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La violence conjugale dont personne ne parle

La violence conjugale dont personne ne parle
Riitta Supperi via Getty Images

Imaginez être dans une relation abusive dont vous ne pouvez vous sortir car vous êtes financièrement dépendante de votre concubin. À la suite de ses harcèlements sur votre lieu de travail (appels répétitifs et visites à l'improviste) vous êtes au chômage et avez des difficultés à retrouver un emploi. Dans la mesure où vous devez nourrir vos enfants et n'avez nulle part où aller, le quitter semble tout simplement impensable.

La violence domestique est bien trop souvent assimilée à un abus physique, forme la plus visible de maltraitance, difficilement dissimulable. Néanmoins les experts en arrivent à la conclusion que lorsqu'un partenaire a entre les mains les finances du foyer, c'est cette pression économique qui enferme les femmes dans des relations abusives.

Dans son nouvel ouvrage, Ludy Green explique que la pression économique que l'on exerce sur les femmes est l'une des principales raisons pour lesquelles elles ont des difficultés à quitter leurs partenaires.

"Priver une personne de contrôle sur son propre bien-être économique est un acte despotique et de confinement que l'on croise encore trop souvent dans des cas de violence domestique» écrit-elle dans La captivité, un acte de violence domestique : Un guide pour la liberté économique. «Pourquoi reste t-elle? Contrairement à ce qu'on pourrait penser, rester n'est pas un choix, c'est un acte imposé car elles n'ont pas le pouvoir de partir».

Pendant plus de vingt ans, Green a travaillé avec des victimes de violence domestique. C'est en 2001 qu'elle a mis en place Le Service d'Emploi de la Seconde Chance, une entité gouvernementale qui vient en aide aux victimes de violence domestique afin de retrouver un emploi. "Seconde Chance a été créé pour aider les femmes victimes de pressions économiques de la part de leurs maris à retrouver une certaine autonomie financière" explique Green.

Dans La captivité, un acte de violence domestique, elle examine la façon dont les hommes contrôlent et manipulent les conditions économiques de leurs victimes afin de les affaiblir. D'après l'auteur, l'abus économique est très efficace pour empêcher physiquement et psychologiquement les femmes à partir.

L'auteur relève ainsi quatre tactiques que les hommes utilisent pour contrôler et isoler leurs victimes:

Saboter l'emploi

Plusieurs moyens sont employés par les abuseurs pour empêcher leurs victimes de garder un emploi. Laisser des marques de violences visibles pour les embarrasser, les empêcher de dormir, se pointer sur leur lieu de travail ou encore perturber leur quart de travail en les harcelant. Fréquemment aussi, le concubin refuse de payer une garderie pour forcer la femme à rester à la maison ou l'empêche d'avoir une auto afin de la rendre dépendante pour tout déplacement. L'isolation est très fréquemment utilisée dans des cas d'abus domestique, en la séparant de ses amis, de sa famille ou quiconque de son entourage.

Le contrôle des finances

Dans certains cas, le mari prend en main les finances du foyer en empêchant à la femme d'avoir accès aux comptes bancaires communs. De cette manière, il est le seul à contrôler l'accès à l'argent et rend sa victime complètement dépendante. « Une de mes clientes se faisait donner 10 dollars par semaine pour ses dîners », raconte Green. C'est une façon de les humilier, les détruire davantage, leur faire sentir qu'elles n'ont aucun contrôle sur leur propre vie.

Sans une indépendance financière, les victimes sont bien souvent confrontées à la peur de perdre la garde de leurs enfants si jamais elles quittaient leurs conjoints. Les hommes jouent beaucoup sur cette menace pour faire rester leurs femmes. De fait, un juge sera plus amené à confier la garde à un père qui a une maison et un travail plutôt qu'à une femme sans emploi résidant dans un foyer pour femmes battues.

Voler de l'argent ou créer des dettes

Certains hommes volent leurs victimes en se servant directement dans leurs ressources personnelles ou cassent leurs effets dispendieux pour les forcer à s'endetter afin de les remplacer. Autre tactique, de plus en plus commune : l'usurpation d'identité. L'agresseur s’accapare le compte de carte de crédit au nom de la victime et accumule des dettes, détruisant sa cote de crédit. "C'est effrayant" dit Green. "Les femmes en arrivent à un point où elles n'ont plus rien et aucun moyen de contrôler leur argent." Ruiner une cote de crédit peut être dévastateur lorsqu’une femme essaie de partir. Elle se retrouvera face à plein de difficultés, notamment pour louer un appartement ou tout autre sorte d'engagement financier.

L’imprévisibilité économique

Une autre tactique utilisée par les abuseurs pour contrôler leur victime est de réduire significativement et aléatoirement leurs ressources et argent. Une telle situation de dépendance financière laisse les victimes dans des situations de stress permanent. "Essayez d'imaginer la détresse et l'anxiété que l'on peut ressentir quand on a pas idée de savoir si on aura assez d'argent pour pouvoir manger ou acheter des médicaments" tente d'expliquer Green. Au fur et à mesure les victimes se sentent de plus en plus isolées et sans pouvoir.

« Donner de l’argent de façon arbitraire à une personne est une forme d’oppression des plus douloureuses » explique Green dans son ouvrage. «La mère et ses enfants sont à la merci du père de famille qui contrôle les finances, sans jamais être sûre si il subviendra aux besoins matériels de la famille ».

L'auteur ose espérer que son ouvrage incitera les associations et organisations qui se battent contre la violence domestique à mettre davantage l'accent sur l'autonomie financière.

"Lorsque quelqu'un est dans une relation abusive, ils sont privés de pouvoir, ils sont dans une situation de captivité domestique ». Si les femmes avaient plus de sécurité financière; elles auraient davantage de pouvoir et serait plus à même de quitter le domicile conjugal.

Cet article initialement publié sur le Huffington Post États-Unis a été traduit de l’anglais.

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