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«Beauté fatale» à Télé-Québec : sois belle et aime-toi (PHOTOS)

«Beauté fatale» à Télé-Québec : sois belle et aime-toi (PHOTOS)
Courtoisie Télé Québec

Léa Clermont-Dion poursuit sa croisade contre les stéréotypes avec le documentaire Beauté fatale, inquiétant brûlot qui s’inscrit dans sa démarche de dénoncer le culte de l’image et de l’apparence, que Télé-Québec diffusera en deux parties, les 9 et 10 décembre prochain.

À 23 ans, la jeune femme a déjà abondamment étudié le rapport qu’elle et ses semblables entretiennent avec leur reflet dans le miroir. À 14 ans, après avoir surmonté des épisodes d’anorexie qui l’ont transportée à l’hôpital et ont fait descendre son poids à 70lbs, elle prononçait une première conférence au nom de la Fédération des femmes du Québec, avant qu’on lui assigne un siège au comité jeunesse du Conseil du statut de la femme. À la même époque, elle déposait en ligne une pétition revendiquant une représentation équilibrée et des standards raisonnables et acceptables dans la considération de la gent féminine, qui a ensuite mené à l’adoption de la Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée. Ses multiples implications sociales, politiques et artistiques lui ont construit un curriculum vitae plus qu’enviable d’auteure, réalisatrice, journaliste et chroniqueuse. Au printemps dernier, elle dévoilait La revanche des moches, un recueil d’entrevues avec des personnalités de tous les milieux, qui se sont toutes exprimées sur leur perception de l’industrie de la beauté.

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Beauté fatale à Télé-Québec

Beauté fatale est une action supplémentaire de Léa Clermont-Dion pour lutter contre les préjugés, les clichés, les soi-disant «normes» qui ont la vie longue dans les boîtes de nuit, dans les pages de papier glacé des magazines féminins, sur Internet, dans la publicité, bref, partout. Produite par Guillaume Lespérance, réalisée par André St-Pierre (qui avait offert les documentaires Manon, en 2004, et Une ville en campagne, en 2013), cette recherche fouillée et scénarisée par Léa est choquante, troublante, alarmante et démontre à quel point nous sommes souvent enclins à nous oublier et même, dans certains cas, à mettre notre santé en péril pour correspondre à un idéal bâti de toutes pièces dans un commerce trop savamment orchestré.

Non à un modèle unique

L’idée de Beauté fatale a germé dans l’esprit de Léa Clermont-Dion alors qu’elle séjournait à Paris pour un an avec sa mère, Sylvie. Entre deux cours de science politique et deux reportages pour l’émission Alors on jase, la jeune communicatrice et sa génitrice ont bourlingué de Prague à Budapest et se sont beaucoup rapprochées, elles qui avaient longtemps connu une relation un peu chaotique.

En observant sa maman, récemment divorcée, Léa a été médusée de constater que celle-ci était peinée de ne plus déceler de séduction dans le regard des hommes qui la contemplaient. Avec le temps et les rides, Sylvie était devenue «invisible», aux dires de Léa. Clermont-Dion s’est alors questionnée sur la «date de péremption» des femmes, sur le chemin tortueux qui conduit à l’incertitude, aux complexes, aux «obligations» auxquelles on se prête souvent sans trop d’analyses. Elle s’est demandé : «Ça s’arrête où, notre obsession?»

Pour matérialiser sa réflexion, elle a interrogé des experts et des gens qui fraient de près avec la poudre aux yeux, comme Louise Dugas, ex-rédactrice en chef d’Elle Québec, et la chanteuse Mitsou, qui raconte qu’elle n’aimait pas être décrite comme étant «voluptueuse et pulpeuse» lorsqu’elle avait 17 ans et faisait danser le Québec sur l’air de Bye Bye mon cowboy ; encore aujourd’hui, elle doit contrôler ses démons alimentaires. Des mannequins, des détenues, des garçons et des filles qui fréquentent les bars apportent tous leur grain de sel à Beauté fatale, expliquant à quel point l’image qu’ils projettent guide leur existence, ou pas. Dans la deuxième partie, Micheline Lanctôt, Valérie Blais, Léane Labrèche-Dor et Marie-Chantal Perron jasent Botox et autres subterfuges pour contourner l’hypocrisie ambiante à ce sujet, et Léa Clermont-Dion s’intéresse aux conséquences physiques d’une grossesse, à l’univers des cosmétiques et même à celui de la thanatologie.

Les deux portions de Beauté fatale, intitulées Jouer à la poupée et Date de péremption, sont truffées d’effroyables statistiques, provenant de diverses sources, dont l’Industrie de la statistique du Québec, qui illustrent qu’on a encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre le nirvana en matière d’acceptation de soi.

«L’un des messages fondamentaux que je veux transmettre, c’est de dire non à un modèle unique de beauté, explique Léa Clermont-Dion. On vend un modèle de jeunesse et de minceur qui est très lucratif, dans la publicité, dans les cosmétiques. Mais ça devient un enjeu de santé publique ; il y a une augmentation des troubles alimentaires et la préoccupation excessive du poids est un vrai problème de société. Ce modèle unique est aliénant et, c’est essentiel de se rebeller contre le culte de la beauté.»

Mère et fille

Dans Beauté fatale, on assiste aussi à des retrouvailles entre Léa et sa mère, qui ne se sont pas vues depuis un moment et discutent de leur évolution personnelle, de la maladie qui a jadis hanté la fille, des tourments de la maman, des incompréhensions qui se sont tissées une niche entre elles. C’est André St-Pierre qui a insisté pour que Léa se commette ainsi et expose un pan de son intimité à la caméra. D’emblée, la jeune adulte aurait préféré mener son enquête froidement, en ne tendant le micro qu’aux autres, détachée de tous sentiments. Son partenaire de travail lui a fait comprendre que Beauté fatale ne prendrait réellement son sens que si elle acceptait de plonger en elle-même pour donner un relief à toute sa documentation. Car Léa Clermont-Dion incarne un paradoxe ; elle décrie haut et fort les standards auxquels les femmes se sentent forcées de se plier, mais elle joue elle-même le jeu et admet qu’elle se sent constamment en représentation. «Dans un endroit public, je ne me sens pas bien si je n’ai pas d’attention», reconnaît-elle dans Beauté fatale.

«Ma mère est une misanthrope, quelqu’un de très, très timide, qui a de la misère à entrer en contact avec les autres, détaille Léa Clermont-Dion. Nous n’avons pas une relation parfaitement équilibrée et saine, je la vois très peu. C’est une relation particulière, comme toutes les relations mère-fille. Mais je l’admire beaucoup pour sa simplicité volontaire. Elle est très, très critique de la société de consommation dans laquelle on vit, du matérialisme, de l’individualisme.»

Manque de solutions

Le reproche qu’on aurait le goût d’adresser à Beauté fatale ? Son manque de nuances et l’absence de pistes de solution qui auraient pu y être proposées. En soulevant des chiffres très graves – comme ce minuscule 4% de femmes dans le monde qui se trouveraient belles, selon une étude de Dove Canada - Léa Clermont-Dion et André St-Pierre tracent un bien sombre portrait de la confiance que les femmes ne se vouent à elles-mêmes et présentent ces dernières comme des victimes. Pour contrebalancer, on aurait aimé entendre des psychologues et spécialistes se prononcer sur l’importance de l’estime et du respect de soi, qui outillent et arment ensuite contre tous les diktats que la société peut imposer. Des voix qui se seraient élevées pour dire aux femmes : «Sois belle et aime-toi».

Beauté fatale, le mardi 9 et mercredi 10 décembre, à 21h, à Télé-Québec.

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