « pris acte » des démissions survenues dans les dernières 24 heures. Le premier ministre dit que pour la suite des choses au CHUM, des gens seront nommés par intérim.

Des interprétations différentes et opposées

Le contentieux opposant MM. Turgeon et Deschênes au ministre de la Santé porte sur la sélection du chef du département de chirurgie du CHUM, poste prestigieux et important occupé par le Dr Patrick Harris depuis des années.

Jacques Turgeon, le DG démissionnaire, allègue que le ministre Barrette a fait preuve d'ingérence en voulant lui imposer le maintien en poste du Dr Harris durant un an, soit le temps que le CHUM déménage au 1000, rue St-Denis. De son côté, Gaétan Barrette affirme qu'il a « suggéré » à M. Turgeon de laisser en poste les sept chefs de département, dont le Dr Harris, durant cette période critique de transition pour l'établissement.

Plus encore, Jacques Turgeon avance que le maintien du Dr Harris était une condition sine qua non à sa propre reconduction au poste de DG du CHUM, ce que nie Gaétan Barrette.

En entrevue à l'émission 24/60, M. Turgeon a affirmé que le sous-ministre de la Santé, Michel Fontaine, a utilisé l'expression « sine qua non » lors d'une conversation téléphonique ayant eu lieu entre les deux hommes, mercredi soir.

Il a ajouté qu'un autre membre démissionnaire du C. A. du CHUM, le Dr Paul Perrotte, a été contacté mardi soir par le ministre Barrette, et que ce dernier a aussi employé « le conditionnel », disant que M. Turgeon devrait comprendre qu'il n'aurait pas le poste de DG.

Il faut savoir que dans le contexte de la loi 10 et de la réduction draconienne du nombre d'établissements qu'elle entraîne, toutes les directions d'établissement sont remises en cause.

Département de chirurgie : un processus de nomination semé d'embûches

Le CHUM a mis sur pied successivement deux comités de nomination pour trouver qui prendrait la tête du département de chirurgie.

En entrevue à RDI, le ministre Barrette a expliqué qu'en octobre dernier, le candidat choisi par le premier comité n'avait pu être retenu par le C. A. parce qu'il était lié à une enquête policière. Aucune accusation ne pesait cependant sur le candidat en question.

Néanmoins, dans ce contexte, le ministre Barrette, qui avait été informé par écrit de « ces travers » par des « sonneurs d'alerte », affirme avoir demandé aux dirigeants du CHUM : « Est-ce à propos d'aller de l'avant avec cette recommandation-là? La réponse fut non et la nomination n'a pas été faite ».

Le président démissionnaire du C. A. du CHUM, Jean-Claude Deschênes, a précisé par ailleurs que l'établissement avait congédié cinq personnes dans la foulée de cette enquête policière. Aucun de ces congédiements ne visait le médecin qui avait été pressenti pour diriger le département de chirurgie.

En entrevue à notre journaliste René St-Louis, le Dr Fred Saad, qui était « à sa connaissance », la personne retenue par le comité, affirme qu'il n'est lié à aucune enquête policière. Celui qui est chef du service d'urologie de CHUM reconnaît qu'un employé de son service a été congédié, il a plus d'un an, et qu'il y a eu une enquête, mais ne comprend pas pourquoi cela est venu bloquer sa nomination. « L'employé du CHUM ça n'a jamais été relié à moi », insiste-t-il.

« D'entendre le ministre dire... c'est comme si on essaie de justifier pourquoi on a fait de l'ingérence. »

— Dr Fred Saad

Un second comité de nomination, en février, a été instauré, toujours pour nommer le chef de département de chirurgie. Le ministre Barrette affirme que des médecins l'ont informé par écrit de « la partialité » qu'ils percevaient dans la façon de procéder dudit comité.

Lundi dernier, Gaétan Barrette affirme avoir reçu dans son bureau le DG Jacques Turgeon. Il affirme que ce dernier l'a informé qu'il portait son choix sur le Dr Michel Carrier, un chirurgien cardiaque de l'Institut de cardiologie de Montréal.

« Le directeur général m'annonce qu'il a choisi son joueur avant que le comité de nomination ait siégé », s'étonne encore le ministre Barrette en relatant cette rencontre.

Gaétan Barrette affirme n'avoir rien contre le Dr Carrier. Il spécifie que ce n'est pas ce médecin qui était lié à l'enquête policière de l'automne dernier. Gaétan Barrette a néanmoins désapprouvé le choix du Dr Carrier, « à qui on demandait de cumuler deux postes à plein temps », dit-il.

Jacques Turgeon affirme pour sa part qu'il n'avait pas arrêté son choix sur le Dr Carrier. Il affirme avoir mentionné son nom lorsqu'il parlait au ministre des candidatures externes reçues, disant que celle de M. Carrier était « avancée » et qu'il était pressenti « du côté de la direction du département de chirurgie universitaire ». Mais selon M. Turgeon, il ne s'agissait que d'un exemple, et au moins trois autres noms figuraient sur la liste des candidats externes.

Selon le DG démissionnaire et dans les mots du président démissionnaire du C. A. du CHUM, Jean-Claude Deschênes : « Le Dr Barrette a insisté à de multiples reprises auprès du président du CMDP [Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens], encore tout récemment, auprès du DG et à mon endroit aussi pour que l'on nomme le Dr Harris chef du département de chirurgie. » Une version des faits que ne cesse de démentir le ministre de la Santé.

Le style de gestion de Gaétan Barrette

En entrevue à RDI, Gaétan Barrette martèle que son style de gestion ne consiste pas à prendre tout le contrôle : « Mais c'est absolument le contraire, le projet de loi 10 est un projet pour faire en sorte que les gens se responsabilisent. Mais encore faut-il qu'ils le fassent ».

Du point de vue de Jacques Turgeon, le DG démissionnaire du CHUM, « la loi 10 donne des pouvoirs au ministre. Si on pense qu'on lui en a trop donné, c'est qu'il y a des processus qui devraient être revus. [...] Dans les heures qui viennent, il y aura une série d'annonces sur les nouveaux DG et PDG [d'établissements] que le ministre va lui-même nommer. Ça commence ».

Quant à sa démission, Jacques Turgeon affirme avoir pris une décision « réfléchie », basée sur ses valeurs et son intégrité.

« Je n'avais qu'à attendre jusqu'à lundi que le ministre ne me nomme pas; je passais GO et récupérais une très belle somme. En démissionnant, il est très clair que j'en ai pas de prime. »

— Jacques Turgeon, DG démissionnaire du CHUM

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