Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

« La Promesse »: premier roman coup de poing de la journaliste Michèle Ouimet (ENTREVUE)

« La Promesse »: premier roman coup de poing de la journaliste Michèle Ouimet (ENTREVUE)
Alain Roberge

Dans son premier roman, la journaliste de La Presse, Michèle Ouimet, met en scène une sorte d’alter ego, Louise Durand, elle aussi reporter d’un grand quotidien habituée de raconter les horreurs du monde. Lors d’une couverture en Afghanistan, Louise rencontre une femme qui a fui son village après avoir été mariée de force à un homme violent de 40 ans son aîné. La journaliste promet de soutenir la jeune Afghane lorsque celle-ci se réfugiera à Montréal, alors que sa propre vie est en train de basculer.

Forte de ses couvertures du génocide rwandais, du tremblement de terre en Haïti, du tsunami au Japon, de la chute de Moubarak en Égypte et de ses multiples séjours au Liban, en Iran, au Pakistan et en Afghanistan, Michèle Ouimet porte en elle un bagage de vie et d’histoires comme on peut à peine l’imaginer.

« Ces couvertures laissent beaucoup de misère humaine dans ma mémoire, comme un amas de petites fissures qui en forment une plus grande. Au début, je pensais que je m’endurcirais, mais ce n’est pas vrai. Je suis plus à fleur de peau qu’avant. »

Sa tête était si pleine d’images et de personnages qu’un roman s’imposait. « Après 25 ans à écrire dans le cadre serré du journal, je me sentais à l’étroit et j’avais une grande soif de liberté: aucune pression, pas de délais, la possibilité de faire ce que je veux de mes personnages, et surtout, aucune limite de longueur. Quand on me demande d’écrire une chronique de 1200 mots, j’ai toujours envie d’en écrire 5000. Lorsque je dois couper des détails, c’est quasiment de l’automutilation. »

L’histoire de La Promesse n’est pas la sienne. Elle n’est pas une journaliste qui ne fait que parler d’elle, de ses problèmes et de la souffrance qu’elle ramène dans ses bagages. Elle ne connaît pas de réplique exacte de la jeune Afghane en détresse. Sa meilleure amie n’est pas l’attachée presse du maire de Montréal, un être décrit comme un homme qui agit avant de réfléchir.

Pourtant, Michèle Ouimet a l’impression de se mettre à nu dans le livre. « C’est comme si je mettais ma tête sur un billot, en position d’être critiquée. En tant que chroniqueur, je reçois parfois des courriels épouvantables. On m’a déjà dit "va donc te faire kidnapper en Afghanistan"! Je suis habituée qu’on critique mes articles ou ma vision des faits, mais pas mon travail en tant que créatrice. C’est une partie de moi qui n’a pas de carapace. »

Dans les méandres de son esprit créateur se cachait le personnage de Soraya, une jeune femme qui défie son mari, les hommes de son village et le tribunal, avant de fuir au Canada. « J’ai connu des femmes maltraitées comme elle, et ces histoires m’ont chavirée. J’avais envie de parler de la résilience de ces femmes, qui se battent, s’exilent et dénoncent la cruauté au péril de leur vie. Je trouvais ça intéressant d’illustrer le contraste avec les femmes occidentales qui sont libres et qui travaillent, mais qui ont leurs propres démons. En dépit du gouffre culturel qui les sépare, Louise et Soraya sont toutes les deux vulnérables. »

L’auteure lui a inventé une histoire, un passé et des réflexions, à défaut de pouvoir sauver toutes les Soraya qu’elle a rencontrées. « J’ai toujours envie de prendre les gens sur mon dos pour les ramener au Canada. Quand on visite des camps de réfugiés, où certaines personnes vivent depuis 10 ans, c’est épouvantable. Certains nous demandent s’ils peuvent immigrer au Canada et je leur explique que c’est très compliqué. Je peux seulement raconter leurs histoires, mais pas leur faire de fausses promesses. Par contre, j’étais curieuse de voir jusqu’où peut aller une journaliste qui aide une jeune fille comme Soraya. »

Direct, intense et porté par une charge émotive sans équivoque, le style de Michèle Ouimet la romancière est à l’image des articles qu’elle publie depuis trois décennies. « J’ai toujours fait le choix de la sobriété. Quand je relis mes textes, je vise une économie de mots et j’enlève la moitié des adjectifs et des adverbes. Sinon, on appuie trop et on perd en efficacité. »

À l’exception de son style d’écriture et de son expérience en zones de conflits, les comparaisons entre la réalité et la fiction ne tiennent pas la route. Même quand il est question du milieu journalistique dépeint dans le roman, avec des patrons prêts à tout pour publier des primeurs, une jeune journaliste arriviste qui couche avec ses supérieurs pour aider sa carrière et des correspondants à l’étranger qui restent dans leur chambre d’hôtel, en se contentant de fouiller sur l’Internet pour rédiger leurs articles.

« Je me suis un peu amusée… Je ne voulais pas d’une vision fleur bleue des journalistes. J’avais envie d’être noire et de rire de nos travers. Par contre, mon but n’est pas de heurter qui que soit. J’aime La Presse et aucun de mes collègues ne doit essayer de se retrouver dans mon histoire. »

Depuis qu’elle a goûté aux plaisirs de l’écriture romanesque, la journaliste a eu la piqure. « J’ai débuté un nouveau roman sur les vieux. Je veux parler de la vraie vieillesse qui est un naufrage. Ce sera cru et il n’y aura rien de cute. Un peu rentre dedans. Comme à mon habitude. »

La Promesse sera en magasins dès le 7 octobre 2014.

INOLTRE SU HUFFPOST

« Le 12 août, j'achète un livre québécois »: vos sélections de 2014

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.