Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

« Rocco » : Emio Greco donne un uppercut à la danse contemporaine (ENTREVUE)

« Rocco » : Emio Greco donne un uppercut à la danse contemporaine
Laurent Ziegler

À l’image de Billy Elliot, le personnage du film de Stephen Daldry qui préférait suivre des cours de danse, plutôt que d’apprendre les rudiments de la boxe comme son père le désirait, le chorégraphe Emio Greco a été initié au sport de combat, avant de se dédier à la danse. Loin de répudier la discipline que tentait de lui inculquer son père, il transforme aujourd’hui des danseurs en boxeurs et se permet d’installer un ring en plein cœur de la Cinquième Salle.

« Rocco » : Emio Greco

« Rocco » : Emio Greco

Formé en ballet et en danse contemporaine, Greco aime briser les limites de son art, en le mariant aux codes de la boxe. Un sport qu’il a découvert à l’âge de cinq ans. « Comme mon père avait déjà fait de la boxe, le sport faisait partie de nos vies. On regardait des matchs entre Mohammed Ali et George Foreman à la télévision. Je faisais des exercices à la corde, des petits pas de vitesse et des positions pour protéger son visage. »

Il affirme sans détour qu’il détestait ça. « Je ne voyais que la violence gratuite. Avec le temps, en parlant avec mon père, j’ai découvert que l’aspect fondamental de la boxe n’était pas de faire du mal à l’autre, mais de savoir lire son adversaire pour éviter d’être blessé. »

En collaboration avec Pieter Scholten, avec qui il dirige la compagnie de danse contemporaine ICKamsterdam, Greco a imaginé une chorégraphie représentant les contradictions des relations entre hommes : la confrontation, le partage, la rivalité, la tendresse, la violence, la fraternité, la haine, le masculin et le féminin.

« En plaçant les danseurs sur un ring, dans un espace limité, on arrive à faire ressortir toutes ces facettes du corps. Des contrastes dont on n’a pas toujours conscience, mais qui nous constituent tous. »

Il s’est inspiré directement de Rocco and his brothers, un film de Luchino Visconti, où deux frères débutent la boxe, en espérant trouver une nouvelle façon de s’accomplir. « Dans le film, le destin des personnages passe à travers leurs corps. Rocco se donne entièrement à la boxe. Vers la fin, il essaie d’éponger ses péchés sur le ring, comme une sorte de sacrifice. »

Œuvre casse-gueule

Les quatre danseurs dirigés par Greco et Scholten prennent les multiples visages de la rivalité masculine : Caïn et Abel, Romulus et Remus, Rocco et ses frères, sorte d’incarnations manichéennes de l’humanité. Une œuvre d’une telle intensité que les blessures abondent chez les interprètes : l’un d’eux est parti en ambulance en raison d’une blessure pendant la création, deux se sont brisé le nez, tous portent un protecteur de dents durant le spectacle et deux accidents sont survenus pendant les représentations.

« Chaque fois, les incidents ont eu lieu à la fin du spectacle, donc on a pu terminer. Les danseurs prennent beaucoup de risques dans ce contexte de proximité et de confrontation. Je crois que ça insuffle quelque chose de vrai et de réel à l’ensemble. »

De toute évidence, il faut des danseurs bien particuliers pour exprimer l’imaginaire du tandem. « Ça prend des hommes qui ont des corps solides et fluides, capables de se métamorphoser profondément pour exprimer des situations de défense et de péril, avec un très grand sens du rythme, ce qui est primordial en boxe. Ils doivent arriver à danser quelque chose qui n’est pas de la danse. »

En plus d’avoir fait construire un ring de boxe, les créateurs tentent de recréer la tension dramatique d’un combat, avec des percussions puissantes, qui viennent hachurer les rondes du match. Un contexte qui provoque des réactions bien différentes d’un pays à l’autre.

« Certaines cultures sont timides, alors que d’autres se sentent très interpellés par la proximité du ring et du geste. Au Pays-Bas et en France, les spectateurs réagissaient très fort, alors qu’aux États-Unis, on sentait un éblouissement pendant la représentation et un relâchement dans les réactions à la toute fin. »

Présenté du 3 au 14 mars à la Cinquième Salle, Rocco est une coprésentation de Danse Danse et Place des arts. Cliquez ici pour plus de détails.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.