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Plan Nord au féminin : une vie pas toujours rose (INFOGRAPHIE)

Plan Nord au féminin : une vie pas toujours rose

SEPT-ÎLES - Quand monsieur part travailler dans les chantiers, madame reste à la maison avec les enfants. Monsieur revient après quelques jours, quelques semaines, il est fatigué, madame aussi. Le hic, c’est que madame a torché la demeure, enduré les crises de ses petits et a parfois travaillé pour un salaire qui équivaut à 60% de celui de monsieur.

La vie suit son cours et lorsque tout éclate, madame, qu’elle soit blanche ou innue, se retrouve devant rien ou presque. Un seul salaire ne suffit pas à payer les logements inabordables en ville, encore moins le coût de la vie qui a augmenté de façon drastique depuis l’annonce du premier Plan Nord.

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À Sept-Îles, le boum économique s’est fait sentir en 2011-2012, sous l’ère Charest. Les entreprises et les particuliers sont alors débarquées sans prévenir, espérant faire un coup d’argent pour ensuite repartir les mains vides.

Maintenant que la poussière est retombée, Sept-Îles marche au ralenti, dénoncent plusieurs acteurs économiques de la région. La fermeture de l’usine de bouletage de Cliffs Natural Resources et les mises à pied de la mine du lac Bloom toucheront d’autant plus les familles, créant de l'incertitude économique pour les femmes plus particulièrement.

« Quand j’étais à Femmes autochtones du Québec, je disais à M. Charest qu’encore une fois, il y aura de grands oubliés – les premières nations du territoire et les femmes en général », se souvient Michèle Audette qui, depuis, est devenue présidente de Femmes autochtones du Canada.

« En revenant ici dans ma région, il y a un an et demi, j’ai très vite réalisé que c’était pas juste les Premières nations qui n’étaient pas dans ce grand projet de société, même les gens de la place en souffrent, contrairement à ce qu’on nous a fait croire. »

Chérie, reste à la maison

Les gros salaires sont légion dans ces lieux qui souffrent de la baisse du fer. Les rôles traditionnels de l’homme et de la femme s’en trouvent renforcés, selon Marilène Gill du Regroupement des femmes de la Côte-Nord.

Les femmes ne représentent qu’une infime partie des effectifs de la construction. En 2012, elles n’étaient que 1,3% à se targuer d’être one of the boys. Les autres demoiselles sur les chantiers occuperont des emplois secondaires : elles sont femmes de chambre ou encore gèrent la cantine.

Les « mères monoparentales de la construction » doivent attendre le retour de leur conjoint, envoyé dans le Nord pour une période déterminée, avant de pouvoir souffler un peu.

Dans d’autres cas, c’est la compagnie qui paie le logement de la famille. Autrement dit, si le couple se sépare, la femme se retrouve devant rien. « Après des séparations ou des divorces, elle ne peut pas rester dans une maison qui appartient à ArcelorMittal ou Cliffs, et là, se retrouvent chez nous », précise Maude Gauthier, directrice générale de la Maison d’aide et d’hébergement de Fermont.

Qui jettera la première pierre?

Quand ce n’est pas la violence économique qui frappe les femmes de plein fouet, ce sont les poings. Les voies de fait augmentent de façon constante depuis 2003 sur la Côte-Nord, confirme Isabelle Fortin, directrice générale du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels de Sept-Îles, une tendance inquiétante qui ne semble pas sur le point de s’estomper.

Les plus récentes données de la Sûreté du Québec démontrent que toutes MRC confondues, les agressions sexuelles sont en nette hausse. Il y a eu 102 plaintes formelles du 1er avril 2013 au 31 mars 2014, contrairement à 81 cas pour la même période en 2012-2013 et 67 en 2011-2012.

Le taux de de violence dans la région est comparable à celui de l’Abitibi, où l’on retrouve également plusieurs projets miniers. « Tout est lié, nous voyons tout en vase clos », ajoute Marilène Gill, du Regroupement des femmes de la Côte-Nord.

Mais surtout dans les petites municipalités où tout le monde connaît son voisin, rares sont celles qui iront chercher de l’aide, par peur du jugement. Sans compter que les services d’intervention mettent parfois des jours à venir au secours de l’épouse bardassée.

Double discrimination pour les Innues

Une femme a déjà appelé Michèle Audette en détresse parce qu’elle vivait du racisme en tant qu’autochtone. Mais le véritable signal d'alarme a été lancé lorsque sa mère l’a appelée pour lui dire que deux filles innues avaient été violées sur le chantier de La Romaine.

Les « Indiennes » ont la réputation de se battre, de consommer alcool et drogues, mais aussi d’être « faciles ». « C’est d’ailleurs quelque chose qu’on dénonce, soutient Marilène Gill. Elles sont déjà stigmatisées, comme si de consommer pour elles, c’était normal, comme si elles méritent ce qui leur arrive. »

La lune de miel du Plan Nord est terminée. Les chantiers à venir n’augurent rien de bon pour les femmes, qui sentent que le grand projet du gouvernement Couillard leur est « enfoncé dans la gorge ».

Si l’on ajoute à cela les coupures à venir dans les services de santé et dans les garderies, le Plan Nord plus n’augure rien de bon pour la gente féminine vivant sur la Côte-Nord.

« Ce sont les gens de l’extérieur qui vont en bénéficier, en laissant des traumatismes pour certaines femmes, déplore Marilène Gill. Le message qu’on leur envoie, c’est "Vous êtes obligées, faites avec!" »

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