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Ahmed, 8 ans, entendu par la police après des propos sur Charlie Hebdo: comment en est-on arrivé là?

Ahmed, 8 ans, entendu par la police après des propos sur Charlie Hebdo: comment en est-on arrivé là?

En France, les suites policières et judiciaires des attentats du début janvier prêtent décidément à polémique. Ce jeudi 29 janvier, c'est l'audition d'un enfant de huit ans par la police qui prête à discussion. Le hashtag #Ahmed8ans était même l'un des plus utilisés en France sur Twitter durant la matinée. "Un commissariat, ce n'est pas la place d'un enfant de huit ans. Cette affaire illustre le climat de tension et d'hystérie collective", estime Sefen Guez Guez, avocat de la famille du jeune Ahmed, entendu mercredi pendant quelques minutes dans un poste de police de Nice.

"Les policiers et les enseignants ont parfaitement agi compte tenu du contexte. Il faut arrêter avec le monde des bisounours", a affirmé à l'inverse sur iTélé Eric Ciotti, député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes.

"Il faut tuer les Français, je suis dans le camp des terroristes"

Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut donc remonter au 8 janvier dernier. Ce jour-là, la France est en deuil, conformément à ce qu'a annoncé François Hollande après l'attentat qui a frappé Charlie Hebdo la veille. Dans les établissements scolaires, enseignants et enfants sont invités à respecter une minute de silence en hommage aux victimes.

Mais dans plusieurs écoles, collèges et lycées (200 selon le ministère de l'Education), des incidents sont survenus. C'est le cas dans cette école de l'ouest de la ville où un enfant de CE2 refuse de participer à la minute de silence. Le directeur départemental de la sécurité publique, Marcel Authier, a précisé qu'il n'avait pas voulu non plus prendre part à une ronde de solidarité organisée dans la cour de l'école.

Selon son instituteur, il a également tenu des propos de "solidarité" avec les terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo. "Il faut tuer les Français. Je suis dans le camp des terroristes. Les musulmans ont bien fait, les journalistes méritaient leur sort", a-t-il affirmé, selon des propos rapportés par les autorités policières. "L'enfant nie catégoriquement avoir dit à mort les français. Il reconnaît avoir dit je suis avec les terroristes", explique à l'inverse son avocat.

Une plainte de la famille contre l'école

La police explique que conformément aux procédures normales, le directeur de l'école a tenté de s'entretenir avec le père de famille pour obtenir des explications. L'avocat de la famille indique que la famille s'est très vite désolidarisé et a condamné sans ambiguïté ces propos. Mais Nice Matin affirme que le père est venu à plusieurs reprises dans l'établissement pour tenter de régler lui-même des problèmes qui avaient pu naître entre son fils et des camarades.

Selon son avocat, ces allées et venues dans l'école "visaient surtout à rassurer son enfant ". Celui-ci ajoute que l'enfant, diabétique a été privé de son insuline en signe de punition. Une version non confirmée par les autorités. Mais l'avocat annonce au HuffPost qu'il dépose plainte, au nom de la famille, contre le directeur de l'école au sujet de cette affaire d'insuline et parce que l'enfant affirme avoir été frappé.

Toujours est-il que selon les responsables de la sécurité publique, ce sont ces intrusions répétées et l'impossibilité d'avoir une discussion calme qui ont conduit le directeur de l'école à prévenir la police, le 21 janvier. La veille, une explication houleuse avait eu lieu entre le directeur et le père. "Il ne s'agit aucunement d'une plainte", précise Marcel Authier. "On a convoqué l'enfant et son père pour essayer de comprendre comment un garçon de 8 ans peut être amené à tenir des propos aussi radicaux", ajoute le patron départemental de la police. "Le but de notre entretien avec le père et cet enfant, c'était de comprendre, savoir ce qui s'était passé et comment il a pu être influencé", a précisé ensuite son adjointe Fabienne Lewandowski.

"On peut regretter une telle audition formelle"

Cette audition qui ne s'est pas déroulé dans le cadre d'une garde à vue mais dans celui d'une audition libre a duré trente minutes. Elle s'est déroulée en présence de son père qui est civilement et pénalement responsable. Ce n'est qu'à 10 ans, qu'un adolescent peut être lui-même poursuivi. Ensuite, pendant que le père était entendu, l'enfant a joué avec des jouets, précise la police.

Mais était-ce vraiment nécessaire d'aller jusqu'à l'étape policière pour déminer une telle affaire? C'est justement ce que dénonce l'avocat de la famille, selon qui, le cadre scolaire aurait sans doute été plus adapté. "Cette procédure est complètement disproportionnée. On a pris au sérieux les paroles d'un enfant de huit ans ne comprenant pas ce qu'il dit. C'est absurde", dénonce Sefen Guez Guez qui a relaté une partie de l'audition, mercredi après-midi sur Twitter.

Le ministre Thierry Mandon semble lui aussi dénoncer une telle procédure. "Il faut raison gardée. Le circuit court de bêtises dites par un enfant dans une classe qui se règle au commissariat de police, c'est un process qui doit être amélioré. Il y a des vérifications à faire au sein de l'Education nationale avant de mettre un enfant de huit ans devant un officier de police, aussi diplomate soit-il. Après s'il y a des problèmes avec la famille, c'est la famille qu'il faut auditionner, ce n'est pas l'enfant", a-t-il affirmé sur iTélé.

"On peut regretter que ça ait pris la forme d'une audition formelle mais compte tenu de la force de ses déclarations et du contexte, il nous a semblé qu'on pouvait aller un peu plus loin", se justifie Fabienne Lewandowski. Une chose est sûre, l'affaire n'en restera pas là. Eric Ciotti a annoncé avoir saisi les services de protection de l'enfance des Alpes-Maritimes. En attendant peut-être que la famille ne décide de saisir le Défenseur des Droits. "C'est une option que nous envisageons mais avant, nous essayons de récolter des informations d'autres parents", précise au HuffPost l'avocat.

Illustration réalisée par Marie-Ange ROUSSEAU.

Passionnée de dessin depuis toujours, elle s'est dirigée très tôt vers des études artistiques. Les arts graphiques tout d'abord, avec une classe préparatoire et un BTS en communication visuelle. Puis, les arts narratifs, BD et illustration, ses premières amours. Elle est actuellement en 3e année à l'école CESAN.

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