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Tragédie de l'Isle-Verte: un seul employé de nuit était insuffisant, admet le copropriétaire (VIDÉO)

L'Isle-Verte: un seul employé de nuit était insuffisant (VIDÉO)

RIVIÈRE-DU-LOUP, Qc - Bien qu'il soit passé devant de nombreuses chambres de personnes âgées en se rendant réveiller la copropriétaire de la résidence du Havre de l'Isle-Verte, le seul employé cette nuit-là n'a pas crié ni cogné aux portes pour les réveiller et évacuer les lieux: car c'était ce que prévoyait le «protocole», a-t-il témoigné aux audiences du coroner sur cet incendie tragique qui a fait 32 morts.

Il n'a pas commencé par déverrouiller la porte principale du bâtiment en feu — alors qu'il se trouvait à proximité — ni tenté d'éteindre l'incendie car selon lui, «le protocole» indiquait qu'il devait en priorité appeler le 9-1-1 et ensuite réveiller la copropriétaire qui dort sur place — et qui est aussi sa conjointe, a déclaré Bruno Bélanger mercredi.

Et après, il était trop tard: une fumée dense avait envahi la résidence du Havre, rendant l'évacuation impossible, a-t-il soutenu.

Il a livré un témoignage souvent nébuleux, dont la véracité a été remise en question par le coroner Cyrille Delâge qui préside à l'enquête publique qui se déroule au palais de justice de Rivière-du-Loup.

Ainsi, malgré les propos de M. Bélanger, il n'est écrit nulle part dans le manuel d'urgence que la copropriétaire Irène Plante devait être réveillée avant d'entreprendre le sauvetage.

Selon ce document déposé en preuve, l'appel au 9-1-1 était la première étape et l'évacuation effectuée par les employés devait ensuite commencer sans tarder.

Pourquoi ne pas avoir cogné aux portes, ne pas avoir crié? a demandé la procureure du coroner, Marie Cossette. «Le protocole», a-t-il répondu.

Cette révélation a fait sursauter les gens présents dans la salle d'audience, dont plusieurs ont perdu des proches dans le brasier.

«Le protocole, ça enlève le gros bon sens selon vous?», a lancé Me Cossette.

Le copropriétaire Roch Bernier, qui affirme avoir donné cette instruction verbalement aux employés, l'a pour sa part justifiée en indiquant que l'évacuation pouvait se faire plus efficacement à deux.

«Vous ne pensez pas que vous avez ainsi perdu de précieuses minutes?», a alors demandé Me Cossette.

Mis en contradiction avec ses déclarations différentes aux policiers sur de nombreux faits, M. Bélanger a dit s'être trompé dans l'énervement et aussi avoir été intimidé par les policiers. Beaucoup de choses notées dans les rapports policiers ne seraient pas ses paroles, dont sa déclaration à l'effet «qu'il avait sauvé sa peau».

«Il y a beaucoup d'erreurs là-dedans», a commenté le coroner avec sarcasme.

Et pour la première fois mercredi, M. Bélanger a déclaré avoir pris le temps de refermer la porte de la cuisine avant d'alerter Irène Plante.

«Pour qui vous me prenez?», lui a demandé le coroner, irrité. «Des parties de votre témoignage ne se tiennent pas. (...) Ce serait pas plutôt parce que le feu était dans la cuisine?». «Non, monsieur», a répondu M. Bélanger.

Me Cossette lui a finalement mis sous le nez que la preuve serait faite jeudi que l'incendie a débuté dans le secteur de la cuisine, là où il prétend qu'il se trouvait quand l'incendie a commencé.

Roch Bernier a concédé mercredi que d'avoir un seul employé en poste cette nuit-là, de surcroît un employé qui n'avait jamais participé à un exercice d'évacuation, n'était pas suffisant.

M. Bernier a admis ne pas avoir obligé son employé en poste la nuit du drame à participer à un exercice de sécurité incendie. Pas plus que l'autre employé de nuit de la résidence du Havre. Les deux avaient eu une formation théorique, a-t-il toutefois souligné.

Or, il y avait plus de 50 résidants âgés, dont plusieurs ne pouvaient marcher, se déplaçant en fauteuil roulant ou à l'aide d'une marchette.

«Un employé seul ne peut pas tout faire», a admis M. Bernier, qui a aussi dit qu'une évacuation de nuit, quand des résidants sont endormis et parfois sous l'effet de médicaments, est plus ardue.

Lors des journées précédentes d'audience en novembre, il avait été mentionné que des résidants étaient restés coincés lors de l'incendie car la porte principale intérieure était verrouillée.

Et les deux clés de cette porte étaient dans le bureau de M. Bernier, qui n'était pas sur place cette nuit-là, a-t-il témoigné.

L'autre copropriétaire a offert un témoignage divergent — mais aussi contradictoire. Elle avait la clé sur elle, mais avec la panique, elle avait oublié.

Mme Plante a aussi relaté ne pas avoir participé à l'évacuation des résidants. La fumée dense l'en empêchait, soutient-elle.

Le coroner Cyrille Delâge a déjà entendu des dizaines de témoins lors des six précédentes journées d'audiences, en novembre.

L'enquête publique va se conclure jeudi avec les experts de la Sûreté du Québec, qui vont analyser toute la preuve et tenter de faire la lumière sur ce qui s'est produit cette nuit-là.

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