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«Les Métamorphoses» d'Anne Guilbault: dépouillement et recommencements (ENTREVUE)

«Les Métamorphoses» d'Anne Guilbault: dépouillement et recommencements
Courtoisie

Le décompte débute à une semaine du point de bascule. D’ici sept jours, un immeuble à logements cédera le passage à une autoroute, signant ainsi le début de la fin pour une jeune fille révoltée et son voisin, un homme gris chérissant l’époque où sa femme et son fils peuplaient ses jours.

Après la publication de Joies, qui figurait parmi les finalistes du Prix des collégiens en 2009, l’écrivaine Anne Guilbault a senti le besoin d’écrire sur les petits et les grands deuils, la page que l’on refuse de tourner, le recommencement que l’on espère, la transformation que l’on craint. Elle a finalement mené son idée à bon port dans son sixième roman, Les Métamorphoses.

« J’étais habitée par une idée fixe. Je voulais me pencher sur cette impression qu’ont les gens qui traversent une période de stabilité et qui souhaitent que rien ne change. Pourtant, après le passage d’un passage difficile, on s’aperçoit que la transformation était nécessaire et que les choses se replacent comme elles devaient être replacées. »

Pour ce faire, l’écrivaine a imaginé trois voix bien distinctes. Sophie l’indignée, une adolescente de 13 ans, dotée d’une maturité d’adulte et d’une fragilité d’enfant, amplifiée par la douleur d’avoir perdu son père. Adrien, un homme hors de son corps, accaparé par la souffrance d’avoir été quitté par sa femme et délaissé par son fils adoptif. Et Paz, un jeune immigrant qui a lui aussi subi un décompte de sept jours, durée pendant laquelle il a fait son chemin jusqu’au Canada, confiné dans un conteneur.

D’abord immortalisé sur des enregistrements audio, le périple du garçon est retranscrit par Adrien, qui tente d’apprivoiser sa perte. Il se sert de l’écriture pour se réconcilier avec la vie, alors que les mots ont une tout autre portée pour sa jeune voisine.

« Sophie écrit son désarroi d’adolescente. Elle a l’impression que sa mère n’est pas assez présence et elle s’ennuie de son père. Elle utilise son journal comme un déversoir, pour y abandonner toute sa rage. Pour Adrien, l’écriture permet de faire le tri entre ce qu’il veut garder ou non de l’histoire de Paz, un peu comme il doit faire le tri entre les blessures qu’il veut conserver et celles qu’il doit laisser aller, avant de quitter son appartement. »

Amoureux délaissé et papa n’ayant plus personne à protéger, Adrien tente de profiter de ses derniers jours dans un lieu où il a été heureux, avant que les murs de sa mémoire s’écroulent. « C’est sûrement pour ça que le roman est si court. Mes personnages sont obligés de ne conserver que l’essentiel. Dans la vie, c’est rare qu’on soit confronté à une date butoir, après laquelle notre existence ne sera plus jamais la même. »

Le sablier s’égrène, une phrase à la fois, laissant aux lecteurs le soin de déguster l’économie de mots d’Anne Guilbault. « J’ai toujours admiré des auteurs comme Agota Kristof et Samuel Becket pour leur sens du dépouillement. J’ai l’impression qu’on atteint quelque chose d’essentiel en enlevant ce qui fait trop littéraire. »

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