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Santé Canada cache les effets secondaires de la cigarette électronique (VIDÉO)

Effets secondaires de la cigarette électronique: Santé Canada cache les informations

Un nombre croissant de personnes se plaignent des effets secondaires de la cigarette électronique alors que des doutes existent encore sur leur impact sur la santé. Or si, aux États-Unis, il est possible pour les citoyens d'avoir un aperçu de ses effets en consultant les plaintes de vapoteurs recensées par la Food and Drug Administration (FDA), au pays, Santé Canada laisse les consommateurs dans le noir.

Un texte de Christian Noël

Daniel Laurin fume la cigarette électronique depuis environ un mois. « Ma copine et ma fille veulent que j'arrête de fumer. Elles m'ont offert une cigarette électronique comme cadeau à Noël. Le message était assez clair! », lance-t-il. Sa première bouffée, le 26 décembre, a cependant été « très désagréable ».

« J'ai trouvé ça étouffant. Une sensation de blocage, comme un mur dans ma gorge qui empêchait l'air de passer. Une sensation d'asphyxie, je manquais d'air. » — Daniel Laurin

Et si la mauvaise sensation a disparu après la 4e ou la 5e bouffée, « sentiment d'étouffement » revient chaque fois qu'il reprend la vapoteuse, après une pause de quelques heures.

Daniel Laurin n'est pas le seul à avoir ce genre de réaction à la cigarette électronique. Un nombre grandissant de Canadiens et d'Américains se plaignent d'effets secondaires, certains mineurs, d'autres plus sérieux.

Effets néfastes compilés aux États-Unis

Aux États-Unis, les utilisateurs de cigarettes électroniques ont la possibilité de se plaindre des effets secondaires directement à la FDA, l'équivalent de Santé Canada.

La FDA prend le soin de noter qu'il n'est pas clair si la cigarette électronique cause directement ces effets secondaires.

Ainsi, certains rapportent de légers désagréments, qui disparaissent souvent quelque temps après avoir cessé de vapoter : toux sèche persistante, difficulté à respirer, irritation de la gorge, mucus excessif, maux de tête, congestion thoracique.

Mais d'autres expliquent avoir été hospitalisées, évoquant divers problèmes : obstruction des voies respiratoires, crises d'asthme, arythmie ou palpitations cardiaques, bronchite, pleurésie, pneumonie, convulsion.

La majorité des plaignants sont de simples citoyens, et certains ont des conditions médicales préexistantes, mais plusieurs des plaintes recensées sur le site de la FDA proviennent de professionnels de la santé:

- 13 janvier 2013 : Un médecin écrit : « 12 heures après avoir inhalé de la cigarette électronique, ma patiente avait les voies respiratoires obstruées. Le lendemain, elle vapotait à nouveau. Ses problèmes respiratoires ont empiré. Je lui ai recommandé de cesser la vapoteuse. 12 heures après, les symptômes avaient disparu »

- 29 juin 2012 : un pharmacien écrit : « ma patiente s'est mise à tousser après avoir vapoté. Elle décrit l'épisode comme une crise d'asthme. Les symptômes ont duré pendant 3 semaines. Je lui ai recommandé de cesser de vapoter. J'ai contacté le fabricant qui confirme que le produit contient de la glycérine végétale, une substance liée à des problèmes pulmonaires. Le distributeur du produit reconnaît qu'un certain nombre de personnes se sont plaintes de « réactions allergiques » liées au produit. »

- 9 mai 2011 : « Ma patiente (52 ans) avait des douleurs aigües à la poitrine et des difficultés à respirer durant quelques jours, après 3 mois d'utilisation de la cigarette électronique. Diagnostic : Pleurésie et de l'eau dans les poumons. Lien possible avec la vapoteuse. »

- 26 juillet 2009 : « Mon patient s'est présenté avec une toux constante, une respiration sifflante. Diagnostic : bronchite aigüe. Après avoir cessé de vapoter, les symptômes sont disparus. »

Et selon deux autres plaintes, les familles de deux personnes décédées craignent, mais sans preuve à l'appui, que la cigarette électronique soit responsable de leur mort:

- 7 janvier 2013 : « Mon frère de 54 ans est mort soudainement, après avoir utilisé la cigarette électronique pendant 2 ans, à la recommandation de son médecin, pour arrêter de fumer. Plus il en fumait, plus il avait le souffle court. »

- 10 mai 2013 « Mon fils a commencé à vapoter pour cesser de fumer. Après un an, il a commencé à se sentir mal, comme une mauvaise grippe. Il toussait beaucoup. Deux semaines plus tard, il est mort. Je suis convaincu que les huiles minérales chauffées contenues dans les cigarettes électroniques ont causé sa mort. »

Manque de transparence de Santé Canada

Au Canada, un système de plaintes équivalent à celui de la FDA existe, mais il est impossible cependant pour les Canadiens de les consulter, contrairement aux Américains.

Radio-Canada a voulu consulter ces documents, en vertu de la Loi d'accès à l'information, mais Santé Canada refuse depuis plus d'un an de les rendre publics, invoquant notamment la protection des renseignements personnels des fabricants de cigarettes électroniques.

Pour le pneumologue Matthew Stanbrook, de l'Hôpital Général de Toronto, il s'agit d'un « manque de transparence flagrant » qui « nuit à la santé des Canadiens ».

« Les consommateurs canadiens qui choisissent de vapoter le font sans avoir toute l'information pour faire un choix éclairé. Ces effets nocifs sont réels, insiste le docteur Stanbrook. Le public a le droit de savoir. Mais le ministère préfère travailler derrière des portes closes. »

« On dirait parfois que Santé Canada se préoccupe davantage de préserver les intérêts des fabricants que de protéger la santé du public.» — Le pneumologue Matthew Stanbrook de l'Hôpital Général de Toronto

Matthew Stanbrook prépare une révision internationale de toutes les études qui traitent des effets néfastes de la cigarette électronique.

« Pour les effets à court terme, un tiers des vapoteurs rapportent une toux sèche, un tiers rapportent une irritation de la gorge et un cinquième des problèmes de respiration courte et d'essoufflement, quelques jours ou semaines après la première bouffée », fait-il ressortir.

« La cigarette électronique n'est pas un produit bénin, explique le pneumologue. Elle contient des produits chimiques qui ne sont pas faits pour être inhalés, des produits qui causent des irritations à court terme, mais dont les effets à long terme sont encore inconnus », ajoute-t-il.

Dans le pire des cas, la vapoteuse « pourrait entraîner des maladies pulmonaires chroniques, comme l'emphysème. Mais ça prendra des années de tests et d'études avant qu'on le sache vraiment ».

La cigarette électronique contient principalement quatre éléments : la glycérine végétale, le propylène glycol, les arômes et la nicotine.

Glycérine végétale :

- Approuvée comme additif alimentaire au Canada (dans les médicaments et les dentifrices, par exemple).

- Pas testée pour être inhalée en grande quantité, fréquemment, sur une longue période

- Ses effets sur les poumons sont méconnus.

- Une étude américaine fait un lien entre sa présence dans la cigarette électronique et le cas d'une patiente qui a développé une grave pneumonie lipidique (causée par la présence de substance graisseuse dans les poumons).

- Cette étude est contestée, notamment parce que la patiente avait aussi de multiples autres maladies et prenait un cocktail de médicament.

Propylène Glycol :

- Un solvant inodore, incolore et visqueux, autorisé comme additif alimentaire et dans les produits cosmétiques (notamment les vaporisateurs de nicotine pour cesser de fumer).

- L'inhalation fréquente, sur une longue période, n'a pas fait l'objet d'étude.

- Peut causer des irritations à la muqueuse nasale.

Arômes :

- Naturels ou artificiels, de tabac, de menthe, de fruits, etc. Certains de ces arômes sont anodins.

- D'autres ressemblent aux arômes utilisés dans le maïs soufflé au micro-ondes, pour donner la saveur du beurre.

- En 2004, les travailleurs d'une usine du Missouri ont gagné un recours collectif de 20M$, alléguant que l'exposition quotidienne à ces arômes avait entraîné des maladies pulmonaires chroniques, comme la bronchiolite constrictive.

Nicotine :

- Interdite dans les cigarettes électroniques au Canada. Mais on peut quand même s'en procurer facilement.

- Peut-être un irritant en trop grande quantité.

- L'Union européenne impose une limite (20mg/ml) à la concentration de nicotine dans les cigarettes électroniques.

- Aux États-Unis, des enfants sont tombés gravement malades ou sont morts après avoir avalé accidentellement du liquide à cigarette électronique contenant de la nicotine.

Un outil « extraordinaire »

Au Québec, le ministre de la Santé Gaétan Barette n'a pourtant pas hésité cette semaine a vanté les bienfaits de la cigarette électronique.

« La cigarette électronique, pour cesser de fumer, est un moyen qui, clairement, est d'une efficacité extraordinaire », a affirmé le Dr Barrette, promettant d'encadrer son usage « très prochainement ».

Certains médecins sont devenus eux-mêmes des ardents défenseurs de la cigarette électronique comme outil pour cesser de fumer.

« J'ai des taux de réussite de 70 % de patients qui arrêtent de fumer » grâce à la cigarette électronique, confie le cardiologue Martin Juneau, de l'institut de cardiologie de Montréal, qui estime que cette option est un moindre mal comparé aux bénéfices : « Moi, si j'ai un patient qui a fait un infarctus, ses risques de récidives diminuent de moitié la première année s'il cesse de fumer. Je ne veux pas attendre des années, quand je sais très bien que c'est beaucoup plus sécuritaire que la cigarette conventionnelle ».

Et selon le cardiologue Martin Juneau, les plaintes recensées par la FDA sont en fait une goutte d'eau dans l'océan. « Si vous regardez les plaintes pour le tylénol, l'acétaminophène, il y en a 100 fois plus », souligne-t-il.

Selon lui il y a « une campagne de peur, orchestrer par les anti-cigarettes électroniques, pour faire en sorte que les fumeurs ne switchent pas. »

En Ontario, le gouvernement veut interdire l'usage de la cigarette électronique dans les bars et les restaurants et prohiber sa vente aux mineurs.

Mieux réglementer

Le pneumologue torontois Matthew Stanbrook, cependant, renchérit: « La gomme à la nicotine, le timbre dermique, le vaporisateur de nicotine sont tous passés par un processus de vérification rigoureux, avec des essais cliniques, avant d'être approuvés. Mais la cigarette électronique a été mise sur le marché précipitamment, sans surveillance, sans savoir si c'est vraiment sécuritaire pour la santé ».

Le gouvernement fédéral a créé malgré lui « une zone grise » en refusant jusqu'à maintenant de légiférer, déplore pour sa part le cardiologue Martin Juneau.

Santé Canada « déconseille l'usage des cigarettes électroniques... car ces produits peuvent poser des risques pour la santé et ils n'ont pas été pleinement évalués sur le plan de l'innocuité, de la qualité et de l'efficacité par Santé Canada ». La directive a été émise il y a aura bientôt 6 ans. Depuis, il n'y a eu aucun mouvement.

Des citoyens mal-informés

Daniel Laurin « aime bien » la vapoteuse qu'il utilise depuis Noël.

« Ça m'a permis de réduire ma consommation de tabac de 20 % en quelques semaines, avec l'espoir d'arrêter en 2015. » — Daniel Laurin

Pourtant, il a hésité longuement : « Au début je n'étais pas convaincu du produit. Au prix que ça coûtait, je ne voulais pas m'embarquer dans cette dépense-là sans avoir plus d'information. Le fait de l'avoir reçu en cadeau m'a donné l'opportunité et là, je n'ai pas le choix de l'utiliser! »

Mais Daniel reconnaît manquer d'information sur les possibles effets nocifs, comme les sensations d'étouffement qu'il ressent. « Je ne sais pas, est-ce que c'est le liquide, les produits chimiques, l'intensité de la vapeur? Ces informations devraient être disponibles ».

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