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Ces riches Québécois qui ont des comptes en Suisse

De riches Québécois avec des comptes en Suisse
GENEVA, SWITZERLAND - FEBRUARY 09: A HSBC logo is seen on HSBC offices on February 9, 2015 in Geneva, Switzerland. (Photo by Harold Cunningham/Getty Images)
Harold Cunningham via Getty Images
GENEVA, SWITZERLAND - FEBRUARY 09: A HSBC logo is seen on HSBC offices on February 9, 2015 in Geneva, Switzerland. (Photo by Harold Cunningham/Getty Images)

Les familles Adams, Joseph Kruger II et Leo Stroll font partie de ces Québécois richissimes qui ont déclaré leurs comptes en Suisse. Mais d'autres contribuables bien nantis ont profité du secret bancaire pour cacher leurs avoirs, selon les données obtenues par l'émission Enquête.

Un texte de Frédéric Zalac

Plusieurs milliardaires québécois faisaient affaire avec la succursale de la HSBC Private Bank à Genève, l'institution financière qui a fait l'objet d'une fuite sans précédent de ses données confidentielles. En raison de cette fuite, certains d'entre eux ont dû subir des vérifications des autorités fiscales canadienne et québécoise. Ils avaient déclaré leurs avoirs au fisc.

Leurs noms et les détails de leurs comptes en Suisse se trouvent dans les données HSBC obtenues par le journal Le Monde et partagées avec le Consortium international des journalistes d'investigation et avec l'émission Enquête. Certaines données de la fuite couvrent une période allant de 1988 à 2007.

Détenir un compte bancaire en Suisse n'est pas illégal en autant que les fonds et les revenus sont déclarés.

La famille Adams

On y apprend que la famille Adams, une des familles les plus riches du Québec, a ouvert des comptes à la HSBC de Genève en 2004. Marcel Adams et son fils Sylvan ont fait leur fortune dans l'immobilier en construisant des centres commerciaux, dont les Galeries de la Capitale, à Québec, et le quartier Dix30 de Brossard.

Sylvan Adams dit avoir déclaré ces comptes suisses au fisc depuis le tout début.

« On a fourni les informations à Revenu Canada et Revenu Québec, et tout est légitime. Il n'y a aucun aspect de ça qui n'est pas normal. Il n'y a pas de compte caché. » — Sylvan Adams

Les documents internes de la HSBC, qui datent de 2006 et 2007, montrent que Sylvan Adams détenait un compte contenant une somme colossale : plus de 800 millions de dollars américains. Ce compte était au nom de la Summit International Bank, une banque privée constituée par la famille Adams à la Barbade en 2006.

Le site web de la banque Summit indique qu'elle a été créée « pour gérer la fortune d'une famille canadienne », mais sans la nommer.

Selon le site web, la banque Summit possède des actifs de plus d'un milliard de dollars américains, et elle n'offre ses services de gestion de fortune qu'à un groupe restreint de familles et d'individus bien nantis.

C'est une stratégie particulièrement avantageuse, car, à la Barbade, le taux d'imposition sur les revenus engendrés par une somme de cette envergure est presque nul, allant de 0,25 % à 2,5 %.

Selon André Lareau, professeur de droit fiscal à l'Université Laval, les profits réalisés dans le cadre de cette opération peuvent ensuite être rapatriés au Canada sans payer d'impôt, puisque le Canada a signé une convention fiscale avec la Barbade.

« Il y a une compétition déloyale créée par l'utilisation de pays comme la Barbade, compte tenu des sommes qui entrent au Canada en franchise d'impôt. » — André Lareau, professeur de droit fiscal

Sylvan Adams dit ne plus pouvoir bénéficier d'un tel avantage. « Ils ont changé les règles récemment, et cette structure n'existe plus », dit-il, mais sans spécifier quelles règles ont changé.

Joseph Kruger II

Le propriétaire du géant des pâtes et papiers Kruger se trouve aussi parmi les clients de la HSBC à Genève. Joseph Kruger II a ouvert un compte en 1999.

Le milliardaire québécois a toujours déclaré tous ses revenus au Canada et au Québec, dit son avocat. Il ajoute que Revenu Québec a contacté son client il y a plus d'un an dans le cadre de l'enquête HSBC, et qu'il leur a remis « tous les documents montrant que tous ses revenus avaient été déclarés et que tous les impôts avaient été payés ».

Les Stroll

Le milliardaire d'origine montréalaise Lawrence Stroll et son père, Leo, figurent également dans les données de la banque suisse. Lawrence Stroll possède le circuit de course automobile du Mont-Tremblant et a fait fortune en finançant les designers Tommy Hilfiger et Michael Kors.

Selon l'avocat de Leo Stroll, le compte bancaire à la HSBC Private Bank est relié à une fiducie constituée par Lawrence Stroll, un résident de la Suisse, au bénéfice de son père et d'autres membres de sa famille.

Cette fiducie est liée à des sociétés enregistrées aux îles Vierges britanniques et au Panama. Leo Stroll, qui habite au Québec, a fait l'objet d'une vérification par l'Agence du revenu du Canada à la suite de la fuite HSBC. Selon l'avocat de l'homme d'affaires, les autorités ont déterminé que tant la fiducie que M. Stroll étaient en règle avec le fisc canadien.

Comptes secrets et paradis fiscaux

Les milliardaires n'étaient pas seuls à utiliser les services personnalisés et confidentiels de la succursale suisse. Parmi les 1859 individus et sociétés reliés au Canada, on trouve des ingénieurs, des avocats, des médecins, des professeurs, des architectes, des femmes au foyer et même un pilote d'Air Canada. Des entrepreneurs de l'industrie du textile et du prêt-à-porter de Montréal y sont nombreux, de même que des joailliers et des diamantaires.

Il y a aussi deux opticiens, Raouf Greiche et Nagib Scaff. Ils ont fondé la populaire entreprise de lunetteries Greiche & Scaff, qu'ils ont vendue l'année dernière. Les données de la fuite indiquent que Raouf Greiche possédait plusieurs comptes à numéro et un compte au nom d'une société enregistrée aux Iles Vierges britanniques, le Pantonhill Group.

Nous avons joint M. Greiche, mais il a dit ne pas avoir connaissance de quoi que soit. « Je ne suis pas au courant de cette affaire-là », nous a-t-il répondu.

Les données bancaires indiquent que Nagib Scaff possédait également plusieurs comptes à numéro ainsi qu'un compte relié à une fondation enregistrée au Liechtenstein. « Je ne veux pas parler de ça parce que ce n'est pas une bonne idée », a dit Nagib Scaff au téléphone avant de raccrocher.

Les données révèlent aussi qu'un médecin de famille montréalais, Irwin Rodier, cherchait le secret à tout prix. Son dossier bancaire comportait un avertissement formel : il ne voulait jamais être contacté par la banque, que ce soit par courriel ou par téléphone.

« Ce client est un peu parano. Chaque fois qu'il vient à Zurich, il vole vers Paris et loue une voiture pour se rendre à Zurich afin qu'on ne puisse pas retracer sa destination finale. » — Extraits des notes des banquiers suisses concernant Irwin Rodier

Le Dr Rodier dit avoir depuis régularisé sa situation avec Revenu Québec et l'Agence du revenu du Canada grâce au programme de divulgation volontaire.

Des contribuables récalcitrants

Si 264 contribuables canadiens se sont confessés au fisc, d'autres contestent les démarches des autorités fiscales devant les tribunaux.

En avril 2013, le fabricant de prêt-à-porter montréalais Maurice Azram a demandé l'annulation des procédures de Revenu Québec à son endroit sous prétexte que l'information concernant les comptes HSBC a été volée.

En décembre dernier, un juge de la Cour du Québec a tranché en faveur de Revenu Québec, ordonnant à M. Azram de produire toutes les informations demandées par le fisc.

Deux autres contribuables, le Montréalais Tarek Sabra et le Vancouvérois Sohrab Kadkhod, ont demandé à la Cour fédérale l'annulation des procédures de l'Agence du revenu du Canada à leur endroit, car, entre autres, l'enquête fiscale reposait sur des documents volés. Dans les deux cas, les contribuables ont éventuellement abandonné leurs procédures contre l'Agence.

Revenu Québec a également intenté des procédures civiles contre Aaron Kadoch, propriétaire de boutique d'alimentation Cité cachère, à Montréal, pour avoir omis de déclarer les placements détenus dans ses comptes HSBC, totalisant plus de 1,7 million de dollars américains.

Jusqu'à maintenant, les agences fiscales canadienne et québécoise ont récupéré 63 millions de dollars en impôts impayés auprès des contribuables qui avaient caché leurs avoirs à la HSBC.

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