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SLR et pont Champlain: l'achalandage gonflé pour favoriser un train? (VIDÉO)

SLR et pont Champlain: l'achalandage gonflé pour favoriser un train?

Radio-Canada a obtenu un rapport du ministère des Transports qui laisse entendre qu'on aurait fait des prévisions d'achalandage beaucoup trop optimistes pour justifier une technologie pour le transport sur rails sur le nouveau pont Champlain. Le rôle de Bombardier et de SNC-Lavalin dans les études de l'AMT soulève aussi des questions.

Un texte de Marie-Maude Denis et de Martyne Bourdeau

Nous avons découvert qu'à la suite d'un appel d'offres, l'Agence métropolitaine de transports (AMT) a confié pendant des années plusieurs aspects de ses études à un consortium formé notamment de Bombardier et de SNC-Lavalin, qui ont un intérêt évident à soumissionner pour obtenir le contrat.

L'ancien chef de Projet Montréal Richard Bergeron, qui siège désormais au comité exécutif de la Ville de Montréal, s'interroge.

« Comme ils [Bombardier] ont l'expertise dans toutes les technologies, comment se fait-il qu'on soit tombé sur la plus chère? »

— Richard Bergeron, conseiller municipal

SLR ou métro de surface?

Contrairement au métro de surface, comme le Skytrain de Vancouver, le système léger sur rail (SLR) peut partager une voie avec d'autres modes de transports. On désigne aussi le SLR par les noms de trolleybus ou de tramway, selon l'American Public Transportation Association.

Quant au tram-train, c'est un tramway qui compte plus d'une voiture, et qui peut circuler à la fois en milieu urbain ou sur une voie qui lui est dédiée.

Le projet à l'étude par l'AMT ressemble plus à un véhicule lourd sur rail, puisqu'il prévoit des voies où sont exclus d'autres véhicules. Ce moyen de transport nécessite généralement des investissements plus élevés. On utilise également les termes métro de surface, trains surélevés ou encore transport rapide sur rail.

Bombardier et SNC-Lavalin nous ont répondu que c'est l'AMT qui a dicté le choix technologique, et que plusieurs fournisseurs peuvent répondre aux critères qu'ils ont recommandés. Bombardier précise qu'un comité d'experts validait la neutralité des recommandations.

Mais les spécialistes que nous avons consultés y voient une pratique inacceptable. François Pépin, ingénieur retraité de la Société de transport de Montréal (STM), fait partie du nombre.

« C'est une pratique condamnable parce qu'une firme qui va participer à la réalisation du projet éventuellement comme manufacturier du matériel roulant vend une technologie. Ces firmes-là devraient être exclues des études en amont. C'est certain que pour la population en général, il y a définitivement apparence de conflit d'intérêts », estime-t-il.

Depuis 15 ans, les gouvernements ont fourni 40 millions de dollars à l'AMT, qui à ce jour en a dépensé 22 millions pour étudier le SLR. Des études ont mis de l'avant un système calqué sur le Skytrain de Vancouver. Un métro de surface automatisé, beaucoup plus cher que des trains plus légers.

Le gouvernement lui-même a contribué à la confusion. Voici la photo que le ministère des Transports a remise aux journalistes en 2013 pour illustrer le SLR. Il s'agit du MGM CityCenter Shuttle, à Las Vegas. Un train relié par câble qui peut parcourir un maximum de 3 km, donc inutile pour traverser le pont Champlain.

« Le SLR dont on nous parle, c'est une structure, malgré son nom, qui est assez lourde. C'est un train qui devra circuler dans des voies dédiées, parfois surélevées, parfois sous terre. Donc les infrastructures qu'on devra construire pour permettre à ce SLR de circuler sont importantes. »

— Jacques Roy, professeur titulaire au Département de gestion des opérations logistique à HEC Montréal

Voici un extrait du reportage d'Enquête au sujet des différents modes de transports. Explications entre autres de l'ingénieur à la retraite François Pépin :

93 documents d'étude et 0 train

  • Depuis 1999, Québec a consacré 40 millions de dollars - dont la moitié a été dépensée à ce jour - pour 93 documents d'étude, dont 59 à l'Équipe SLR métropolitain, un consortium formé notamment de Bombardier et de SNC-Lavalin.
  • La dernière étude de l'AMT, réalisée par AECOM en 2013 et rendue publique par La Presse en 2014, précise que son « mandat se situe ainsi au niveau des études préparatoires, en amont des études d'avant-projet ».

Des prévisions d'achalandage surestimées

Au-delà du conflit d'intérêts potentiel et du choix de la technologie, on peut se demander si l'AMT a surestimé l'achalandage pour justifier un métro de surface. Une étude de 2013, commandée par l'agence de transports, prédit que d'ici 2061, le nombre d'usagers du transport en commun va plus que doubler avec un SLR sur le pont Champlain.

« Pour prendre une image très simple, si on double l'achalandage du transport collectif actuellement, c'est la moitié des usagers, ben il n'y aura plus personne en auto sur le pont. C'est très surprenant. »

— François Pépin, ingénieur retraité de la STM

Or, le ministère des Transports du Québec a fait examiner cet automne les prévisions de l'AMT par un comité d'experts indépendants. Le verdict est sans appel. « Nous estimons que le scénario de demande optimiste mis de l'avant par l'AMT [...] n'est pas réalisable, et que le scénario conservateur est probablement surévalué. » Les experts concluent que certaines études de l'AMT« visent à entériner un choix technologique ».

La conclusion de leur rapport est accablante : les prévisions d'achalandage de l'AMT « ne peuvent même pas permettre de prendre une décision éclairée sur le choix du mode de transport à privilégier sur le pont Champlain ».

Ne manquez pas la version intégrale de ce reportage à 21 h ce soir à l'émission Enquête sur ICI Radio-Canada Télé.

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