Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Violences en prison: R-D-P au sommet du palmarès

Violences en prison: R-D-P au sommet du palmarès
moodboard via Getty Images

QUÉBEC - Une compilation des événements violents dans les prisons québécoises démontre qu'il ne fait pas bon être incarcéré au centre de détention de Rivière-des-Prairies.

Sept événements violents sont survenus dans ce centre de détention de l'est de Montréal en 2013-2014. Deux concernaient des gestes posés par un gardien envers des détenus et cinq ont eu lieu entre des détenus. C'est plus de la moitié des incidents survenus dans les centres de détention provinciaux durant cette période.

R-D-P était également la prison la plus violente pour les détenus en 2012 et 2011, avec cinq événements chaque année, selon des documents obtenus en vertu de la Loi d'accès à l'information.

Ça semble peu, mais les événements officiellement consignés ne sont que la pointe de l'iceberg. «Les cas de violences sont souvent mis sous le tapis par les détenus, parce qu'on veut éviter de s'attirer plus de troubles», affirme Éric Belisle, coordonnateur chez AlterJustice, un organisme qui vient en aide aux personnes incarcérées.

En effet, les victimes d'incidents ont rarement porté plainte au cours de la dernière année, allant jusqu'à inventer des raisons loufoques pour leurs blessures. Un détenu a affirmé s'être coupé au dos en tombant... sur un coupe-ongles. Un autre a dû être traité aux soins intensifs... après être tombé de son lit dans son sommeil.

Éric Belisle estime que les cas de violence sont souvent liés à un problème de surpopulation. Les détenus se retrouvent «classés» dans des secteurs problématiques où leur sécurité est en danger. En effet, de nombreux cas d'agressions répertoriés dans les documents obtenus sont liés à un problème de classement.

Le Protecteur du citoyen dénonce cette situation depuis des années et affirmait en 2013 que la surpopulation entraîne notamment des «tensions entre détenus et avec le personnel».

Mais les détenus qui se sentent menacés préfèrent parfois courir le risque, plutôt que de demander la protection des gardiens. «Sinon, tu as une étiquette, explique Éric Belisle. Les gens protégés sont souvent des délateurs ou des pédophiles, alors ta sécurité devient encore plus menacée.»

Voici quelques-uns des événements violents répertoriés en 2013-2014 dans les prisons du Québec. Le nom des établissements a été caviardé dans les rapports remis au Huffington Post Québec. Certains documents ont été lourdement caviardés, jusqu'à oblitérer le compte-rendu des événements.

Tombé sur un coupe-ongles

Le 27 avril 2013, un homme se présente à la porte de son secteur, soutenu par un codétenu. L'homme a un pansement dans le dos et s'étend au sol, affirmant être incapable de marcher jusqu'à l'infirmerie. Il sera finalement transporté en ambulance jusqu'à l'hôpital. Raison officielle de ses blessures: il s'est «blessé en tombant sur le dos sur un coupe-ongles». Des bandes vidéo ont ensuite permis de voir que d'autres détenus lui avaient rendu visite dans sa cellule quelques minutes plus tôt. La scène à l'intérieur de la cellule n'a pas été filmée, mais les autorités n'ont retrouvé aucun coupe-ongles...

Il ne «passe» pas

15 février 2013: Un détenu condamné pour meurtre a été tabassé à peine une heure après son arrivée au centre de détention. Il affirme au gardien qu'il «ne passe pas sur ce secteur». En effet, il a des contusions aux yeux et s'est fait fracasser les dents. Il devra être opéré à la mâchoire. Le détenu refuse de porter plainte par crainte de représailles. Une «vérification exhaustive» a été enclenchée sur la décision d'assigner le détenu dans ce secteur de la prison.

Guerre de pouvoir

6 janvier 2013: Une bagarre éclate entre huit personnes issues d'un gang de rue et d'un groupe d'individus d'origine arabe. Un des détenus d'origine arabe a été «piqué» à la gorge et sur le côté du corps. Son poumon droit a été perforé. L'arme du crime n'a pas été retrouvée. Au cours de son opération, «de la drogue et une carte SIM ont été trouvées dans ses cavités internes». Les bagarreurs issus du gang de rue, eux, ont reçu des blessures mineures infligées à l'aide d'une lame de rasoir. Aucun des détenus n'a voulu expliquer l'origine de l'altercation ni porter plainte. Les autorités estiment qu'il s'agissait d'une guerre de pouvoir pour contrôler le secteur.

Ébouillanté

Le «pic» est l'arme privilégiée en prison, mais une bouilloire remplie d'eau chaude peut faire l'affaire quand on a un compte à régler. Le 10 février 2014, un assaillant a lancé le contenu d'une bouilloire d'eau chaude sur un détenu. Un ou des complices l'ont ensuite aidé à asséner des coups de pieds à la victime une fois au sol. La victime a subi des brûlures au premier degré sur 10% de son corps (visage, tronc, bras) et au 2e degré sur 15% à 20% du corps. Une rencontre avec un plasticien a été nécessaire.

Problème de classement

28 février 2014: Un homme de 33 ans est transféré dans un nouveau centre de détention pour cause de surpopulation. Il est prévenu (en attente de son procès) dans une affaire de bris d'engagement et de production de stupéfiant. Le rapport note qu'il n'a purgé que quelques sentences dans la communauté et ne semble pas être affilié à un groupe criminalisé ou présenter de «problématique particulière». Pourtant, il a été placé dans un secteur en surpopulation avec seize incarcérés «nécessitant un classement maximal». Trois jours plus tard, il a été battu avec un manche à balai et présentait de «profondes lacérations au visage» et de multiples ecchymoses sur le corps. La victime a été transportée à l'hôpital, où elle a reçu des points de suture et une radiographie. Il a obtenu son congé de l'hôpital le lendemain et a porté plainte à la police. Le matin avant son agression, le détenu avait pourtant demandé à être changé de secteur parce qu'il «avait peur de se faire battre». Les gardiens n'ont pas jugé bon de le transférer.

Il n'a pas écouté les «règlements»

En transit vers un pénitencier (fédéral), un détenu a été placé avec 16 incarcérés liés à des groupes criminalisés. Il aura fallu moins de 15 minutes pour qu'il subisse une importante raclée qui lui fracturera le nez et l'arcade sourcilière. Selon sa version, son codétenu aurait tenté de lui expliquer les règles dans le secteur de la prison. Mais le nouveau venu n'était «pas enclin à l'écouter». Son cochambreur et deux autres détenus l'ont alors passé à tabac.

INOLTRE SU HUFFPOST

La prison de Bordeaux vue de l'intérieur

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.